S’il y a un petit bonheur de la vie dont j’aime profiter lorsque je tranche mes tomates, c’est bien celui de travailler avec un couteau hyper tranchant. Quoi de pire que d’appliquer une force démesurée sur un aliment qui s’écrase à cause d’un couteau qui n’accomplit pas son travail, c’est-à-dire couper ?
Puisque je tente de minimiser la place que les objets prennent dans ma vie, je n’ai pas de bloc de couteaux sur mon comptoir de cuisine. Je préfère les acheter à l'unité plutôt que d’en avoir 10 et d’utiliser toujours les deux mêmes. Et lorsque mes outils de travail sont usés, je veux les faire aiguiser. Si, tout comme moi, vous avez récemment tenté de trouver un professionnel qui offre ce service, vous savez à quel point il n’y en a presque plus !
Quelques embûches
Certes, lorsqu’on cherche vraiment, on peut réussir à trouver un atelier, voire un réparateur d’appareil qui offre ce service. Mais ils sont rares. On peut aussi tenter sa chance dans un magasin spécialisé qui vend des couteaux. Mais, encore là, ce n’est pas parce qu’un commerce vend des couteaux qu’il offre le service d’aiguisage.
Et lorsqu’on trouve un endroit qui le fait, la plupart du temps il n’est pas possible de se pointer dans le commerce, de faire aiguiser ses couteaux et de repartir tranquillement à la maison. Il faut soit prendre rendez-vous soit laisser ses couteaux et revenir les chercher trois ou quatre jours plus tard.
Autrefois, on pouvait contourner le problème en faisant affaire avec les aiguiseurs ambulants qui arpentaient les rues avec leurs ateliers mobiles. Ceux-ci aiguisaient nos couteaux sur-le-champ! Or, ils ont presque disparu du paysage québécois.
Facile d’acheter à bon prix
Mais où sont passés les aiguiseurs ? Curieuse, j’ai posé la question à Cédric Lévesque, propriétaire de l’atelier mobile Aiguisage CL. Selon lui, la situation est similaire à celle des cordonniers. «De nos jours, il est facile de trouver des couteaux à bon prix dans les grandes surfaces. Aller les porter chez un professionnel, s’en priver pendant quelques jours et devoir y retourner trois jours plus tard, ça refroidit plusieurs consommateurs», fait-il remarquer.
Privés des services des aiguiseurs qui sont de plus en plus difficiles à trouver, que font les gens aux prises avec un couteau qui ne coupe plus ? Ils le jettent à la poubelle. Après tout, pourquoi se donner la peine de se déplacer, de chercher une place de stationnement et de revenir trois jours plus tard pour récupérer un ou deux couteaux ? Pourquoi se donner la peine de faire tout ça alors qu’on peut s’en débarrasser et en racheter un autre à bon prix chez Walmart ou Costco ? Moins le couteau coûte cher, plus la tentation de le jeter plutôt que de l’aiguiser se fait sentir.
Ça vaut la peine de faire aiguiser
Parenthèse : je possède des couteaux de qualité milieu de gamme, et je me suis souvent demandé si je faisais une bonne affaire en les faisant aiguiser. Est-ce que je perds mon temps et mon argent ? Non, croit Cédric Lévesque. «La qualité de l’acier influence seulement le temps que l’aiguisage va durer, répond-il. Par exemple, l’aiguisage d’un couteau japonais d’une qualité exceptionnelle tiendra plus longtemps que le même traitement sur un couteau de moindre qualité. Après avoir été aiguisé, celui ayant un acier de moins bonne qualité aura lui aussi un bon tranchant, c’est juste qu’il le conservera moins longtemps.»
À propos de l’entretien, M. Lévesque explique que l’idéal est d’utiliser un fusil à aiguiser (qu’on appelle aussi «queue-de-rat») après chaque utilisation. «Les gens qui maîtrisent bien la technique n’ont pas besoin de faire appel à un professionnel pour aiguiser leurs couteaux», explique-t-il. Quant aux petits dispositifs conçus pour aiguiser soi-même ses couteaux, il s’agit selon lui d’une bonne solution pour dépanner, mais cela ne remplace pas l’aiguisage par un professionnel.
Baisser les bras… ou pas
Monsieur et madame Tout-le-Monde ne savent évidemment pas comment utiliser un fusil à aiguiser. C’est à ce moment que les aiguiseurs devraient entrer en scène. Sauf que, hélas, il y en a peu ! Lorsqu’on a seulement un ou deux couteaux à faire aiguiser, il devient tentant de repousser indéfiniment les démarches à plus tard. Puis le temps passe et – oups ! – on rachète le même couteau plutôt que de faire aiguiser celui qui traîne dans le tiroir.
Ne me lancez pas de pierres, ce n’est pas ce que je fais. Depuis des années, je prends le temps de les faire aiguiser chez un pro. Mais je n’ai pas de mérite : j’arrive toujours à en trouver un dans un délai raisonnable. Ce n’est malheureusement pas tout le monde qui a cette chance. Et pour ces gens, il est tentant d’opter pour la solution facile, c’est-à-dire acheter, jeter, acheter, jeter. Quel dommage !
Entretenir plutôt que jeter
La difficulté à entretenir ses couteaux de cuisine porte à réfléchir à propos de la culture du jetable. À cet égard, Protégez-Vous tente d’orienter ses lecteurs vers des produits plus facilement réparables en attribuant, entre autres choses, une cote de réparabilité à certains appareils testés par nos experts, notamment les cafetières à espresso, les aspirateurs, les robots culinaires, les mélangeurs («blender»), les barbecues et les batteurs sur socle. Consultez notre carte interactive des réparateurs qui répertorie près de 300 réparateurs d’électroménagers et d’appareils de climatisation. Écoutez aussi cet épisode de la baladodiffusion de Protégez-Vous avec le chroniqueur et animateur Meeker Guerrier à propos de la réparabilité des objets ainsi que cet épisode du balado Les Rendez-vous Gêné de jeter.