Couverture lourde : des bienfaits réels pour votre sommeil ?

Suzanne ne se passerait plus de sa couverture lestée : « Elle m’enveloppe tellement bien que je bouge moins durant la nuit, alors je me réveille moins souvent. Elle me tient au chaud l’hiver, et pour pouvoir continuer à l’utiliser l’été, je dors à l’air climatisé. »

Sergio, lui, regrette son achat : « Je pensais que ça allait m’aider à m’apaiser quand je suis un peu anxieux, fébrile. Sur le site web où je l’ai achetée, on conseillait de choisir une couverture qui pèse environ 10 % de son poids. C’est ce que j’ai fait, mais c’était beaucoup trop lourd. Au lieu de m’apaiser, ça m’a créé de l’anxiété. De plus, ça me contraignait dans mes mouvements durant la nuit. »

À l’origine, ces couvertures lourdes étaient surtout utilisées en psychiatrie, pour apaiser les patients avec un trouble neurodéveloppemental, comme un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Désormais, ces couvertures, lestées pour la plupart de billes de verre, sont vendues à grande échelle (en ligne ou en magasin) et présentées comme un moyen efficace pour soulager les symptômes anxieux et favoriser un meilleur sommeil.

Peu d’études scientifiques

Pour mousser leurs ventes, plusieurs fabricants y vont d’allégations du type « prouvé par la science » et citent notamment une étude suédoise, publiée en 2020 dans le Journal of Clinical Sleep Medicine, qui fait état de résultats encourageants. En effet, 92 % des 120 testeurs – des patients souffrant de dépression majeure ou de bipolarité, ou ayant un TDAH ou un trouble d’anxiété généralisée – ont dit avoir observé une amélioration de leur sommeil ainsi qu’une réduction de leurs symptômes de dépression et d’anxiété après avoir dormi avec une couverture lestée pendant quatre semaines. De tels résultats sont certes prometteurs, « mais on commence tout juste à étudier l’effet de ces couvertures », nuance l’ergothérapeute Natasha Rouleau. « Il faudra d’autres études et des données plus étoffées pour démontrer leur réelle efficacité et comprendre leurs mécanismes d’action », croit-elle.

La spécialiste est d’avis qu’il faut se méfier des vertus non avérées qu’attribuent les fabricants à ces couvertures, par exemple qu’elles peuvent diminuer la douleur chronique, réduire le taux de cortisol (l’hormone du stress), augmenter la production de sérotonine (l’hormone du bien-être) ou augmenter la production de mélatonine (l’hormone du sommeil). « D’autres fabricants mentionnent même la proprioception », ajoute l’ergothérapeute. Or, la proprioception, c’est la perception sensorielle de la position des différentes parties de notre corps dans l’espace : « Cela n’a aucun lien avec l’effet que peut avoir sur notre corps une couverture lestée. »

Sur le terrain

Le psychologue Roger Godbout, directeur du Laboratoire du sommeil pédiatrique de l’Hôpital en santé mentale Rivière-des-Prairies et professeur au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, reçoit des échos favorables de ses patients concernant la couverture lestée. Plusieurs lui disent être plus satisfaits de leur sommeil quand ils utilisent ce produit. « Toutefois, lorsqu’on enregistre leurs cycles d’activité et de repos durant le sommeil, on ne constate pas une grande différence dans les résultats, avec ou sans couverture lourde », précise-t-il.

Selon Roger Godbout, les bienfaits de ces couvertures pourraient être attribuables à un effet placebo. Dans sa pratique, il constate que la couverture lestée fonctionne assez bien lorsqu’elle est combinée à d’autres moyens. « C’est l’ensemble des interventions convergentes qui contribuent à améliorer le sommeil », estime l’expert. Ce dernier rappelle l’importance d’adopter les règles de base d’une bonne hygiène du sommeil, soit cesser l’utilisation des appareils électroniques et éviter les activités stimulantes avant d’aller au lit; réduire l’intensité de la lumière; etc. « Ce n’est pas le moment d’avoir une discussion animée sur vos projets du lendemain, de lire un livre palpitant, de regarder un film d’horreur ou d’écouter une musique festive », illustre-t-il.

Pour sa part, Natasha Rouleau est quelque peu agacée devant toute cette publicité accrocheuse autour de la couverture lestée qui laisse croire que c’est LA solution miracle pour les anxieux et les insomniaques. « Si vous avez un diagnostic de trouble anxieux, il est peu probable que la couverture lestée à elle seule puisse régler votre problème. Vous pourriez en revanche l’intégrer à votre éventail d’outils, dans une démarche globale », conseille-t-elle. Entre autres exemples : faire de l’exercice physique, pratiquer des techniques de respiration, consulter un psychologue pour identifier les sources de votre anxiété, etc.

Ne jetez pas votre argent par les fenêtres

Avant de dépenser entre 50 et 300 $ environ pour l’achat d’une couverture lestée, les deux experts conseillent de faire un test maison. Empilez plusieurs couvertures que vous trouvez confortables, ou utilisez une catalogne lourde, puis observez si vous aimez la sensation du poids sur votre corps et si la température sous les draps vous convient. Ce petit test pourrait vous éviter une dépense inutile si, en fin de compte, l’expérience vous rebute.

Le poids

La plupart des commerçants recommandent d’acheter une couverture qui pèse l’équivalent d’environ 10 % de votre poids, par exemple 15 lb (6,8 kg) si vous pesez 150 lb (68 kg). Or, cette donnée est un raccourci provenant des recommandations faites pour l’achat d’un sac à dos, lequel ne devrait pas peser plus de 10 % de votre poids pour éviter d’endommager votre colonne vertébrale. « Aucune donnée ne démontre que c’est la même chose pour la couverture lestée », observe Natasha Rouleau. « Le poids idéal est celui qui vous rend confortable », renchérit Roger Godbout.

Un conseil, par ailleurs: choisissez un commerçant qui offre la possibilité de retourner la couverture si vous n’êtes pas satisfait.

Quelques mises en garde

Selon l’Ordre des ergothérapeutes du Québec, la couverture lestée est contre-indiquée pour les personnes qui sont aux prises avec des problèmes respiratoires, circulatoires ou cardiaques, de même que pour celles qui souffrent d’épilepsie ou d’hypotonie importante (faible tonus musculaire), ou encore qui ont des problèmes cutanés.

Natasha Rouleau insiste sur le fait qu’il ne faut jamais laisser sans surveillance un enfant avec une couverture lestée. De même, la prudence s’impose lorsque la couverture est utilisée pour une personne âgée ou pour une autre qui présente des troubles cognitifs. « Quiconque utilise une couverture lestée doit être capable de la retirer facilement, sans l’aide de personne », conclut l’ergothérapeute.

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