Comment bien choisir son dentifrice?

Les fabricants multiplient les nouveaux dentifrices. Tous prétendent que leur technologie est plus efficace que celle de leurs concurrents. Mais qu’en est-il vraiment? « À la base, on prend le dentifrice le plus simple possible. Si on a des problèmes, on ajuste en fonction de nos besoins », conseille d’emblée Christine Thibault, une hygiéniste dentaire qui a fait des dentifrices sa spécialité depuis de nombreuses années.

« Le dentifrice le plus adapté est spécifique à chacun et change au cours de la vie », affirme le D^r Aaron Burry, directeur général de l’Association dentaire canadienne (ADC). Gardez en tête que votre dentiste ou votre hygiéniste sont les mieux placés pour vous recommander les meilleurs produits pour votre routine buccodentaire.

Selon ses ingrédients, une pâte dentifrice peut répondre à des besoins préventifs et thérapeutiques différents. Attention : nous n’avons pas testé les dentifrices. Notre dossier vise uniquement à vous aider à effectuer le meilleur choix. De plus, les produits apparaissent à titre indicatif seulement et ne constituent pas des recommandations.

Certains dentifrices arborent le sceau de l’ADC. Sa présence signifie que le produit est jugé bénéfique pour la santé buccodentaire et que les allégations listées à côté du logo (et uniquement celles-ci!) ont été examinées par des experts indépendants, sur la base des études des fabricants. Cette démarche de certification est facultative et coûteuse.

Prévenir les caries

Pour contrer ce problème de santé publique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de se brosser les dents au moins deux minutes deux fois par jour avec un dentifrice fluoré. Il a été prouvé scientifiquement que le fluorure, un composé chimique à base de fluor (un minéral présent dans la nature), renforce l’émail des dents, réduit la quantité d’acide dans la bouche et restaure les minéraux qui rendent les dents plus résistantes.

« Utiliser un dentifrice fluoré chaque jour réduit l’apparition de nouvelles lésions et ralentit la progression de caries qui pourraient être déjà en place dans la bouche : c’est un produit très intéressant, qui peut agir en prévention primaire et aussi en thérapeutique », affirme le D^r Félix Girard, professeur agrégé à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal.

Les dentifrices au fluorure, présent sous forme de « fluorure de sodium », de « monofluorophosphate de sodium » ou de « fluorure stanneux », offrent en général une concentration comprise entre 1 000 et 1 500 parties par million (ppm). En deçà de 1 000 ppm, ce composé serait peu efficace. Ces dentifrices fluorés nettoient les dents et préviennent la formation de caries pour un prix accessible.

Dans le cas des personnes présentant un risque de caries accru, le dentiste ou l’hygiéniste dentaire peut recommander une pâte dentifrice contenant une concentration en fluorure plus élevée (5 000 ppm), comme Colgate Prevident et Clinpro 5000, qu’on trouve en vente libre.

Malgré ces recommandations, il existe plusieurs dentifrices sans fluorure sur le marché québécois. Certains d’entre eux (Cario, d’Oral Science, XyliWhite, de Now Solutions, et les pâtes dentifrices des marques RoseCitron et Douce Mousse) contiennent du xylitol, un édulcorant extrait de sources végétales. Lorsque sa concentration atteint 25 %, il diminue la charge bactérienne dans la bouche, explique Christine Thibault, mais il ne permet pas de renforcer l’émail.

De rares dentifrices (par exemple, Remin, d’Oral Science) contiennent de l’hydroxyapatite de calcium. Selon l’hygiéniste dentaire, cet ingrédient se dissout plus rapidement que le fluorure, si bien qu’il ne remplace que partiellement son effet anticarie.

Les allégations « Anticarie », « Protection contre la carie » ou « Renforce l'émail » signifient la même chose. Les fabricants doivent faire approuver leur produit par Santé Canada pour pouvoir les afficher.

Pour les enfants

De nombreux dentifrices sont spécialement conçus pour les petits. Ils sont généralement offerts dans des saveurs sucrées et des emballages colorés, pour rendre le brossage le plus attrayant possible. Les acheter n’est cependant pas nécessaire.

« Les dentifrices ordinaires pour adultes et pour enfants contiennent la même concentration en fluorure », souligne le D^r Girard. Petit bémol : certains ingrédients thérapeutiques n’ont pas été testés sur les moins de 6, 8 ou même 12 ans. Vérifiez à quel groupe d’âge est destiné le dentifrice !

Le plus important, c’est d’adapter la quantité de pâte à mettre sur la brosse : un grain de riz dès la première dent, puis un petit pois dès trois ans.

Le fluorure a des effets néfastes sur la santé lorsque son apport est excessif et prolongé. Un enfant qui en absorberait fréquemment trop avant six ans pourrait souffrir de fluorose dentaire, une affection caractérisée par des taches indélébiles sur les dents. Le dentiste juge que le risque est faible puisque le Québec n’effectue pas une fluoration de l’eau potable à grande échelle, contrairement à l’Ontario et aux États-Unis. Le dentifrice constitue bien souvent la seule source de fluorure pour les dents, si bien que même les dentifrices d’entrainement non fluorés pour bébés ne sont pas recommandés.

Réduire la formation de tartre

Tout le monde, ou presque, fait du tartre. Celui-ci se forme lorsque la plaque dentaire (une pellicule invisible qui contient des bactéries) se durcit sur la dent, formant des dépôts solides de couleur jaunâtre. Il peut provoquer des maladies des gencives s’il n’est pas enlevé régulièrement. Une fois qu’il est installé, seul un nettoyage professionnel peut le déloger.

Dans une certaine mesure, grâce à la présence d’agents abrasifs, tous les dentifrices aident à retarder la formation du tartre. La preuve : l’affichage des allégations « Prévient l’accumulation de tartre » et « Réduit la plaque dentaire », qui renvoient à une note spécifiant « par brossage seulement », ne requiert pas d’autorisation préalable de Santé Canada.

Quelques dentifrices contiennent des agents antitartre (chimiques ou antimicrobiens), dont l’objectif est de ralentir la formation du tartre. Selon les études, leur taux d’efficacité se situe entre 10 et 50 %. Une fois leurs ingrédients évalués par Santé Canada, les dentifrices qui en contiennent peuvent être autorisés à indiquer « Contre le tartre » ou « Combat le tartre ». Attention, nuance le D^r Girard : « Le dentifrice antitartre ne va jamais vous permettre d’espacer vos rendez-vous de rappel. »

Les dentifrices contre le tartre sont peu nombreux sur le marché. Ils contiennent des pyrophosphates solubles (comme Crest Protection antitartre et Colgate Total), de l'hexamétaphosphate de sodium (comme Crest Pro-Santé Avancé) ou du tripolyphosphate de sodium (comme Sensodyne blanchissant et antitartre).

Éliminer les taches

Les dentifrices dits « blanchissants » ne changent pas la couleur intrinsèque des dents, mais ils enlèvent les taches causées, entre autres, par le café, le thé ou la cigarette en ponçant légèrement leur surface.

Comme tous les dentifrices, ils contiennent des agents abrasifs : certains sont doux, comme le bicarbonate de soude et la silice hydratée, tandis que d’autres sont plus irritants, comme le carbonate de calcium, l’alumine (oxyde d’aluminium) ou la silice. « Ce qui compte, c’est votre sensation en bouche : si vous commencez à avoir les dents sensibles, le dentifrice utilisé est sans doute trop abrasif pour vous », indique M^me Thibault. Si vous avez des racines exposées, évitez les ingrédients trop agressifs, car celles-ci sont moins résistantes que l’émail.

Les experts consultés mettent en garde contre les dentifrices au charbon, qu’ils qualifient de « purs produits marketing ». Le charbon interagit avec le fluorure, empêchant ce dernier de remplir son rôle de prévention des caries et de reminéralisation des dents. De plus, il est susceptible de former des taches grisâtres sur les racines et autour des obturations en composite. Vous tenez à essayer ? Préférez une pâte grise ou bicolore, moins concentrée, à une pâte noire, conseille M^me Thibault.

Plusieurs dentifrices blanchissants contiennent du dioxyde de titane, un agent réfléchissant qui donne aux dents un aspect éclatant. Le hic ? Il est placé sous surveillance par Santé Canada, bien qu’il demeure autorisé et qu’il reste considéré comme sécuritaire. En Europe, il est dorénavant interdit comme additif alimentaire, et des associations de consommateurs militent pour son retrait dans tous les produits cosmétiques, les dentifrices en tête. En raison des risques établis, le D^r Girard recommande d’éviter cet ingrédient, qui donne une belle esthétique blanche à la pâte dentifrice sans pour autant contribuer à l’efficacité de celle-ci.

Le peroxyde d’hydrogène est l’un des seuls agents qui puissent véritablement blanchir l’émail. Quelques dentifrices en contiennent, comme ceux de la gamme Colgate Optic White. Mais le dentiste est formel : l’exposition en bouche est trop courte pour produire un réel effet blanchissant.

Protéger les dents sensibles

Un Canadien sur trois souffrirait d’hypersensibilité dentaire. Elle survient sous l’effet de la chaleur, du froid ou de la pression, lorsque la dentine (masse de la dent) est dénudée. Pour éviter les complications, il importe d’en déterminer la cause : elle peut être liée à une carie, à des brossages trop vigoureux, à une fissure de la dent ou à l’ingestion répétée de liquide acide.

« Plusieurs technologies existent pour soulager les gens aux prises avec des problèmes d’hypersensibilité dentaire », affirme le D^r Girard. Les dentifrices au fluorure stanneux bloquent les canaux microscopiques qui traversent la dent, empêchant le contact entre le nerf et la source de douleur. Leur effet est durable, mais il faut généralement les utiliser pendant un mois avant d’en bénéficier. Le délai est similaire avec le nitrate de potassium, qui engourdit le nerf de la dent, responsable de la transmission de la douleur. Pour obtenir un soulagement instantané, mieux vaut privilégier un complexe à base d’arginine (Colgate Pro-Relief dents sensibles, Tom’s of Maine), de NovaMin (phosphosilicate de calcium et de sodium – Sensodyne Répare et Protège) ou d’hydroxyapatite (Remin X-Pur, d’Oral Science).

Lutter contre la gingivite 

La gingivite consiste en une inflammation des gencives qui touche 7 Canadiens sur 10 à un moment ou l’autre de leur vie, selon l’ADC. Elle se manifeste par un saignement ou un gonflement des gencives et, parfois, des douleurs et une mauvaise haleine. Dans ses formes les plus graves, l’infection détruit le tissu gingival, ce qui peut entraîner la perte d’une ou de plusieurs dents.

Certains dentifrices présentent des mentions comme « Contre la gingivite » ou « Protection des gencives ». Ces allégations thérapeutiques doivent être approuvées par Santé Canada avant que les produits n’obtiennent un numéro de produit naturel (NPN) et leur autorisation de mise en marché.

Ces pâtes dentifrices renferment un antibactérien qui protège contre l’inflammation des gencives en neutralisant les bactéries de la plaque dentaire. Il s’agit le plus souvent du fluorure stanneux, ou bien, dans le cas de Colgate Total, d’un complexe de zinc et d’arginine. La marque a cessé d’utiliser le triclosan, un composé suspecté d’agir comme perturbateur endocrinien, qui reste toutefois autorisé en concentration limitée dans les dentifrices. « Avec le fluorure stanneux, on a l'effet anticarie, l'effet désensibilisant, l'effet antibatérien : c'est un vrai tout-en-un! », souligne Christine Thibault.

Vous avez fait votre choix ? « Donnez-vous au moins un mois pour vous adapter à un nouveau dentifrice », conseille l’hygiéniste. Un tube de 100 ml devrait durer de trois à quatre mois. Bon à savoir : vous disposez généralement de deux ans pour l’utiliser à compter de sa date de fabrication. Une fois le produit périmé, son efficacité va peu à peu diminuer, mais vous pouvez continuer à vous en servir pendant encore six mois.