Depuis son entrée en fonction, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a chamboulé le système de santé. Mais outre les changements importants qu’il a apportés, c’est sa manière de faire les choses qui choque. Médecins, infirmières, professionnels de la santé et gestionnaires du réseau lui reprochent, entre autres, d’imposer ses vues, d’agir unilatéralement, de régler ses comptes, de nier les faits et de présenter des lois pour contrer les jugements qui ne font pas son affaire. Et d’être allergique à la critique.
L’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être illustre bien le style bulldozer du ministre.
Un regard critique sur le réseau
Depuis 12 ans, le commissaire observe le réseau et soumet des avis indépendants sur ses failles et dysfonctionnements. Par exemple, c’est un de ses rapports qui démontrait, en juin 2016, que les urgences des hôpitaux québécois avaient les pires délais d'attente en Occident. L’année précédente, il révélait que le Québec figurait au 10e rang des 10 provinces canadiennes quant aux délais d’attente pour voir un médecin. Et en 2014, il soulignait que la moyenne de séjour à l'urgence avait progressé pour atteindre 17 heures.
Autant de rapports susceptibles d’alimenter le débat et de susciter des critiques au sein de la population. Plutôt que d’y faire face, le ministre a choisi d’éliminer le poste de commissaire. Annoncée en mars 2016, l’intention a été confirmée le 31 octobre dernier dans le projet de loi 150… qui traite de budget. Les quatre articles portant sur la disparition du poste de commissaire seraient passés inaperçus sans la sortie publique de l’avocat spécialisé en santé Jean-Pierre Ménard et de quatre organismes représentant des usagers du système de santé et des professionnels du milieu pour dénoncer les pouvoirs que s’arroge le ministre Barrette.
Le ministre s’auto évaluera
Après l’adoption du projet de loi, les droits et les obligations du commissaire seront transférés à l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS). À l’exception d’un seul: celui de faire «l’analyse des impacts des politiques gouvernementales» sur l’état des services de santé qui est transféré au ministre de la Santé. Bref, le ministre va se donner des avis sur ses propres réformes. On peut difficilement s’attendre à ce qu’il les conteste!
En indiquant clairement que certaines sphères lui sont réservées, le ministre envoie un drôle de message. C’est à se demander si l’INESS aura l’indépendance nécessaire pour remplir son mandat d’analyse et de surveillance. Déjà que l’attitude du ministre a instauré un climat de peur dans le réseau où la loi du silence s’impose. Plus personne n’ose émettre de critique ou exprimer un avis dissident. Rien pour favoriser l’innovation, si elle ne va pas dans le sens encouragé par le ministre!
Sans compter qu’il faudra du temps à l’INESS pour bâtir une expertise et être en mesure d’occuper ses nouvelles fonctions.
Tout ça pour économiser les 2,5 millions par année que coûtait le bureau du commissaire. Une bien petite somme dans le budget du gouvernement de qui se chiffre à 36 milliards $.
Moins de place pour les citoyens
La disparition du poste de commissaire, c’est aussi une voie de moins pour les citoyens et les acteurs du réseau pour se faire entendre. Avec ses consultations, sondages et forums, le commissaire permettait à tous de commenter et d’apprécier les performances du réseau.
Si on ajoute les regroupements d’établissements qui ont entraîné une diminution du nombre de conseils d’administration et les changements apportés à leur composition, pour réduire le nombre de sièges réservés à la population, on constate que les utilisateurs du réseau de la santé ont de moins en moins de place pour s’exprimer. Reste à espérer que l’INESS recréera un espace de discussion et de consultations.
Des comptes à rendre
Ironiquement, c’est Philippe Couillard qui a proposé la création du poste de Commissaire à la santé et au bien-être, alors qu’il était ministre de la Santé. À l’époque, il soutenait qu’il était important pour le Québec de disposer d’un mécanisme indépendant de reddition de compte. Qu'est-ce qui a changé depuis? Est-ce qu’il est moins important de rendre des comptes à la population sur l’état de son système de santé? J’espère que non.