En récupérer l’accès m'a demandé un téléphone… et de la patience.
Ma banque est… une banque. Elle a fait 10 milliards de dollars de profits en 2021. On me dirait que le patron prend chaque jour son bain dans un coffre-fort rempli de pièces d’or que je le croirais. Et pourtant, la musique d’attente de son service à la clientèle ne dure très précisément que 57 secondes. Après même pas une minute, la petite ritournelle de mandoline et de guitare reprend du début, comme si la pauvre institution financière n’avait pas les moyens de payer pour un deuxième couplet.
« Votre appel est important pour nous », répétait une voix à peu près toutes les cinq minutes. « Votre santé mentale ? Pas tant », aurait-elle pu ajouter. Si on met bout à bout tous les appels que j’ai dû faire pour régler mon problème, j’ai entendu cette musique plus courte qu’une vidéo TikTok pas moins de 496 fois en une semaine et demie; des chiffres dignes de ceux avec lesquels se retrouve un parent pris avec un enfant qui a découvert la bande originale de Frozen. Le soir, quand je ferme la lumière et les yeux pour poser la tête sur l’oreiller, je l’entends encore.
Au téléphone, le silence est interprété comme un indice que la ligne a été coupée, qu’il y a un problème, qu’il vaut mieux raccrocher et composer de nouveau. Quand un ami vous met en attente, la ligne émet un petit « bip-bip » régulier qui n’est pas sans rappeler un électrocardiogramme. « Bip-bip. Cet appel est toujours vivant. Bip-bip. Son cœur bat. » Les entreprises, elles, nous font jouer de la musique. Un langoureux The Girl from Ipanema; la flûte de pan de Zamfir; Pachelbel et son Canon dans la version la plus sirupeuse qui soit… nous avons droit à un véritable Big Shiny Tunes de la musique qui ne dérange personne.
Si vous êtes chanceux, une voix automatisée vous dira combien de gens sont devant vous dans la file, ce qui vous donnera l'impression de faire partie d'une communauté. Plus chanceux encore, on vous donnera l'option de laisser votre numéro, et vous pourrez donc passer la prochaine heure anxieux et improductif, hanté par l'idée de manquer l'appel. Mais dans la plupart des cas, tout ce que vous réussirez à faire est de « garder la ligne pour conserver votre priorité d'appel » et d’endurer une version instrumentale de Yesterday à la guitare classique.
Si on met un jour la main au collet des vilains lascars (pardonnez mon langage, je suis hors de moi) qui sont derrière ma tentative de fraude, je sais quelle punition je leur souhaite.
Oubliez la machine qui étire les bras et les jambes, l’empalement et les autres techniques médiévales; il existe bien pire torture. Je veux qu’on attrape les gredins –encore une fois, mille pardons – et qu’on colle un téléphone sur l’oreille des malotrus (furax, je suis !). Je veux qu’on appelle le service à la clientèle de ma banque. Je veux qu’ils passent des heures, comme je l’ai fait, à attendre « qu’un agent se libère ». Pire : je leur souhaite « un volume d’appels plus élevé que prévu ». Croyez-moi, ça suffira à les remettre sur le droit chemin.