Lorsqu’on pense à la pollution créée par le plastique, on a tendance à imaginer des sacs et des ustensiles à usage unique qui s’amoncellent au dépotoir. On pense plus rarement aux particules de très petite taille, les microplastiques, qui s’accumulent dans nos cours d’eau.
Pourtant, il s’agit d’une source importante de pollution puisque ces particules sont ingérées par les espèces aquatiques et passent ainsi dans la chaîne alimentaire, sans que l’on connaisse vraiment les effets qu’ils auront sur les organismes vivants. En 2020, une étude publiée par des chercheurs de l’Université McGill concluait que le fleuve Saint-Laurent est l’un des cours d’eau où l’on trouve la plus grande concentration de microplastiques au monde. Ces contaminants proviennent de procédés industriels, de l’industrie des cosmétiques (notamment les microbilles de plastique utilisées jusqu’à leur interdiction en 1999), de la fragmentation de plastique plus volumineux et… de résidus de lavage.
Pas propre, la lessive
On vous l’expliquait dans un article publié en août dernier : les tissus synthétiques comme le nylon, le polyester, l’acrylique, l’élasthanne sont fabriqués à partir de composants du pétrole et entrent dans la grande famille des plastiques. Lorsqu’on lave les vêtements fabriqués avec ces tissus, de mini fragments s’en détachent et s’écoulent avec l’eau du lavage. Les usines d’épuration arrivent à récupérer une partie de ces fragments, mais une certaine quantité s’accumule, année après année, dans les rivières et les océans.
Parmi les solutions proposées dans notre article d’août dernier pour limiter les rejets de microplastiques figurait l’installation d’un filtre à la sortie de la laveuse afin de recueillir les fragments avant qu’ils se retrouvent dans les eaux usées.
Filtres : oui, c’est efficace…
Au début de février, le Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME) a présenté les résultats d’une étude menée sur ces filtres (Lint LUV-R vendu à 190 $), en collaboration avec des chercheurs de Polytechnique Montréal. Plus précisément, l’équipe de recherche a demandé à une trentaine de ménages québécois d’utiliser ces appareils pendant six mois et de récolter la matière qui s’y accumule (visualisez de la charpie de sécheuse, mais mouillée). Cette matière a par la suite été analysée en laboratoire.
La bonne nouvelle, c’est que ces filtres semblent fonctionner. Pour un ménage moyen, le filtre pourrait empêcher 16 grammes de plastique de se retrouver dans les eaux usées, soit l’équivalent d’une bouteille de plastique par année. Les résultats montrent aussi que près du tiers de la charpie recueillie était composé de microplastiques. Le reste était composé d’autres types de fibres (du coton, par exemple), de matière organique (cheveux ou poils d’animaux, notamment) et de matière inorganique, comme des grains de sable.
… mais ardu à utiliser
La mauvaise nouvelle, c’est que ces filtres sont loin d’être simples à utiliser. L’installation est ardue ; une personne sur cinq a dû faire appel à un plombier. De plus, un espace suffisant doit être disponible à l’arrière de la laveuse. Ensuite, le filtre doit être nettoyé régulièrement, et ça n’est pas une mince affaire. D’abord, vous devez récupérer cette espèce de boue mouillée. Ensuite, vous devez la faire sécher sans que les microplastiques qui la composent s’échappent – la tâche est plus compliquée qu’il n’y paraît. Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au Département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal, suggère de laisser décanter le contenu du filtre pendant quelques heures pour se débarrasser ensuite de la partie liquide dans le lavabo et de la partie solide à la poubelle.
Finalement, notons que certains utilisateurs ont aussi signalé la présence d’une mauvaise odeur. Une participante a abandonné le projet, car le lavage de couches réutilisables combiné à l’utilisation du filtre ne faisait pas bon ménage. Devinez pourquoi…
Néanmoins, 50 % des participants à l’étude se sont dits prêts à continuer l’utilisation des filtres à la fin de l’expérience.
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D’autres solutions
Il existe d’autres façons d’attraper les microplastiques avant qu’ils se retrouvent dans les cours d’eau. Ainsi, chaque laveuse pourrait être équipée d’un filtre à même l’appareil. C’est ce qu’exigera la France dès 2025. Il est aussi possible d’améliorer nos systèmes de traitement des eaux pour qu’ils soient plus efficaces. Dominique Claveau-Mallet, chercheuse impliquée dans ce projet, étudiera ces possibilités dans les prochaines années.
Finalement, il est possible de diminuer à la source la quantité de microplastiques produits en modifiant nos habitudes de lavage. Aux conseils que nous donnions dans notre article d’août dernier (laver les textiles moins souvent, acheter des vêtements de qualité, privilégier les vêtements usagés...), Abdellah Ajji, professeur titulaire au Département de génie chimique à Polytechnique Montréal, ajoute celui de laver les vêtements à l’eau froide pour réduire l’abrasion.
Bien sûr, une autre solution serait de réduire l’utilisation des fibres synthétiques dans les vêtements. Malheureusement, il n’existe pas de fibre parfaite. La culture du coton exige de grandes quantités d’eau et de pesticides ; la production de rayonne de bambou implique énormément de produits chimiques ; la laine soulève bien des questions sur le traitement des animaux, etc.
Pour ma part, je n’ai pas l’espace suffisant pour installer un de ces filtres. Mais comme la réorganisation de notre salle de lavage est au programme, je vais peut-être considérer m’en procurer un le moment venu.
Bien franchement, j’espère que, d’ici là, on aura trouvé des solutions plus faciles à mettre en œuvre pour le consommateur...
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