Stéréotypes: les jouets ont-ils un genre?

Les jouets v&eacute;hiculent de nombreux clich&eacute;s sexistes. Il suffit d&rsquo;entrer dans un magasin sp&eacute;cialis&eacute; pour le constater. Les rayons sont imm&eacute;diatement identifiables &agrave; leur couleur&thinsp;: rose pour les filles et bleu pour les gar&ccedil;ons. Dans les catalogues, la s&eacute;paration est aussi marqu&eacute;e. Il y a bien quelques pages neutres pour les jeux vid&eacute;o et les jeux de soci&eacute;t&eacute;, mais autrement, les camions, trains &eacute;lectriques et jeux de construction sont associ&eacute;s aux gar&ccedil;ons, et les poup&eacute;es, outils domestiques et trousses de beaut&eacute;, aux filles. Deux univers ludiques qui se c&ocirc;toient, sans se m&eacute;langer. L&rsquo;intensification de ce clivage rose-bleu au cours de la derni&egrave;re d&eacute;cennie et la cr&eacute;ation du style &laquo;&thinsp;girly&thinsp;&raquo; constituent un retour en arri&egrave;re par rapport aux ann&eacute;es 1980, selon Louise Cossette, professeure au D&eacute;partement de psychologie de l&rsquo;UQAM. &laquo;&thinsp;Il y avait alors un courant unisexe qui &eacute;tait tr&egrave;s critique des st&eacute;r&eacute;otypes traditionnels. On trouvait dans les jouets des repr&eacute;sentations de filles aussi actives que les gar&ccedil;ons.&thinsp;&raquo;Or, au cours des derni&egrave;res ann&eacute;es, le marketing de genre s&rsquo;est amplifi&eacute;. Disney et ses princesses ont ta&shy;piss&eacute; les rayons des filles de paillettes et de rose et ceux des gar&ccedil;ons d&rsquo;effigies de Flash McQueen. Les &eacute;diteurs de jeux de strat&eacute;gie et d&rsquo;habilet&eacute; offrent des univers f&eacute;minin et masculin distincts pour leurs produits populaires. Les parents lisent des histoires &agrave; leur fille ou &agrave; leur fils, plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; leur enfant. M&ecirc;me les jeux de construction ne sont plus unisexes. Par exemple, la plupart des ensembles de blocs Lego permettent aux filles de construire des villas de plage ou des salons de coiffure en rose et mauve, alors que les gar&ccedil;ons sont invit&eacute;s &agrave; fabriquer des h&eacute;licopt&egrave;res ou la base d&rsquo;op&eacute;ration de Batman. Outre la couleur, ce sont les valeurs associ&eacute;es aux jouets qui font tiquer Francine Descarries, professeure au D&eacute;partement de sociologie de l&rsquo;UQAM. &laquo; L&rsquo;auto rose ne sera pas une voiture de course, mais une d&eacute;capotable. &raquo; Heureusement, il existe de nombreux livres, jeux de soci&eacute;t&eacute;, d&rsquo;habilet&eacute;, de coop&eacute;ration ou de d&eacute;couverte qui conviennent &agrave; tous.&gt;&gt; &Agrave; lire aussi sur notre site: Le guide Jeux &amp; jouets de Prot&eacute;gez-Vous, qui contient des centaines d'&eacute;valuations de jouets et de jeux de soci&eacute;t&eacute; pour tous les &acirc;ges. Pas juste une question de couleur Photo ci-haut: La plupart des ensembles de blocs Lego permettent aux filles de construire des villas de plage ou des salons de coiffure en rose et mauve, alors que les gar&ccedil;ons sont invit&eacute;s &agrave; fabriquer des h&eacute;licopt&egrave;res ou la base d&rsquo;op&eacute;ration de Batman. La r&eacute;cente collection Friends destin&eacute;e aux fillettes a m&ecirc;me chang&eacute; les figurines traditionnelles.Une question de marketingComment expliquer que les jouets et les livres pr&eacute;sentent ces images traditionnelles, malgr&eacute; les politiques publiques en faveur de l&rsquo;&eacute;galit&eacute;&thinsp;? Simplement par le fait que cette division sexiste fait vendre en multipliant l&rsquo;offre de produits. Au lieu de refiler le jeu de poche de Barbie de votre a&icirc;n&eacute;e &agrave; son petit fr&egrave;re, vous lui en ach&egrave;terez un nouveau &agrave; l&rsquo;image de Spiderman&thinsp;! Une situation qui ne fait pas toujours l&rsquo;affaire des d&eacute;taillants de jouets, qui doivent multiplier les inventaires pour offrir souvent le m&ecirc;me jeu. Certains y ont aussi des objections personnelles. &laquo;&thinsp;J&rsquo;essaie d&rsquo;avoir des jouets unisexes pour &eacute;viter de d&eacute;doubler les produits et permettre aux parents de les passer d&rsquo;un enfant &agrave; un autre. Dans les jouets pour b&eacute;b&eacute; et de bain, ainsi que les jouets de bois, c&rsquo;est assez facile. Mais pour le reste, les th&egrave;mes et les personnages demeurent &ldquo;genr&eacute;s&rdquo;&thinsp;&raquo;, d&eacute;plore Georges Rumney, propri&eacute;taire de la boutique Au diabolo, &agrave; Montr&eacute;al.Lucie Bourbonnais, qui poss&egrave;de les boutiques La Ribouldingue, au sud-ouest de Montr&eacute;al, d&eacute;teste recevoir le m&ecirc;me ourson en rose et en bleu. Mais elle admet que pour les jeux, elle n&rsquo;a souvent pas le choix d&rsquo;offrir les deux versions, lorsqu&rsquo;elles existent. Elle et son conjoint, Alain Pedneault, copropri&eacute;taire de l&rsquo;entreprise, se r&eacute;servent toutefois le droit de ne pas mettre sur les tablettes des jouets qu&rsquo;ils jugent trop st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s, comme Trendiy Art, dont la bo&icirc;te de pi&egrave;ces pour la fabrication de bijoux se pr&eacute;sente comme une couverture de magazine f&eacute;minin, alors que le jeu est destin&eacute; &agrave; des fillettes de huit ans. &laquo;&thinsp;Je ne l&rsquo;avais pas achet&eacute; au d&eacute;but parce que j&rsquo;&eacute;tais contre la pr&eacute;sentation, mais je n&rsquo;ai pas eu le choix de me procurer le produit &agrave; la demande des clients&thinsp;&raquo;, avoue-t-elle.Le jouet, outil de d&eacute;veloppement&laquo;&thinsp;Le jouet n&rsquo;est pas banal. Il ne s&rsquo;agit pas seulement d&rsquo;un divertissement&thinsp;; c&rsquo;est un outil d&rsquo;apprentissage. On dit souvent que les filles acqui&egrave;rent plus de langage, plus vite. C&rsquo;est en partie parce qu&rsquo;on parle plus &agrave; une poup&eacute;e qu&rsquo;&agrave; un camion&thinsp;&raquo;, explique Louise Cossette.Le jeu participe au d&eacute;veloppement psychologique et cognitif de l&rsquo;enfant. Des recherches ont montr&eacute; qu&rsquo;il existait un lien entre la pratique des jeux de blocs, de construction et d&rsquo;adresse et certaines habilet&eacute;s spatiales. Les enfants qui jouent &agrave; la bagarre d&eacute;veloppent des talents de socialisation et de n&eacute;gociation, tandis que ceux qui pratiquent des sports d&rsquo;&eacute;quipe apprennent &agrave; mieux se situer dans le temps et dans l&rsquo;espace. Quant aux jeux d&rsquo;imitation, ils favorisent le d&eacute;veloppement du langage. Les filles auraient donc int&eacute;r&ecirc;t &agrave; jouer davantage &agrave; la balle, et les gar&ccedil;ons gagneraient &agrave; prendre soin d&rsquo;une poup&eacute;e.Le jouet porte aussi un message social sur le r&ocirc;le que filles et gar&ccedil;ons sont appel&eacute;s &agrave; tenir dans la soci&eacute;t&eacute;. &laquo;&thinsp;Les enfants se sociabilisent &agrave; travers les jeux. Ils y apprennent leur r&ocirc;le dans la soci&eacute;t&eacute; ainsi que les attentes des gens vis-&agrave;-vis d&rsquo;eux. On n&rsquo;envoie pas le m&ecirc;me message social aux gar&ccedil;ons qu&rsquo;on encourage &agrave; l&rsquo;action qu&rsquo;aux filles chez qui on valorise le para&icirc;tre, ajoute Francine Descarries. &Ccedil;a court mal, habill&eacute;e en princesse&thinsp;! &laquo;On n&rsquo;envoie pas le m&ecirc;me message social aux gar&ccedil;ons qu&rsquo;on encourage &agrave; l&rsquo;action qu&rsquo;aux filles chez qui on valorise le para&icirc;tre.&raquo;&thinsp;Francine Descarries, professeure au D&eacute;partement de sociologie de l&rsquo;UQAM. (Cr&eacute;dit photo: R&eacute;jean Poudrette)Une limite impos&eacute;eLe principal probl&egrave;me des jouets de genre est de limiter les perspectives des enfants, croit Louise Cossette. Pourquoi d&eacute;cider que les filles ne peuvent pas jouer dans la boue ou que les gar&ccedil;ons n&rsquo;ont pas droit aux poup&eacute;es&thinsp;? &laquo;&thinsp;Je ne m&rsquo;insurge pas &agrave; l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il y ait un coin cuisine dans les garderies, mais je veux qu&rsquo;il soit fr&eacute;quent&eacute; par les gar&ccedil;ons et les filles. Je ne veux pas enlever les poup&eacute;es, mais les &ldquo;d&eacute;sexiser&rdquo;&thinsp;&raquo;, pr&eacute;cise Francine Descarries.Les st&eacute;r&eacute;otypes ont aussi des effets sur la sant&eacute; physique et mentale des enfants, selon Marie-H&eacute;l&egrave;ne Soucy, responsable en &eacute;galit&eacute; dans les milieux &eacute;ducatifs, au Secr&eacute;tariat &agrave; la condition f&eacute;minine. &laquo;&thinsp;La survalorisation de l&rsquo;apparence physique chez les filles a un effet sur l&rsquo;estime de soi, la confiance et les troubles de l&rsquo;alimentation. Et la r&eacute;ussite scolaire est influenc&eacute;e quand la croyance de l&rsquo;enfant en ses capacit&eacute;s prend le pas sur ses capacit&eacute;s r&eacute;elles, comme lorsqu&rsquo;on r&eacute;p&egrave;te que les filles ne sont pas dou&eacute;es en math&eacute;matiques&thinsp;&raquo;, pr&eacute;cise-t-elle. Les jouets st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s peuvent ainsi avoir une influence sur le choix de carri&egrave;re des enfants, et sur leur fa&ccedil;on de s&rsquo;&eacute;valuer et d&rsquo;&eacute;valuer les autres.Encourager la diversit&eacute;Le r&ocirc;le des parents est capital pour contrer les images st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es v&eacute;hicul&eacute;es par les jouets. &laquo;&thinsp;Il n&rsquo;y a rien de grave pour une fille d&rsquo;avoir des jouets roses et des trousses de maquillage. L&rsquo;important, c&rsquo;est de ne pas se limiter &agrave; &ccedil;a&thinsp;&raquo;, souligne Francine Descarries. Ainsi, il n&rsquo;est pas question de refuser les jouets de genre &agrave; une fille ou &agrave; un gar&ccedil;on, mais d&rsquo;ouvrir l&rsquo;&eacute;ventail des choix, et d&rsquo;&eacute;viter de se moquer de la fillette qui demande un camion ou du gar&ccedil;on qui veut une poup&eacute;e.&laquo;&thinsp;Les comportements qui diff&egrave;rent sont souvent mal per&ccedil;us&thinsp;&raquo;, souligne Louise Cossette&shy;, particuli&egrave;rement chez les gar&ccedil;ons. Pour la plupart des gens, il est plus facile de voir une fille jouer aux petites voitures et se d&eacute;guiser en pirate que de voir un gar&ccedil;on donner le biberon &agrave; une poup&eacute;e ou porter une robe de princesse. Certains p&egrave;res se braquent d&rsquo;ailleurs &agrave; l&rsquo;id&eacute;e que leur fils s&rsquo;amuser avec une poup&eacute;e, d&eacute;plore Lucie Bourbonnais. Et rares sont les clients qui demandent express&eacute;ment des jouets neutres. Ils ont plut&ocirc;t tendance &agrave; vouloir des jouets identifi&eacute;s &agrave; un sexe, notamment &agrave; la naissance d&rsquo;un enfant, remarque Alain Pedneault. &laquo;&thinsp;Souvent, quand je sugg&egrave;re un jouet pour b&eacute;b&eacute;, on me demande quelque chose qui fait plus fille ou plus gar&ccedil;on. Pourtant, un bateau blanc, jaune et bleu, c&rsquo;est un jouet de bain parfait, peu importe le sexe.&thinsp;&raquo; La fin des st&eacute;r&eacute;otypes n&rsquo;est donc pas pour demain.Pour aider les parents &agrave; faire des choix &eacute;clair&eacute;s, le Secr&eacute;tariat &agrave; la condition f&eacute;minine a mis &agrave; leur disposition le guide Les livres et les jouets ont-ils un sexe&thinsp;? Ce guide avait &eacute;t&eacute; pr&eacute;par&eacute; initialement &agrave; l&rsquo;intention du personnel des garderies pour les aider &agrave; d&eacute;celer le caract&egrave;re st&eacute;r&eacute;otyp&eacute; des livres et des jouets destin&eacute;s aux enfants de 0 &agrave; 5 ans. &laquo;&thinsp;L&rsquo;important est d&rsquo;offrir des jouets plus vari&eacute;s et d&rsquo;encourager les enfants &agrave; faire diff&eacute;rentes activit&eacute;s pour d&eacute;velopper des qualit&eacute;s dites f&eacute;minines et masculines&thinsp;&raquo;, souligne Louise Cossette. De plus, en autorisant un enfant &agrave; jouer avec ce qui l&rsquo;int&eacute;resse, vous lui permettez de d&eacute;couvrir son identit&eacute; et ses talents et de vagabonder dans son imaginaire, loin des clich&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute;.Face &agrave; ce marketing, le pouvoir des parents est encore bien mince. &laquo;&thinsp;Ils ont toujours le choix d&rsquo;exprimer leur inconfort ou leur d&eacute;ception en &eacute;crivant au fabricant&thinsp;&raquo;, avance Marie-H&eacute;l&egrave;ne Soucy. Lego a mis sur le march&eacute; cette ann&eacute;e un ensemble de femmes scientifiques pour r&eacute;pondre &agrave; la lettre d&rsquo;une Am&eacute;ricaine de sept ans qui se plaignait que les figurines f&eacute;minines faisaient les boutiques ou se reposaient &agrave; la plage, alors que les gar&ccedil;ons travaillaient, sauvaient des gens ou nageaient avec les requins. Mais la meilleure arme des parents reste encore leur portefeuille, en refusant d&rsquo;acheter les jouets qu&rsquo;ils jugent st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s, croit Georges Rumney. &laquo;La meilleure arme des parents reste encore leur portefeuille, en refusant d&rsquo;acheter les jouets qu&rsquo;ils jugent st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s.&raquo;Georges Rumney, propri&eacute;taire de la boutique Au diabolo, &agrave; Montr&eacute;al. (Cr&eacute;dit photo: R&eacute;jean Poudrette)Des choix &laquo;&thinsp;naturels&thinsp;&raquo;Les filles sont naturellement attir&eacute;es par les poup&eacute;es et les gar&ccedil;ons, par les camions&thinsp;? Les experts s&rsquo;affrontent. L&rsquo;environnement des enfants aurait aussi son importance. Les &eacute;tudes sur les pr&eacute;f&eacute;rences des jouets selon le genre ne manquent pas. Leurs interpr&eacute;tations sont cependant contradictoires. Certains chercheurs estiment que si les gar&ccedil;ons sont naturellement attir&eacute;s par les jouets masculins, c&rsquo;est qu&rsquo;ils y sont pouss&eacute;s par leurs hormones. D&rsquo;autres penchent plut&ocirc;t du c&ocirc;t&eacute; des influences sociales, puisque les &eacute;tudes chez les nourrissons tendent &agrave; montrer que filles et gar&ccedil;ons vont spontan&eacute;ment vers les jouets qui rappellent le visage humain.Ce n&rsquo;est que vers l&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;un an que les gar&ccedil;ons montreraient un int&eacute;r&ecirc;t pour les autos que leur entourage leur donne, alors que les filles continueraient d&rsquo;&ecirc;tre attir&eacute;es par ce qui rappelle le visage humain. D&rsquo;o&ugrave; leur int&eacute;r&ecirc;t pour les poup&eacute;es. &laquo;&thinsp;Les enfants imitent, &agrave; travers les jouets, ce qu&rsquo;ils voient dans leur entourage et &agrave; la maison. Et comme dans la plupart des familles c&rsquo;est encore la m&egrave;re qui pr&eacute;pare les repas, console et prend soin des enfants, les filles sont port&eacute;es &agrave; endosser ce r&ocirc;le&thinsp;&raquo;, conclut Francine Descarries, professeure au D&eacute;partement de sociologie de l&rsquo;UQAM.&gt;&gt; &Agrave; lire aussi: 7 jeux pour divertir les enfants lors d'un voyage en auto

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