Depuis un an, mon fils s’est illustré comme étant le premier réfugié climatique de la famille. Lorsqu’il est parti en appartement, j’ai insisté pour qu’il prenne une assurance habitation. Ces 450 $ de vent lui semblaient bien inutiles et prohibitifs du haut de ses 18 ans. Or, comme des milliers de Montréalais, Fiston et ses colocs ont fait partie des sinistrés du 13 septembre 2022, puis du 16 juin 2023. Un coup double; il a perdu à peu près tous ses biens.
Chambre au sous-sol, pluies diluviennes, égouts saturés, inondations assurées à hauteur de 10 000 $ (le maximum) : la poésie de la précarité dans une cuvette géographique d’HoMa.
Chanceux dans sa malchance, mon unique a pu retrouver son appartement cinq mois plus tard. Cinq mois à dormir sur des canapés de fortune, sur des matelas gonflables ou dans un appartement insalubre prêté par une bonne âme. Puis, quatre mois après s’être réinstallé dans son logement, il fut inondé de nouveau...
L’assureur du proprio jugeait que les locataires pouvaient continuer à dormir dans l’appartement durant les rénos (planchers arrachés, poussière de plâtre partout, toilette sans murs…). Les frais de subsistance n’étaient pas couverts. La Ville de Montréal n’a rien remboursé, malgré les égouts vétustes et inadéquats; le gouvernement non plus. Bienvenue dans le merveilleux monde des changements climatiques et du plan D (pour Débrouille).
Nous souscrivons des polices d’assurance pour pouvoir dormir tranquilles; pour nous faire croire que, advienne un feu, un tremblement de terre, une inondation, une météorite, un accident ou une maladie, à la maison ou en voyage, nous pourrons rebondir.
Malheureusement, ce sera de moins en moins le cas. Il ne faut pas confondre les assureurs avec le Refuge des Jeunes ou la Mission Bon Accueil. L’assurance est un secteur lucratif de l’économie qui fait la pluie et le beau temps à peu près partout.
Sur une note plus légère, nous avons changé les tuyaux de ma laveuse deux fois en quelques années, l’assureur jugeant le risque trop élevé. Mise aux normes. Même chose pour les chauffe-eau en parfait état qui sont envoyés au dépotoir après 10 ans. J’arrête ici; la liste serait longue. Même les scénarios de nos téléséries préférées sont prudemment inspectés par des assureurs moins portés sur l’art que sur les possibles poursuites.
Une compagnie d’assurance gère les probabilités à son avantage, jusqu’à ce qu’elle cesse d’assurer en raison du nombre de réclamations liées aux changements climatiques, parce qu’elle ne peut plus prédire les pertes. En Californie, la plus grosse compagnie d’assurance habitation, State Farm, a cessé d’assurer les propriétaires au printemps dernier.
Nous sommes désormais exposés aux caprices du climat, et l’industrie de la conscience tranquille nous garantit une chose : entre feux de forêt, inondations, ouragans et verglas, l’avenir est incertain. Notre seule assurance, c’est d’avoir un plan B, puisqu’il n’y a pas de planète B…