Il ne faut pas confondre les trottinettes électriques vendues directement aux consommateurs et les services de location de trottinettes en libre-service, comme celui qui, en 2019, n’a pas réussi à convaincre la Ville de Montréal de ses bienfaits sur la mobilité urbaine. L’entreprise Lime a dû plier bagage en bonne partie pour des raisons de logistique : ses usagers ne respectaient pas les zones prévues pour garer les trottinettes, qui traînaient donc partout.
Au moins, les gens qui allongent plusieurs centaines de dollars pour acquérir une trottinette électrique ne voudront pas la laisser traîner.
Un danger sur deux-roues ?
En revanche, il risque d’y avoir un effet négatif sur la mobilité qui ne fera pas l’affaire de tout le monde : il faut s’attendre à voir le nombre d’accidents de la route augmenter durant les trois ans sur lesquels s’étendra le projet pilote autorisant la circulation des trottinettes sur certaines routes du Québec.
C’est en tout cas ce qui s’est produit ailleurs, notamment en France. Dans l’Hexagone, on a constaté une hausse du nombre d’accidents, et surtout d’accidents graves. Là-bas, on a observé que les utilisateurs de trottinettes électriques impliqués dans un accident ont subi des blessures ou des traumatismes aussi sévères que s’il s’agissait d’un accident de moto.
Les accidents de moto, doit-on le rappeler, ont des conséquences autrement plus graves que les accidents n’impliquant que des voitures. Ou que des vélos. Ou que des piétons.
« Les facteurs de risque de cette nouvelle pratique de la micromobilité urbaine sont liés notamment à la conception des engins, au comportement des conducteurs, à l’état des voiries et au partage de l’espace public », résume l’Académie nationale de médecine de France dans son rapport publié en novembre dernier.
Accidentologie à la rescousse
L’Académie de médecine propose des solutions qui prendront du temps à s’implanter, si jamais elles sont mises en application : améliorer les trottinettes, mieux former leurs utilisateurs, restreindre les espaces publics où les engins peuvent circuler.
Le projet pilote québécois ne va pas si loin, mais il impose quand même ses propres limites. La vitesse maximale permise est de 25 km/h. Ça semble raisonnable : sur une piste cyclable, c’est une vitesse qu’un vélo peut atteindre sans devenir dangereux.
De plus, les trottinettes ne pourront pas circuler sur les trottoirs, sauf si c’est inévitable.
Enfin, le ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec assure qu’il analysera la situation de près pendant les trois prochaines années, après quoi il ajustera ses directives.
C’est la partie clé du projet pilote, observe Magali Bebronne, responsable du programme de transport actif chez Vélo Québec. «Nous espérons que les données seront bien collectées et qu’elles permettront des analyses d’accidentologie faites par des chercheurs indépendants. C’est le meilleur moyen de savoir si ça vaudra le coup», dit-elle.
Car il faut l’admettre : la légalisation des trottinettes électriques sur les routes du Québec semble avoir été accordée en réaction à un fait accompli. On en voyait déjà de plus en plus partout dans la province. Les interdire tout d’un coup aurait provoqué une grogne généralisée…
D’autant qu’à l’autre bout du spectre, bon nombre de gens auraient souhaité plus de liberté encore : qu’on ne bride pas ces véhicules électriques nouveau genre, et pas seulement les trottinettes. Les gyroroues et les planches à roulettes électriques ont des adeptes qui, eux aussi, aiment se faufiler dans la circulation.
On a vu plus d’un de ces unicyclistes électriques se glisser entre les autos du boulevard Notre-Dame, à Montréal, comme s’ils conduisaient une moto. Sur un engin à une seule roue pas tellement plus grosse qu’un ballon de soccer, c’est pour le moins audacieux…
Bref, devant tout ça, Québec a décidé de couper la poire en deux, le temps d’accumuler des données d’impact qu’aura cette nouveauté sur les déplacements de la population — et sur sa sécurité.
Congestion en vue
Avec leur vitesse limitée à 25 km/h, les trottinettes électriques seront plus à l’aise sur les pistes cyclables que sur la route elle-même — d’ailleurs, leur usage n’est permis que sur des routes dont la limite de vitesse est de 50 km/h ou moins.
Cela va probablement augmenter l’achalandage de pistes cyclables qui, souvent, sont en réalité des pistes multifonctions où circulent aussi bien des cyclistes que des piétons. Certaines de ces pistes sont déjà très fréquentées. Les villes qui aimeraient voir la micromobilité remplacer les voitures sur leur territoire devront prévoir une infrastructure routière en conséquence, avertit Vélo Québec.
Ironiquement, et sans doute malheureusement, Vélo Québec prévient que les trottinettes électriques ne risquent pas de contribuer tant que ça à réduire le nombre de voitures sur les routes. «Ce qu’on voit ailleurs, c’est qu’une trottinette ne remplace pas une auto : elle remplace un trajet à pied», indique Magali Bebronne.
Bref, dans le scénario du pire, légaliser les trottinettes électriques ajoutera de nouveaux véhicules sur la voie publique et pourrait accroître les risques d’accidents routiers.
En encadrant leur légalisation, Québec espère éviter ce scénario.
Comme dans toute chose, cela dépendra des utilisateurs : ce sera à eux de prouver qu’ils peuvent s’intégrer harmonieusement à la circulation.
Sinon, Québec n’aura fait qu’ouvrir la boîte de Pandore.
Pour se déplacer légalement en trottinette électrique
Voici quelques règles pour les utilisateurs d’une trottinette électrique qui voudront se conformer à la loi et éviter une éventuelle amende pouvant atteindre 200 $ :
• Porter un casque
• Avoir plus de 14 ans et posséder sur soi une preuve d’âge
• Respecter la signalisation routière
• Être seul sur son véhicule
• Pouvoir signaler son intention de tourner, avec le bras ou un clignotant
• Ne pas manipuler un téléphone cellulaire ou porter des écouteurs
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