Tu les avais planifiées de longue date, ces vacances hors de la zone de confort et de la routine. C’est bien beau, le jacuzzi dans la cour, les planchers chauffants et la thermopompe, mais ça ne remplacera jamais le chant des oiseaux à 5 h du matin, le chien qui jappe après une marmotte et les enfants qui se disputent dehors en bobettes. Pour une fois, tu aurais bien fait une grasse matinée digne des vacances de la construction. Parce que le reste de l’année, c’est à 6 h le matin dans le trafic et les heures supplémentaires pour payer lesdites vacances. Pas question de les rater.
On a beau aimer son confort béton bien insonorisé, sa cuisine extérieure, le barbecue 60 000 BTU avec air fryer incorporé et la piscine au sel à température contrôlée nettoyée par un robot aspirateur, reste que l’homme des bois (et la femme aussi) se meurt un peu côté défis. Du genre fendre des bûches d’un air compétent, allumer un feu avec une seule allumette, monter sa tente en sifflant et sauter dans un lac frette sans vérifier l’alerte aux algues bleues.
Et puis il n’y a rien comme retirer ses Crocs pour chatouiller le gazon avec ses orteils et se sentir vivre à nouveau en respirant l’odeur brute de « région sauvage »; rien comme renouer avec des postures yogiques de Twister pour amuser des ados qui s’ennuiiiiiiiient sans Wi-Fi. La dernière fois, ça t’a coûté un lumbago (et six séances de chiro), mais ça valait chaque fou rire, chaque s’more cancérigène qui fait monter ta glycémie de prédiabétique. Ça dure seulement une semaine; on ne va pas en faire une maladie.
N’empêche, c’est dans le confort et l’indifférence qu’on s’endort, et c’est dans une montée de haute pression qu’on se réveille. L’été, cette saison qui dure le temps d’un éternuement de rhume des foins, te confirme que l’Homo confort a peut-être des ancêtres nés dans une grotte, mais qu’on est vachement mieux avec du propane dans la bonbonne. Tu as même lorgné l’option glamping (avec lit queen et eau chaude), parce qu’on ne rajeunit pas et qu’il y a toujours la crainte de ne pas se relever.
Ton beauf préféré t’a suggéré la lecture d’Homo confort, de Stefano Boni : « Une vie confortable est agréable, autrement dit marquée par la réduction de l’effort musculaire et de la production d’acide lactique. Le confort se traduit par des mouvements brefs, détendus et aisés, ainsi que par l’absence de gestes inutiles et pénibles. »
Le beauf prétend que nous n’aurions plus besoin d’aller au gym si nos vies étaient plus rustiques, collées à la survie. Lui, il vit dans sa van tout l’été et il loue sa maison toute meublée à des touristes pour se payer sa best life. Dans la vie, ça prend des gens qui rêvent et d’autres qui font rêver.
Demain, il faudra ranger le matériel, tout remettre à l’arrière du VUS, coller les ados derrière leurs écrans et revenir à la « vraie vie ». La piscine a besoin d’un backwash, pis l’eau glacée, c’est sûrement juste une mode qui va finir par passer.