La publicité expliquerait la popularité des camions légers
Un rapport de l’organisme Équiterre met en lumière le lien entre la publicité automobile et la vente sans cesse croissante des camions légers au Canada.
L’étude réalisée par Équiterre, en collaboration avec Polytechnique Montréal, le groupe CIRANO et HEC Montréal, souligne que les ventes de camions légers (véhicules utilitaires sport [VUS], véhicules multisegments, camionnettes et fourgonnettes) ont augmenté de 280 % entre 1990 et 2018, ce qui a un impact sur l’environnement puisque ce segment de l’automobile personnelle émet en moyenne 31 % plus de gaz à effet de serre (GES) que les voitures traditionnelles.
En 2018, les camions légers ont rejeté 52 Mt d’émissions de CO2 dans l’atmosphère, ce qui fait de ce segment le deuxième plus important émetteur de GES dans le secteur des transports, derrière les camions de marchandises.
« Les véhicules vendus sont de plus en plus gros, de plus en plus lourds et de plus en plus énergivores. Cette tendance alarmante va à l’encontre des objectifs climatiques des gouvernements. Pour la renverser, il faut mieux encadrer les pratiques publicitaires », affirme Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre.
La publicité automobile : une partie du problème
Pour renverser la popularité de ces camions légers auprès du public, le rapport pointe du doigt la publicité automobile. Selon l’étude, le secteur automobile est le deuxième plus grand investisseur en publicité numérique, avec une part de 19 % en 2019, ce qui représente 1,6 milliard de dollars canadiens. Et la proportion de publicités consacrées aux camions légers dans les journaux et magazines est de 79 %, ce qui laisse un maigre 21 % aux voitures.
Équiterre a aussi noté quelques problèmes dans les publicités automobiles, notamment l’annonce d’une performance énergétique efficace des véhicules, des modalités de financement alléchantes ou des rabais adaptés en fonction des fêtes et des saisons. L’organisme ajoute que la domination de l’environnement incarnée par des véhicules en conduite hors route pose problème.
Les auteurs du rapport proposent donc d’encadrer la publicité. Actuellement, il n’existe aucune loi ou réglementation fédérale sur le sujet au Canada, contrairement à des pays comme la Belgique, le Royaume-Uni, l’Australie ou la Suède, qui comptent sur des restrictions ayant pour objectif d’éclairer le choix des consommateurs. Par exemple, les publicités automobiles au Royaume-Uni doivent inclure la consommation de carburant et les émissions de CO2, tandis qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, il est interdit d’illustrer des véhicules en train d’endommager l’environnement.
Interrogée à ce sujet, Andréanne Brazeau n’a pas pu nous fournir de statistiques concernant les bienfaits de ces législations sur la publicité automobile dans les pays cités, mais elle rappelle que le Royaume-Uni, la Belgique, la Suède et l’Europe en général ont bonne réputation quant à leur stratégie de protection de l’environnement.
Plus coûteux, plus dangereux, plus énergivores
Le rapport soulève aussi des inquiétudes quant à la dimension accrue des camions légers, qui serait à l’origine d’une hausse importante de la congestion et d’une pression plus importante sur les infrastructures routières.
La sécurité routière est également compromise, selon le rapport qui cite l’étude Monfort & Nolan publiée en 2019. Cette dernière reconnaissait que le risque de mortalité d’un automobiliste impliqué dans un accident est 158 % plus élevé s’il est heurté par une camionnette, et 28 % plus élevé s’il est heurté par un VUS. Les dimensions plus importantes de ces camions légers font aussi qu’ils risquent davantage de blesser grièvement un piéton. Finalement, Équiterre rappelle que les camions légers sont jusqu’à 40 % plus dispendieux à l’achat, en plus de coûter plus cher – jusqu’à 15 % – en essence.
Ce que propose Équiterre
Pour contrer cette tendance des consommateurs à se tourner vers les camions légers, Équiterre propose de :
1. Reconnaître la hausse des camions légers comme un enjeu de santé et de sécurité publique ;
2. Mettre sur pied un comité consultatif indépendant et multisectoriel ;
3. S’inspirer des restrictions publicitaires existantes (tabac, vitesse au volant, etc.) ;
4. Accroître la réglementation entourant la publicité automobile et ses investissements, notamment en obligeant les constructeurs à inclure les émissions de CO2 et la consommation de carburant, et restreindre la représentation de la nature dans les publicités;
5. Réaliser davantage de campagnes de promotion de la mobilité durable.
« L’idée derrière ces propositions, un peu à l’instar des publicités sur le tabac ou la vitesse au volant, c’est de passer le message que les camions légers ne sont pas la norme, compte tenu de leur impact sur l’environnement », indique Andréanne Brazeau.
Vous pouvez consulter le rapport complet sur le site d’Équiterre.
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