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Connaissez-vous l’ASMR, ces vidéos qui provoquent une explosion de sensations?

Par Amélie Cléroux
Connaissez-vous l’ASMR, ces vidéos qui provoquent une explosion de sensations? Marciobnws/Shutterstock.com

Chuchotements, bruits de bouche, frottements de mains : les contenus dits d’ASMR, qu’on écoute pour dormir rapidement ou pour ressentir des chatouillis agréables, pullulent sur YouTube, TikTok ou même Spotify. Mais qu’est-ce que l’ASMR ? Tour d’horizon d’un phénomène méconnu.

Quand mon esprit bouillonne et que le sommeil me nargue au lieu de m’envelopper, je me tourne habituellement vers une de mes créatrices préférées sur YouTube pour m’apaiser et vider mon esprit. En d’autres mots, je fais partie des gens qui apprécient les contenus liés aux mystérieuses lettres ASMR.

Celles-ci forment le sigle anglais d’autonomous sensory meridian response, traduit en français par réponse autonome sensorielle méridienne (RASM*). Malgré ses airs sérieux, ce terme n’a pas de fondement scientifique selon Jean-Philippe Thivierge, professeur au Département de psychologie à l’Université d’Ottawa, qui s’intéresse au phénomène. Il serait plutôt né il y a une quinzaine d’années au sein des médias sociaux et des forums de discussions.

Ce qui n’a pas empêché l’Office québécois de la langue française d’en concocter une définition : « Réaction sensorielle et émotionnelle distinctive déclenchée par certains stimuli, notamment auditifs, caractérisée par une sensation de picotement du cuir chevelu, du cou, des épaules ou du dos, accompagnée d’une altération de la conscience et d’un sentiment de relaxation. »

Je décrirais plus simplement mon expérience par des frissons ou des chatouillis agréables, le plus souvent du creux de l’oreille jusqu’à la nuque ou aux épaules et au sommet du crâne. Mais ces sensations ne sont ni essentielles ni présentes à tout coup. Comme moi, de nombreux auditeurs consomment les contenus d’ASMR avant tout pour apaiser leur esprit, voire pour se réconforter ou tomber dans les bras de Morphée.

L’ASMR pour dormir rapidement et relaxer

L’ASMR fait surtout référence aux vidéos et aux enregistrements sonores qui y sont dédiés sur YouTube, TikTok, Spotify et d’autres plateformes. Les artisans, affectueusement appelés ASMRtists en anglais, créent du contenu dans lequel ils tentent de procurer détente et frissons à leurs auditeurs.

Chuchotements et bruits « déclencheurs » sont à la base de l’ASMR. Par exemple des tapotements, des grattements ou des frottements de divers objets, des tonalités et des mots accentués ou encore des bruits de bouche. Des jeux de rôles – qui recréent un rendez-vous chez le massothérapeute, au spa ou chez le coiffeur – pullulent aussi, tout comme les vidéos où l’accent est mis sur des déclencheurs plus visuels, comme des mouvements hypnotiques de mains ou d’objets.

Bref, il y en a pour tous les goûts.

Une communauté bienveillante un peu incomprise

Leyla Thériault a commencé à regarder ces vidéos un peu par hasard. Séduite par ces « chatouillis du cerveau » et l’effet relaxant qu’elle ressentait à leur écoute, elle y a pris goût au point de vouloir en créer. Après sept années d’activité, la Québécoise de 26 ans compte plus de 88 000 abonnés sur sa chaîne YouTube ASMRuOK ?. Son compte TikTok, créé il y a environ deux ans, séduit presque autant d’admirateurs.

Bien que la créatrice ne s’attarde ni aux commentaires sous ses vidéos ni aux performances de ceux-ci, elle souligne la bienveillance des amateurs d’ASMR. « C’est, littéralement, la plus belle communauté », se réjouit-elle. À l’exception de celles de très rares « trolls », rapidement et vivement rabroués, les réactions sous ces vidéos sont toujours très positives, et les échanges, cordiaux. « C’est très YouTube, par contre, que ce soit positif comme ça », précise-t-elle, relevant que les commentaires sur TikTok ne sont pas toujours aussi bienveillants.

Il faut dire que l’ASMR ne fait pas l’unanimité. Certaines personnes trouvent ces vidéos étranges ou rebutantes. Dans les médias, le phénomène est souvent incompris, réduit à certains types de contenus – comme ceux qui présentent des bruits de gens qui mangent –, voire traité avec dérision.

« Si tu tombes sur de l’ASMR sans avoir aucune idée de ce que c’est, c’est vraiment bizarre, convient Leyla Thériault. Même moi, quand je suis devant mon micro en train de tapoter sur quelque chose, je me dis souvent : “Voyons, qu’est-ce que je suis en train de faire ?”. Mais au bout du compte, le résultat est relaxant, et ça aide vraiment des gens. »

Beaucoup de gens même, à voir le nombre d’abonnés sur les différents comptes et chaînes. Par exemple, la Russo-Américaine Maria, surnommée Gentle Whispering ASMR, une des pionnières du phénomène sur YouTube (2011), compte 2,37 millions d’abonnés, et certaines de ses vidéos cumulent des dizaines de millions de visionnements.

Pourquoi l’ASMR fait dormir… ou non ?

Les premières recherches sur la réponse autonome sensorielle méridienne sont apparues autour de 2015 et restent encore rares et de petite ampleur. « On ne sait pas vraiment pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles d’être sensibles à l’ASMR, explique Jean-Philippe Thivierge. [Celles qui le sont] rapportent que ça les aide avec des problèmes d’insomnie, mais aussi des états d’anxiété, de dépression, et même de douleurs chroniques. »

Quelques études se sont intéressées aux effets relaxants de l’ASMR, notamment au moyen de sondages auprès de gens qui y sont sensibles. Or, ces effets dépassent la simple perception ont démontré la chercheuse britannique Giulia Poerio de l’Université du Sussex et ses collègues à l’aide de mesures physiologiques. Ils ont pu constater que visionner des vidéos d’ASMR est associé « à la réduction du rythme cardiaque et à l’augmentation du niveau de conductance de la peau ». Ce mélange en apparence contradictoire d’apaisement et d’activation démontre la complexité émotionnelle de l’expérience, concluent leurs travaux. C’est aussi le constat d’une analyse australienne compilant les résultats de multiples études.

Quels sont les effets de l’ASMR sur le cerveau ?

Mais il y a plus. Lors d’une séance d’écoute de vidéos d’ASMR, les zones préfrontales du cerveau, responsables des fonctions exécutives – par exemple, lorsque, en conduisant, vous pensez à vos activités à venir, comme le souper à préparer – ont tendance à se désactiver, rapporte Jean-Philippe Thivierge, bien au fait des études sur le sujet. À l’opposé, d’autres zones du cerveau qui sont associées à la récompense, à des réponses de dopamine, s’activent.

« Tu as des émotions positives et tu penses moins à planifier ta journée du lendemain », résume le psychologue. En ce sens, il trouve cohérent que des gens aux prises avec de l’anxiété, par exemple, trouvent du réconfort dans ce type de contenus.

« Moi, c’est vraiment pour relaxer mon cerveau, mais je sais qu’une grande partie de l’auditoire écoute des vidéos d’ASMR par manque d’interaction sociale, pour recevoir cette attention personnelle qu’ils ne reçoivent pas dans la vraie vie », observe quant à elle Leyla Thériault.

Une étude menée à l’Université Dartmouth, au New Hampshire, a montré à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle l’activation d’une zone du cerveau « associée à la conscience de soi, à la cognition sociale et aux comportements sociaux » chez 10 personnes sensibles à l’ASMR. Des zones du cerveau associées à l’empathie sont aussi activées. Les auteurs soulignent que ces résultats « peuvent indiquer que les vidéos d’ASMR activent le cerveau de la même manière qu’un engagement social réel ».

Les limites de l’ASMR

Cela dit, existe-t-il un côté plus sombre à l’ASMR ? Du point de vue de la psychologie clinique, le phénomène demeure « largement inexploré », note Jean-Philippe Thivierge. Le psychologue ne voit pas de contre-indication à l’écoute de contenus d’ASMR, mais prévient qu’elle ne constitue pas un substitut à la thérapie ou à des médicaments prescrits. Il s’agit plutôt d’un moyen parmi d’autres pour se détendre, calmer son anxiété ou favoriser le sommeil… à condition d’y être sensible !

Ce serait le cas d’environ 20 % de la population, d’après une autre étude de Giulia Poerio basée sur un échantillon de près de 650 personnes.

Comment essayer l’ASMR ?

Si vous avez déjà ressenti un sentiment de détente, voire des frissons en entendant des sons en particulier, en regardant une personne se faire jouer dans les cheveux ou encore en visionnant certaines scènes au cinéma ou à la télévision, vous faites probablement partie du public cible.

Quelques conseils pour favoriser une expérience positive :

· L’effet sera optimal si vous utilisez de bons écouteurs, de préférence un casque, puisque les vidéos sont habituellement enregistrées avec un son stéréo, qui permet une variation de l’intensité sonore distincte dans chaque oreille.

· Sur YouTube, il vaut généralement mieux désactiver l’option « volume stable » des paramètres.

· Assurez-vous de vous trouver dans un contexte approprié ; dans un lieu calme par exemple.

· Explorez les offres : les tons de voix que vous appréciez, les sons qui vous paraissent agréables.

· Notez que la qualité audiovisuelle varie aussi d’un créateur à l’autre ; cela pourrait affecter votre plaisir. Certains mettent un soin incroyable à créer leurs vidéos en y intégrant des plans de caméra dignes du cinéma et en utilisant des microphones de grande qualité. D’autres se filment et s’enregistrent sur leur téléphone, sans plus.

· Gardez l’esprit ouvert, mais n’insistez pas sur ce qui vous déplaît. Si les bruits de bouches qui mangent vous dégoûtent, évitez-les. Si les approches plus sensuelles (car, oui, il y en a) vous choquent, ne les regardez pas. L’offre est beaucoup plus diversifiée que cela.

Bonne exploration !

* Nous avons choisi d’employer « ASMR » dans cet article puisqu’il s’agit du terme consacré, même dans la culture francophone. Son usage est cependant déconseillé par l’Office québécois de la langue française qui lui préfère RASM.

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