Selon l’Institut de la biodiversité de l’Ontario, au moins 30 % des produits en circulation au pays ne contiennent pas ce qui est indiqué sur l’étiquette. Notre test sur le miel publié ce mois-ci l’illustre bien : 31 % des échantillons que nous avons testés en laboratoire comportaient des imperfections ou contrevenaient aux normes canadiennes et internationales sur le miel. Parmi les défauts identifiés : mauvaise identification de la plante d’origine, signe de surchauffe et présence de sucre autre que le miel.
Notre test sur les huiles d’olive, à l’été 2016, nous avait aussi alertés. Le goût d’au moins trois des 27 produits ne correspondait pas à des huiles d’olive vierges extra, selon nos dégustateurs. Et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) nous disait que 33 % des échantillons d’huile d’olive qu’elle avait analysés en 2014-2015 étaient insatisfaisants. Elle ajoutait que les fraudes courantes comptent la substitution de poissons ou de viandes par des espèces moins coûteuses, la falsification du fromage parmesan, du sirop d’érable et de certaines épices moulues (poivre, safran, etc.).
Salubrité et santé
Bref, la fraude alimentaire est bel et bien présente au Canada. Et elle n’est pas anodine. Des produits alimentaires falsifiés peuvent présenter des risques pour la salubrité des aliments et la santé des consommateurs. Pensons, par exemple, à un changement de date de péremption sur un steak ou à l’ajout d’un ingrédient possiblement allergène dans un produit, sans qu’il ne soit indiqué sur l’étiquette. Pour ceux qui souffrent d'allergies ou d'une intolérance alimentaire, la conséquence peut être grave. Il faut aussi prendre en considération les croyances religieuses de ceux qui ne veulent pas manger de porc ou cherchent des produits cachères ou halal.
Question de confiance
Le plus grand danger réside toutefois dans le doute que la fraude alimentaire insinue dans l’esprit des consommateurs. Dans un sondage publié en début d’année par l’Université Dalhousie, à Halifax, seulement 57 % des Canadiens disaient faire confiance aux instances de réglementation gouvernementales pour les protéger contre la fraude alimentaire. Et ce, même si la fraude alimentaire n’est pas un sujet de préoccupation important. À peine 63 % des répondants se disaient inquiets à l'égard de produits alimentaires mal représentés, falsifiés ou contrefaits.
Actuellement, le système est basé sur la bonne foi des producteurs, des importateurs et des distributeurs de produits alimentaires. L’ACIA présume qu’ils respectent les règlements en vigueur au pays et fait des inspections aléatoires pour s’en assurer, ce qui lui permet de retirer du marché un certain nombre de produits qui contreviennent aux normes. Mais plusieurs lui échappent certainement puisqu’elle ne peut vérifier tous les produits vendus au pays. Ce serait même impensable de le faire, m’expliquait Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de management de l’Université Dalhousie et spécialiste de la distribution et des politiques agroalimentaires, lors de mon reportage sur la fraude alimentaire à l’automne 2016. Selon lui, c’est à l’industrie alimentaire d’agir pour prévenir et éliminer la fraude. Après tout, elle en est la principale victime, après les consommateurs, évidemment!
Lutter contre la fraude
À chaque cas de fraude rendu public, la réputation de l’industrie écope. Les producteurs, importateurs et distributeurs ont donc avantage à collaborer pour conserver la confiance des consommateurs. S’ils veulent préserver leur réputation, les distributeurs devront exiger davantage de preuves de la qualité des produits auprès de leurs fournisseurs, s’assurer de la traçabilité, voire faire des tests pour détecter des produits défectueux. La technologie permet désormais de mener des tests d’ADN sur des produits alimentaires et de partager les résultats avec tous les maillons de la chaîne, «du champ à l’assiette». Mais pour que l’industrie se mobilise et investisse dans de telles analyses, l’ACIA doit faire davantage de contrôles obligatoires sans préaviset imposer des amendes plus élevées aux contrevenants.
À nous tous d’agir
Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer. Certes, à moins d’avoir le goût et l’odorat aussi affinés que des instruments de laboratoire, il y a peu de chance que vous perceviez que votre miel de trèfle a été coupé avec du sucre de canne. Par contre, vous pouvez vous interroger sur la véritable provenance d’une huile d’olive italienne vierge extra vendue à 4 $ le litre et prendre le temps de choisir une huile certifiée. La technologie pourrait bientôt vous aider à démêler le vrai du faux. En Europe, une application mobile permet aux consommateurs de valider l'information sur les étiquettes, telles que l'origine des aliments et les dates d'emballage. Et dans un avenir plus ou moins lointain, Sylvain Charlebois prévoit que vous pourrez aussi distinguer les cultures biologiques des cultures conventionnelles ou identifier les ingrédients utilisés par les transformateurs.
Mais pourquoi tous ces efforts pour contrer la fraude alimentaire demanderont certains? Simplement parce que si on n’y met pas un frein, toutes les initiatives pour améliorer notre alimentation et les recettes des produits transformés deviennent inutiles puisqu’elles peuvent à tout moment disparaître sous de fausses allégations…
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