Devenir propriétaire est probablement le fantasme immobilier le plus répandu, surtout en période de crise. Six personnes sur 10 peuvent se vanter de posséder leur logement au Québec; à peine 4 sur 10 à Montréal. Dans la pyramide de Maslow, le toit fait partie de la fondation même, la grosse base avec la pizza du vendredi soir. Mais Maslow n’a pas fait de nuances entre le condo locatif et le pavillon de banlieue avec jardin; entre la maison de campagne et la cabane dans le bois sans électricité ou le manoir dans les hauteurs de Westmount.
Parfois, je vais sur Centris, comme d’autres vont zieuter les partenaires sur Tinder. Ça ne coûte rien et les matchs potentiels sont infinis. Tous les courtiers immobiliers nous le diront : ils vendent du rêve.
J’ai été propriétaire six fois dans ma vie et locataire cinq fois en alternance, à la ville comme au champ, au fil des coups de cœur, des ruptures, de la maternité et des aléas de la vie. Me suis-je sentie plus heureuse parce que je possédais les murs? Non. Plus rassurée? Un peu. Mais ça vient avec des responsabilités. Même le sous-sol appartient aux minières.
Si nous avons la chance de tomber sur de bons propriétaires et de ne pas payer trop cher, nous nous évitons bien des tracas. Il faut dire que j’ai connu le quatre et demi sur le Plateau-Mont-Royal à 168 $/mois avec vue sur la croix illuminée. J’avais 20 ans et les loyers ne nous coûtaient pas un don d’ovule mensuel.
Par contre, je me suis déjà fait traiter de « locataire » dans un immeuble où j’habitais récemment. J’avais beau loger au dernier étage avec vue (perçu comme un plus dans l’échelle sociale), je faisais partie d’une classe inférieure inféodée à qui on rappelle qu’elle n’a pas voix au chapitre dans les réunions de syndicat de copropriétaires.
L’être humain passe sa vie à se positionner par rapport au voisin : plus de pieds carrés; en hauteur; en nombre de pièces; rénové au goût du jour ou cachet historique; central ou banlieue; code postal huppé; penthouse ou sous-sol; côté cour ou côté jardin; propriétaire occupant ou investisseur. Ce dernier mot s’avère parfois le pire.
Notre bonheur tient souvent à la comparaison et à la hiérarchie domiciliaire. Pour plusieurs, devenir propriétaire signifie s’endetter jusqu’au cou afin de pouvoir se sentir « chez soi », rénover, tout reprendre, tout jeter pour laisser une empreinte qui, chez les chiens, consiste à marquer le territoire dans les quatre coins.
Par contre, si on parle investissement et profits, mon dernier logement (comme locataire) a plus que doublé de valeur en 10 ans. Tant mieux pour mon proprio. Son bien immobilier lui rapporte davantage que son fonds de pension à 4 %.
Mais une chose demeure : peu importe où nous établissons nos pénates, nous ne sommes que d’éternels locataires ici-bas, car les lieux nous survivent. Nous ne possédons pas grand-chose, sauf sur papier. Il est toujours bon de nous le rappeler avant de recevoir notre taxe de « bienvenue ».