Les jeux de société sont-ils écoresponsables ?

Quelques initiatives entrepreneurialesPlus de fabrication localeLes joueurs se sentent peu concern&eacute;sLe jeu le plus &eacute;cologique, c&rsquo;est celui qu&rsquo;on n&rsquo;ach&egrave;te pasUn &Eacute;coscore&Agrave; la suite des conclusions du dernier rapport du Groupe d&rsquo;experts intergouvernemental sur l&rsquo;&eacute;volution du climat (GIEC), et &eacute;tant donn&eacute; les effets de la pand&eacute;mie, la question de notre impact environnemental est de plus en plus pr&eacute;occupante. Comme le r&eacute;v&eacute;lait en d&eacute;cembre 2021 une &eacute;tude du Centre universitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), &agrave; Montr&eacute;al, 69 % des Qu&eacute;b&eacute;cois attribuent &laquo;&thinsp;un risque grand ou tr&egrave;s grand&thinsp;&raquo; aux changements climatiques, soit 17 points de plus qu&rsquo;en 2018.Cette prise de conscience les incite plus que jamais &agrave; poser des gestes &eacute;coresponsables. Toutefois, pour que les consommateurs de jeux puissent faire des choix &eacute;clair&eacute;s, les &eacute;diteurs doivent pour leur part leur proposer des produits respectueux de l&rsquo;environnement.Dans cette optique, l&rsquo;Union des &eacute;diteurs de jeux de soci&eacute;t&eacute; (UEJ), un organisme fran&ccedil;ais qui regroupe pr&egrave;s de 70 maisons d&rsquo;&eacute;dition a mis sur pied une commission vou&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;coresponsabilit&eacute;. En 2019, celle-ci a publi&eacute; Le Jeu de soci&eacute;t&eacute; et l&rsquo;&eacute;co-conception &ndash; Livre blanc, qui r&eacute;sume une enqu&ecirc;te men&eacute;e par un cabinet d&rsquo;experts en d&eacute;veloppement durable.En cat&eacute;gorisant les jeux en trois formats (petit, moyen et grand), le Livre blanc pr&eacute;sente des donn&eacute;es concr&egrave;tes sur un milieu jusque-l&agrave; tr&egrave;s peu &eacute;tudi&eacute;. Ainsi, pour chaque jeu de soci&eacute;t&eacute; de grand format fabriqu&eacute; en Chine, la quantit&eacute; de kilogrammes de carbone, transport inclus, est &eacute;quivalente &agrave; celle de 40 km parcourus avec une voiture &agrave; essence de format standard europ&eacute;en. En comparaison avec le jeu vid&eacute;o, activit&eacute; connexe, la fabrication de 22 jeux de grand format &eacute;quivaut &agrave; l&rsquo;empreinte carbone de celle d&rsquo;une seule PlayStation 4.Quelques initiatives entrepreneurialesL&rsquo;entreprise Hasbro (Monopoly, mais aussi Nerf et My Little Pony) s&rsquo;est engag&eacute;e en 2019 &agrave; retirer le plastique d&rsquo;emballage, initiative qui n&rsquo;a toutefois qu&rsquo;un effet marginal sur l&rsquo;impact environnemental d&rsquo;un jeu, comme l&rsquo;indique le Livre blanc de l&rsquo;UEJ : &laquo;&thinsp;La part des films d&rsquo;emballage des bo&icirc;tes et des cartes sur l&rsquo;ensemble des indicateurs repr&eacute;sente respectivement en moyenne entre 0,01 % et 0,13 % des impacts.&thinsp;&raquo; &Eacute;videmment, ce domaine n&rsquo;est pas &agrave; l&rsquo;abri du greenwashing, technique qui consiste &agrave; donner une apparence &eacute;coresponsable &agrave; un produit ou &agrave; des pratiques commerciales sans v&eacute;ritable effet.Un &eacute;diteur fran&ccedil;ais de jeux de soci&eacute;t&eacute; s&rsquo;est engag&eacute; pour sa part dans une d&eacute;marche globale d&egrave;s sa cr&eacute;ation, en 1996. &laquo;&thinsp;Bioviva est n&eacute;e de l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;utiliser le jeu pour sensibiliser &agrave; la protection de l&rsquo;environnement, et il ne pouvait y avoir coh&eacute;rence que si le produit respecte l&rsquo;environnement&thinsp;&raquo;, explique Fr&eacute;d&eacute;ric C&eacute;r&egrave;ne, directeur des communications.On ne parle pas ici seulement d&rsquo;une r&eacute;flexion sur la fabrication (impression sur du papier recycl&eacute;, non-usage de plastique, utilisation d&rsquo;encres v&eacute;g&eacute;tales, etc.), mais aussi d&rsquo;analyses du bilan carbone de l&rsquo;entreprise en vue de supprimer, de r&eacute;duire ou de compenser le carbone &eacute;mis par ses activit&eacute;s. &laquo;&thinsp;Depuis l&rsquo;an dernier, 100 % de l&rsquo;&eacute;nergie servant &agrave; la production de nos jeux chez notre imprimeur, dont le si&egrave;ge est en France, est issue de panneaux photovolta&iuml;ques&thinsp;&raquo;, rench&eacute;rit M. C&eacute;r&egrave;ne.Jeux Opla, un autre &eacute;diteur fran&ccedil;ais, n&rsquo;exporte pas ses jeux, mais les imprime localement, m&ecirc;me si cela r&eacute;duit ses revenus. Florent Toscano, qui a cr&eacute;&eacute; la maison d&rsquo;&eacute;dition en 2011, a fait certains choix &eacute;cologiques qui cadrent avec ses convictions : &laquo;&thinsp;On exporte dans des pays voisins de la France : Espagne, Suisse, Belgique, Allemagne. Pour que nos jeux se retrouvent plus loin, il faut qu&rsquo;une entreprise locale s&rsquo;engage &agrave; en faire l&rsquo;impression.&thinsp;&raquo; R&eacute;cemment, un distributeur qu&eacute;b&eacute;cois s&rsquo;est associ&eacute; &agrave; des boutiques des quatre coins de la province pour amasser les fonds n&eacute;cessaires pour imprimer ces jeux localement.Au Qu&eacute;bec, la maison d&rsquo;&eacute;dition Le Scorpion masqu&eacute; participe depuis 2010 &agrave; un programme de l&rsquo;OSNL Arbres Canada. Ainsi, pour chaque arbre coup&eacute; pour la fabrication de ses jeux, l&rsquo;&eacute;diteur fait un don &eacute;quivalant &agrave; la plantation d&rsquo;un nouvel arbre. Christian Lemay, fondateur, reste toutefois lucide : &laquo;&thinsp;On n&rsquo;a pas du tout la pr&eacute;tention de se pr&eacute;senter comme une entreprise &eacute;coresponsable ou carboneutre. L&rsquo;id&eacute;e est surtout de faire un pas dans la bonne direction.&thinsp;&raquo; Il ajoute que d&rsquo;autres initiatives sont &agrave; venir, comme la r&eacute;duction de la quantit&eacute; de plastique dans leurs prochains jeux.Plus de fabrication localeLe rapport de l&rsquo;UEJ indique que le transport repr&eacute;sente 15 % des impacts que peuvent avoir des jeux sur l&rsquo;environnement et recommande de les imprimer localement. Quelle est la situation au Qu&eacute;bec &agrave; ce chapitre&thinsp;?Jusqu&rsquo;&agrave; tout r&eacute;cemment, un seul &eacute;diteur, Gladius, fabriquait la quasi-enti&egrave;ret&eacute; de ses jeux au Qu&eacute;bec, en partenariat avec deux imprimeurs de la r&eacute;gion de Qu&eacute;bec. &laquo;&thinsp;Une fois imprim&eacute;s, les jeux sont assembl&eacute;s dans nos locaux &agrave; L&eacute;vis&thinsp;&raquo;, dit V&eacute;ronique D&eacute;sormeaux, responsable des partenariats et promotions. Tout ce qui rel&egrave;ve du papier et du carton est produit localement, et le reste, comme les pions et les d&eacute;s, est import&eacute;.En 2020, en raison du ralentissement des commandes d&ucirc; &agrave; la pand&eacute;mie, un imprimeur de Sainte-Agathe-des-Monts a d&eacute;cid&eacute; de se lancer dans les jeux de soci&eacute;t&eacute; comme &eacute;diteur, fabricant et distributeur. Les &Eacute;ditions Momentum se sont donc dot&eacute;es de nouvelles imprimantes pour concevoir le plus de pi&egrave;ces possible pour leurs jeux. &laquo;&thinsp;Nous avons une machine pour d&eacute;couper l&rsquo;acrylique afin de faire nos pions nous-m&ecirc;mes. Pour l&rsquo;instant, il n&rsquo;y a que les d&eacute;s qu&rsquo;on ne fabrique pas &agrave; l&rsquo;interne&thinsp;&raquo;, pr&eacute;cise Jimmy Dorion, vice-pr&eacute;sident. &Eacute;tant donn&eacute; l&rsquo;explosion des co&ucirc;ts de production en Chine et des frais de transport, les demandes pour imprimer localement augmentent, nous dit M. Dorion : &laquo;&thinsp;Nous avons d&ucirc; refuser pr&egrave;s de 20&thinsp;000 impressions, mais on travaille &agrave; agrandir nos installations pour r&eacute;pondre &agrave; la demande.&thinsp;&raquo;Les joueurs se sentent peu concern&eacute;sUn des plus gros freins aux progr&egrave;s &eacute;cologiques de l&rsquo;industrie est sans doute le suivant : les joueurs passionn&eacute;s de jeux de soci&eacute;t&eacute; ne sont pas pr&ecirc;ts &agrave; faire des sacrifices pour l&rsquo;environnement. Prot&eacute;gez-Vous a interrog&eacute; via les r&eacute;seaux sociaux environ 150 consommateurs passionn&eacute;s de jeux de soci&eacute;t&eacute; (qui consacrent &agrave; ce loisir plus de 1&thinsp;200 $ par an en moyenne). Le r&eacute;sultat est pr&eacute;occupant : seulement 2 % des r&eacute;pondants ont choisi l&rsquo;affirmation &laquo;&thinsp;Le jeu semble respectueux de l&rsquo;environnement&thinsp;&raquo; quand on leur demandait les trois raisons principales qui les poussent &agrave; acheter des jeux.Sans surprise, les m&eacute;caniques, le th&egrave;me et le mat&eacute;riel arrivent en t&ecirc;te des crit&egrave;res d&rsquo;achat d&rsquo;un nouveau jeu. La majorit&eacute; des sond&eacute;s d&eacute;clarent de surcro&icirc;t qu&rsquo;une hypoth&eacute;tique &eacute;co&eacute;tiquette (voir encadr&eacute;) ne les inciterait pas &agrave; acheter un jeu plut&ocirc;t qu&rsquo;un autre : pour 58 % des sond&eacute;s, cela n&rsquo;aurait aucun effet, 31 % disent que cela aurait un certain effet si le jeu est au m&ecirc;me prix ou moins cher, et seulement 11 % affirment &ecirc;tre pr&ecirc;ts &agrave; payer plus cher.Des donn&eacute;es que confirme Rachael Hardies, g&eacute;rante de la boutique Le Valet d&rsquo;C&oelig;ur, &agrave; Montr&eacute;al : &laquo;&thinsp;Il est rare que des clients s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; la question &eacute;cologique au moment de l&rsquo;achat. M&ecirc;me si on le voit de plus en plus, cela reste peu commun.&thinsp;&raquo; De plus, selon elle, un des repoussoirs est que la qualit&eacute; d&rsquo;un jeu fait localement ou avec des mat&eacute;riaux recycl&eacute;s est souvent moindre que celle d&rsquo;un jeu produit de fa&ccedil;on classique, tout en &eacute;tant vendu au m&ecirc;me prix ou plus cher &ndash; rien pour inciter les joueurs &agrave; faire un achat &eacute;coresponsable.&Eacute;videmment, si la demande n&rsquo;est pas au rendez-vous, rien ne pousse les entreprises de jeux &agrave; modifier leurs habitudes. Ce march&eacute; &eacute;tant tr&egrave;s comp&eacute;titif, les &eacute;diteurs &eacute;coresponsables doivent couper dans leur marge pour rester concurrentiels &ndash; un risque qui n&rsquo;en vaut probablement pas la chandelle.Le jeu le plus &eacute;cologique, c&rsquo;est celui qu&rsquo;on n&rsquo;ach&egrave;te pasIl existe de nombreuses avenues pour les consommateurs qui veulent jouer de fa&ccedil;on &eacute;coresponsable. La premi&egrave;re est &eacute;videmment de diminuer l&rsquo;achat de produits neufs. Heureusement, les jeux de soci&eacute;t&eacute; ne sont pas, &agrave; quelques exceptions pr&egrave;s, des produits &laquo;&thinsp;&agrave; jeter apr&egrave;s usage&thinsp;&raquo;. On peut en trouver sur des plateformes comme Marketplace ou Kijiji.D&rsquo;autres avenues peuvent aussi &ecirc;tre explor&eacute;es. Vous pouvez emprunter un jeu &agrave; des amis ou m&ecirc;me &agrave; des inconnus sur des plateformes comme Le Grenier Ludique ou Coludik. Vous pouvez &eacute;galement jouer dans un lieu ludique ou un &eacute;v&eacute;nement de jeu : une occasion parfaite pour faire des d&eacute;couvertes sans acheter. De plus, certaines boutiques sp&eacute;cialis&eacute;es proposent la location de jeux, et de plus en plus de biblioth&egrave;ques publiques en pr&ecirc;tent : renseignez-vous&thinsp;!Dans tous les cas, si un jeu neuf vous fait de l&rsquo;&oelig;il, pensez &agrave; lire ou &agrave; relire nos trucs et conseils avant de l&rsquo;acheter. Et si vous l&rsquo;avez d&eacute;j&agrave; achet&eacute; : d&eacute;ballez-le et jouez-y, il n&rsquo;attend que &ccedil;a&thinsp;!Un &Eacute;coscoreSi pour l&rsquo;instant il n&rsquo;existe aucun sceau ou label &eacute;cologique pour les jeux de soci&eacute;t&eacute; en particulier, un blogue ind&eacute;pendant suisse a lanc&eacute; son &eacute;tiquette en 2019, &agrave; la suite du test d&rsquo;un jeu &eacute;dit&eacute; localement et 100 % en bois, mais fabriqu&eacute; en Chine. Gus Brandys, le fondateur du collectif Gus &amp; Co, explique : &laquo;&thinsp;Ce constat nous a men&eacute;s &agrave; nous attarder aux mentions de fabrication des jeux et, sans surprise, nous nous avons not&eacute; que la plupart des jeux viennent de Chine. On a donc ajout&eacute; &agrave; chacun de nos tests une &eacute;valuation, l&rsquo;&Eacute;coscore, qui illustre, par une lettre de A &agrave; E, le degr&eacute; d&rsquo;&eacute;coresponsabilit&eacute; d&rsquo;un jeu.&thinsp;&raquo;Pour &eacute;valuer un jeu, le lieu de fabrication et le mat&eacute;riel sont pris en compte. Ainsi, un jeu fabriqu&eacute; en Europe avec du mat&eacute;riel renouvelable uniquement se voit accorder la mention A. &Agrave; l&rsquo;inverse, un jeu produit en Asie et rempli de plastique se verra attribuer un E. Malheureusement, pour les consommateurs qu&eacute;b&eacute;cois, la valeur de l&rsquo;&Eacute;coscore est fauss&eacute;e, car entre l&rsquo;Europe et ici, les jeux doivent parcourir des milliers de kilom&egrave;tres. Cela dit, cette initiative pose les bases d&rsquo;une certification propre aux jeux de soci&eacute;t&eacute;.Tous les &eacute;diteurs interrog&eacute;s par Prot&eacute;gez-Vous ont affirm&eacute; que chaque action qui va dans le bon sens en mati&egrave;re d&rsquo;environnement n&rsquo;est pas &agrave; rejeter d&rsquo;embl&eacute;e, tout en exprimant des r&eacute;ticences quant &agrave; l&rsquo;utilisation d&rsquo;une certification. Ils se demandent quels crit&egrave;res seront utilis&eacute;s pour juger les jeux et si la certification aura un effet aupr&egrave;s des consommateurs, ou si le sceau se perdra parmi tous les symboles d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sents sur les produits.&gt;&gt; &Agrave; lire aussi: notre test de jeux de soci&eacute;t&eacute;

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