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Laveuses : un filtre pour retenir les microplastiques?

Par Nathalie Kinnard
fibres-lavage Maximillian cabinet/Shutterstock.com

Plus du tiers des microplastiques trouvés dans les océans proviennent de vos vêtements, sous la forme de microfibres relâchées durant le lavage. Il serait possible de diminuer la production de ces microparticules en ajoutant un filtre à votre laveuse, en vous procurant une balle ou un sac conçu pour capter les microfibres et en changeant quelques-unes de vos habitudes.

Filtrer à la source
La sécheuse aussi
Un sac et une boule à la rescousse
5 conseils pour rejeter moins de microfibres

Saviez-vous qu’une seule brassée de vêtements en acrylique libérerait environ 700 000 fibres de textile et qu’une partie de celles-ci finissent leur course dans les cours d’eau sous forme de microplastiques? Ces particules de moins de 5 mm se détachent du textile à cause de la friction et sont évacuées avec l’eau de lavage.

Selon Ocean Wise, un organisme à but non lucratif engagé dans la protection des océans, chaque ménage moyen de deux adultes et deux enfants, aux États-Unis et au Canada, rejette annuellement dans les égouts 533 millions de microfibres (l’équivalent de 180 ml de couscous cru) provenant de sa laveuse.

Si environ 95 % de ces microparticules sont capturées par les stations d’épuration des eaux usées, la part restante se retrouve tout de même dans les océans chaque année. En additionnant les rejets de tous les ménages d’Amérique du Nord, on parle de quelque 878 tonnes au total, « ce qui équivaut au poids de 10 baleines bleues », d’après Ocean Wise.

En raison de leur petite taille, les microfibres voyagent facilement dans l’eau et finissent dans l’antre des organismes aquatiques, qui les confondent avec de la nourriture. Les microparticules progressent ensuite dans la chaîne alimentaire, jusque dans nos assiettes.

Les microfibres sont une grande source de microplastiques, car la plupart des vêtements sont faits, en tout ou en partie, de textiles synthétiques (polyester, nylon, acrylique, etc.).

Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’incidence des microplastiques (incluant les microfibres) sur la santé humaine est mal connue. Les scientifiques pensent qu’ils pourraient affecter les cellules et la circulation de l’oxygène, et ainsi perturber les systèmes nerveux, digestif et urinaire. Quant aux fibres naturelles – coton, lin, laine –, elles libèrent dans l’environnement des teintures et des apprêts.

Comment mieux gérer les microfibres provenant de vos vêtements? Voici l’avis de quelques experts.

Filtrer à la source

Comme une fraction des microfibres échappent aux stations d’épuration des eaux usées, il faut les attraper en amont, c’est-à-dire à la sortie des machines à laver. « Il est plus facile de piéger des polluants à la source, où leurs concentrations sont importantes, que d’attendre qu’ils soient dilués dans les gros volumes d’eau entrant dans les usines de traitement », explique Patrick Drogui, chercheur spécialisé en traitement des eaux à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Avec son équipe, il a entrepris de combattre les microfibres provenant des 22 000 buanderies commerciales nord-américaines. « Nous proposons un filtre qui capte puis dégrade les microplastiques grâce à des réactions électrochimiques, soit le passage du courant électrique dans l’eau », précise-t-il. Le prototype, qui serait très prometteur, est actuellement à l’étude sur des laveuses industrielles.

Le Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME), un organisme d’intérêt public établi à Montréal, mène une lutte similaire du côté des foyers québécois, en collaboration avec Dominique Claveau-Mallet, spécialiste en microplastiques et eaux usées à Polytechnique Montréal.

« En 2021, nous avons demandé à 30 Québécois de connecter un filtre externe à microfibres à leur laveuse et de documenter leur expérience pendant six mois », détaille Luisa Novara, chargée de projets en gestion de matières résiduelles au GRAME. L’expérience s’est avérée concluante : le filtre retient de 87 à 100 % des microfibres.

Il faut en revanche penser à le vider souvent, et pas n’importe comment. « On se retrouve avec une boule de charpie dans de l’eau. La tentation de vider ce contenu dans l’évier est très grande, mais on ne réglerait pas le problème. Il faut donc filtrer ou faire décanter la partie solide pour la jeter ensuite à la poubelle », explique Dominique Claveau-Mallet. Des participants qui avaient oublié de vider leur filtre ont eu des problèmes de blocage, de drainage et d’odeurs avec leur laveuse.

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- Le filtre Lint LUV-R est offert à 190 $ CA (en plus des taxes et de la livraison) sur le site du fournisseur Environmental Enhancements. RECYC-QUÉBEC, en collaboration avec le GRAME et certaines villes participantes, offre toutefois des subventions pour se procurer ce filtre; le citoyen n’a qu’à payer les taxes. Notez que certaines villes ont épuisé leurs subventions. Photo : Environnemental Enhancements

En outre, cette solution n’est pas pour tout le monde, car il faut un dégagement autour de la laveuse pour installer le filtre, qui mesure 32 cm de longueur sur 25 cm de largeur, avec une circonférence de 8 cm, sans compter les tuyaux et le support de montage. « Une personne sur quatre ou cinq n’avait pas la place pour installer le filtre », confirme Luisa Novara. De plus, certains citoyens ont dû faire appel à un plombier, car le filtre doit être installé à une hauteur précise pour balancer la pression de l’eau.

Nos trois experts sont formels : le Canada doit emboîter le pas à la France, qui ne vendra que des machines à laver équipées de filtres intégrés à compter de 2025. « L’idée serait d’avoir un filtre que le citoyen n’a pas à installer et qui émet un signal d’alarme lorsqu’il est plein », précise Dominique Claveau-Mallet.

La sécheuse aussi

Contrairement aux machines à laver, les sécheuses sont déjà équipées d’un filtre servant à récolter les microfibres. Malgré cela, selon une étude publiée en 2022 par l’American Chemical Society, le séchage libérerait 40 fois plus de microfibres par vêtement que le lavage, et ces particules se répandraient dans l’atmosphère.

Un foyer canadien émettrait ainsi dans l’air entre 900 millions et 1,2 milliard de microfibres par cycle de séchage. Ces fins filaments peuvent s’infiltrer dans les voies respiratoires des résidents ou encore par le contact main-bouche, particulièrement chez les enfants. Cette exposition pourrait provoquer notamment la maladie pulmonaire obstructive chronique, qui se caractérise par de l’essoufflement et une toux chronique.

Les auteurs canadiens, américains et chinois de l’étude tirent donc la sonnette d’alarme : il faut mettre au point de meilleurs filtres ainsi que des stratégies de contrôle pour diminuer la pollution atmosphérique par les microfibres provenant des sécheuses.

Un sac et une boule à la rescousse

Une étude de 2020 de l’Université de Plymouth, au Royaume-Uni, a montré que le sac de lavage de marque Guppyfriend, vendu en ligne et dans certaines boutiques, contribuerait à retenir 54 % des microfibres qui s’échappent durant le lavage en limitant la friction entre les vêtements.

« Ce sac constitue une bonne façon de réduire la perte de microfibres, car il est fait pour cela. Il a des mailles très serrées qui retiennent les particules de textiles. De plus, il est conçu de sorte qu’il ne perde pas de fibres lui-même. Cependant, sa durée de vie d’environ 50 lavages est plus courte que celle d’un filtre », décrit Luisa Novara, chargée de projets au GRAME.

Les auteurs de l’étude citée plus haut ont aussi analysé l’efficacité de la Cora Ball, une boule qui réduirait de 31 % la quantité de microfibres relâchées dans l’eau. Le site web du fabricant prévient toutefois de ne pas l’utiliser avec des vêtements à bretelles ou avec des tricots à grandes mailles, qui pourraient s’emmêler dans la balle.

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- Le sac Guppyfriend est vendu 34,95 $ US sur le site web de son fabricant.

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- La Cora Ball se détaille 52 $ CA sur le site web de son fabricant.

5 conseils pour rejeter moins de microfibres

1. Lavez les textiles moins souvent.

2. Achetez des vêtements de qualité, plus résistants.

3. Privilégiez les vêtements usagés, car ce sont les premiers lavages qui génèrent le plus de microfibres.

4. Lavez et essorez les vêtements à l’eau froide, au cycle délicat : ce cycle permet de réduire de 30 % la libération de microfibres.

5. Séchez vos vêtements à l’air libre.

>> À lire aussi : 4 solutions pour manger moins de plastique et Où se cache le plastique dans l’alimentation?

 

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