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Rentables à long terme, les fonds de travailleurs?

Par Jean-Luc Lavallée
Rentables à long terme, les fonds de travailleurs? Roman Samborsky/Shutterstock.com

Les fonds de travailleurs sont toujours aussi populaires auprès des épargnants, attirés entre autres par la simplicité d’y cotiser — via la retenue sur la paie — et par les crédits d’impôt de 30 % offerts par l’État. S’agit-il pour autant d’un bon investissement, à long terme, pour votre retraite ?

Sur un horizon à court terme, si vous êtes un travailleur à l’aube de la retraite ou le futur acheteur d’une première maison souhaitant retirer des sommes de votre REER pour profiter du régime d’accession à la propriété (RAP), la réponse est oui, sans aucun doute, selon tous les experts que nous avons consultés.

Les gouvernements du Québec et du Canada octroient chacun un crédit d’impôt de 15 % non remboursable, un véritable cadeau aux actionnaires pour les remercier, en quelque sorte, de contribuer à ces fonds, axés sur le développement durable et les valeurs d’équité et d’inclusion, mais dont l’objectif principal est de stimuler l’épargne-retraite et l’économie québécoise.

La valeur maximale des crédits d’impôt accordés à un particulier, chaque année, totalise 1 500 $ (deux fois 750 $), pour un investissement plafonné à 5 000 $, soit au Fonds de solidarité FTQ, soit au fonds Fondaction CSN (ou une combinaison des deux).

Cela signifie qu’un travailleur dont le revenu se situe entre 55 868 $ et 103 545 $ ne déboursera réellement que 1 695 $ pour accumuler 5 000 $, en tenant compte à la fois des crédits d’impôt et des déductions fiscales liées au régime enregistré d’épargne-retraite (REER).

Les fonds de travailleurs en chiffres

au 30 novembre 2024

Fonds-de-solidarite-FTQ.png
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Sources : Sites web des deux fonds de travailleurs et rapports de gestion du Fonds de solidarité FTQ et du Fondaction CSN, pour le semestre terminé le 30 novembre 2024.

Rentabilité des fonds : une comparaison difficile à long terme

À plus long terme, comparer le rendement des fonds de travailleurs à celui d’autres types d’investissements est plus difficile. L’impact des crédits d’impôt — dont il faut tenir compte dans l’équation pour évaluer les rendements — n’est pas simple à calculer au-delà de 10 ans, puisque les crédits d’impôt ont fluctué à différentes périodes.

Les deux fonds n’ont pas été en mesure, non plus, de nous fournir ces données.

De façon générale, cependant, on ne se trompe pas en affirmant que l’effet des crédits d’impôt tend à s’estomper avec le temps, mais peut-être pas autant que certains pourraient le croire. Les fonds de travailleurs sont moins intéressants si on les compare, par exemple, avec les indices boursiers ou avec des portefeuilles d’actions, plus profitables, mais ils peuvent se comparer avantageusement à des portefeuilles équilibrés composés d’actions et d’obligations.

Selon des représentants des deux fonds concernés ainsi que des planificateurs financiers indépendants, il s’agit là d’une bonne base de comparaison, bien que l’exercice demeure périlleux puisque les fonds de travailleurs ont une mission assez unique.

Les fonds fiscalisés comme le Fonds de solidarité FTQ et le Fondaction CSN, faut-il le rappeler, ont l’obligation d’investir une portion importante de leur actif net moyen (au moins 65 %) dans des entreprises québécoises, sous forme de capital de développement et de capital de risque non garanti.

Avantageux sur 20 ans et même plus

Nous avons demandé au planificateur financier Martin Dupras, formateur à l’Institut de planification financière (IPF), d’analyser la performance des deux fonds, à la lumière des plus récents résultats dévoilés en décembre dernier, comme il l’avait fait pour le journal Les Affaires il y a cinq ans.

Au 30 novembre 2024, le rendement annuel composé du Fonds FTQ s’élevait à 7,3 % sur 10 ans, un résultat bien au-delà des attentes de nombreux cotisants et bien au-delà aussi des projections de rendements modestes (de 3 à 3,5 %) évoquées dans un passé pas si lointain.

En tenant compte de l’impact du crédit d’impôt, le rendement composé annuel grimpe à 14,2 % sur 10 ans — le Fondaction CSN n’est pas loin derrière, à 13,4 %.

« Les solides performances de ces deux fonds sur différentes périodes depuis dix ans s’avèrent tout de même inférieures à celles d’un fonds équilibré type », si l’on ne tient pas compte du crédit d’impôt, observe M. Dupras.

Précisons que cet écart n’est toutefois pas si grand si la comparaison porte sur un an, deux ans ou cinq ans de placements. Le fonds FTQ a même battu le portefeuille équilibré sur 10 ans, par un dixième de point, sans tenir compte de son avantage fiscal.

Projetons-nous dans le futur en présumant qu’un fonds de travailleur aurait un rendement inférieur de 2 % par an par rapport à un portefeuille équilibré (constitué de 50 % d’actions canadiennes, 30 % d’obligations canadiennes, 10 % d’actions américaines et 10 % d’actions internationales).

Compte tenu des crédits d’impôt et de tous les paramètres fiscaux, Martin Dupras conclut que l’épargnant misant sur un fonds de travailleurs sera gagnant, sur un horizon de 20 ans, avec un rendement composé annuel équivalent à 7,06 % contre 5,74 % pour le fonds équilibré.

« Je m’arrête à des hypothèses qui sont très conservatrices et si j’arrive à un écart assez clair, en étant prudent, je pense qu’on vient de prouver la pertinence de ce produit-là. Clairement, sur 20 ans, il y a une valeur ajoutée. Le “break even” (point d’équilibre ou seuil de rentabilité), selon mes hypothèses, est sur 30 ans », précise l’expert en entrevue.

Vous pouvez lire ici son analyse intégrale.

Inconvénients et restrictions des fonds de travailleurs

Malgré l’avantage fiscal que les fonds de travailleurs peuvent procurer, rappelons que ces investissements viennent tout de même aussi avec leur lot d’inconvénients et de restrictions.

Ces produits n’offrent pas du tout la même flexibilité qu’un placement traditionnel. Il y a des conditions strictes pour les retraits ou le rachat de vos actions lesquelles neutralisent habituellement toute velléité de transfert vers un autre fonds.

En général, vous devrez conserver vos actions jusqu’à l’âge de 65 ans (ou jusqu’à votre retraite si elle survient plus tôt, à certaines conditions). Il est bien entendu possible de racheter vos actions pour l’achat d’une première propriété ou de le faire dans d’autres circonstances exceptionnelles (retour aux études, perte d’emploi, invalidité, création d’une entreprise, etc.), mais vous devrez répondre aux critères et montrer patte blanche en fournissant plusieurs documents exigés. Ce n’est pas toujours simple.

Un outil intéressant aussi pour les jeunes

Sur les réseaux sociaux, certains disent avoir l’impression que leur argent est « kidnappé » dans un fonds de travailleurs. D’autres répondent que c’est un mal pour un bien puisque cela les force à épargner en vue de leur retraite.

Cet argument, les fonds de travailleurs le reprennent à leur compte, rappelant que la responsabilité d’amasser un pécule, en vue de la retraite, repose de plus en plus sur les épaules des travailleurs qui doivent commencer à épargner le plus tôt possible, car les fonds de pension se font rares.

En milieu de travail, lorsque l’employeur facilite les cotisations avec la retenue salariale, les plus jeunes devraient aussi sauter sur l’occasion, selon la présidente-directrice générale du Fondaction, Geneviève Morin.

« C’est un fichu bon investissement, à la fois financièrement et pour ce que ça fait à l’économie québécoise […]. On investit dans des entreprises qui contribuent à améliorer la planète et qui fabriquent des produits durables. Pour les gens, c’est une façon d’épargner en vue de leur retraite avec un rendement très acceptable. Même avant le crédit d’impôt, on parle de 5 à 6 % par année sur une moyenne de 5 ou 10 ans », souligne Mme Morin.

Du côté du Fonds de solidarité FTQ, le conseiller spécial en soutien au marché de l’épargne (récemment retraité), Patrick Schumann, met aussi de l’avant la simplicité des cotisations régulières et automatiques, directement sur la paie, ce qui permet un remboursement d’impôt immédiat.

« La grande majorité de nos épargnants, ce sont des gens qui versent un montant à chaque paie. Ça fait en sorte qu’ils sont capables d’en mettre beaucoup plus au bout d’un an. Quand on sait que près d’un Canadien sur deux vit de paie en paie, c’est une belle occasion pour les gens d’épargner. [Et] c’est rentable d’investir dans nos entreprises québécoises. Depuis cinq ou dix ans, [nos rendements] se comparent très bien aux fonds équilibrés », fait valoir à son tour M. Schumann.

La période de détention obligatoire des actions s’allonge

Bon à savoir ! La période de détention obligatoire des actions, prévue à l’heure actuelle dans la loi, est de deux ans — autrement dit, vous devez posséder les actions au moins deux ans avant de les revendre au fonds. Cette période augmentera à 3 ans à partir du 1er juin 2027, puis à 4 ans dès juin 2029 et à 5 ans au juin 2031.

Par ailleurs, dès 2027, les contribuables ayant un revenu imposable supérieur à 112 655 $ (année d’imposition 2025) n’auront plus droit aux crédits d’impôt.

À lire aussi : REER, emprunter pour cotiser, est-ce une bonne idée ? et notre enquête sur l’investissement responsable

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