Posséder «des portes». L'inhumanité de cette expression me dresse le poil sur le torse. J'en oublie presque la ligne où on glisse rapidement que par « parti de rien », on veut en fait dire «parti d'un prêt de 150 000 $ de son papa», mais ça, ce sera pour une autre chronique.
Je sais : tous les propriétaires ne sont pas des magnats de l'immobilier. Je sais aussi que ce n'est pas toujours facile de gérer un immeuble. Chaque article sur les droits des locataires relayé sur Facebook s'accompagne du commentaire où un proprio raconte l'histoire du locataire qui a arraché le tapis, écrit avec son sang sur les murs et pété sans s'excuser avant de partir sans payer. Mais force est d'admettre que ma compassion a ses limites.
Oui, c'est plate d'avoir à nettoyer un logement avant de pouvoir le louer à nouveau (et d’en tirer un revenu régulier, avant d'ultimement revendre l'immeuble en faisant un profit), mais avez-vous déjà essayé de passer une nuit blanche à répéter «merde, merde, merde… je vais me faire rénovicter…» juste parce que le propriétaire a changé deux boîtes aux lettres sans qu'on le lui ait demandé? Moi, oui. Être locataire, en 2022, c'est un sport extrême pour les nerfs.
J'ai pourtant de la chance : mon loyer n'est pas cher et mon propriétaire est une soie. Au point où ça en devient suspect. Je me dis souvent qu'une nuit, je vais me lever pour boire de l'eau et voir mon proprio enterrer «quelque chose» dans la cour arrière. Je vais alors me dire : «Ah, ben voilà. Ça explique le prix du loyer», avant d'aller me recoucher sans en parler à personne.
Un jour, je vais devoir quitter ce havre de paix locatif. Et ce jour-là, mon loyer va tripler… sans que j'obtienne le triple de ce que j'ai aujourd'hui.
Avant de m'accorder le privilège d'un endroit où dormir, mon futur propriétaire va faire une enquête de crédit, me passer en entrevue et même me demander des références. Je vais me prêter au jeu, mais je crois que je devrais pouvoir en faire autant.
Tant que je paye 700 $ par mois, ça ne me dérange pas de déboucher moi-même l'évier de la salle de bain. Mais à 1 500 $, je commence à m'attendre à un service à l'avenant. À 1 800 $, j'espère même que le petit-déjeuner est inclus. Deux mille dollars? Rendu là, je veux un service de voiturier.
J'aurais donc moi aussi quelques questions à poser à un futur propriétaire.
Si vous peignez un mur, peignez-vous…
a) … autour de la prise électrique?
b) … par-dessus la prise électrique, comme un gnochon?
Les animaux sont interdits dans votre logement parce que…
a) … vous avez des parts dans une entreprise d'euthanasie de chats?
b) … vous n'aimez pas le bonheur?
Et surtout, êtes-vous…
a) … un propriétaire qui habite son triplex?
b) … une entreprise qui collectionne « les portes »?
J'habite un appartement, pas «une porte», et encore moins «un investissement». Quiconque ne voit pas cette différence ne mérite peut-être pas d'être propriétaire.