Tout savoir sur les perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens gagnent &agrave; &ecirc;tre mieux connus&hellip; ne serait-ce que pour nous permettre de tenter de les &eacute;viter. Mais le d&eacute;fi n&rsquo;est pas simple &agrave; relever, car ils sont omnipr&eacute;sents dans notre environnement. Ils entrent dans la composition des articles d&rsquo;hygi&egrave;ne, des cosm&eacute;tiques, des v&ecirc;tements, des jouets, des produits m&eacute;nagers et m&ecirc;me des contenants de plastique qui abondent dans nos armoires.Si un nombre croissant d&rsquo;&eacute;tudes atteste que les perturbateurs endocriniens sont n&eacute;fastes pour les animaux et l&rsquo;environnement, leurs effets sur la sant&eacute; humaine sont plus difficiles &agrave; d&eacute;montrer. Isabelle Plante, professeure titulaire et directrice au Centre intersectoriel d&rsquo;analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE), de l&rsquo;Institut national de la recherche scientifique (INRS), nous aide &agrave; y voir plus clair. - Isabelle Plante. Cr&eacute;dit : Jos&eacute;e LecompteQue sont les perturbateurs endocriniens?Il faut d&rsquo;abord comprendre ce qu&rsquo;est le syst&egrave;me endocrinien. Ce syst&egrave;me est compos&eacute; d&rsquo;une s&eacute;rie de glandes (hypophyse, thyro&iuml;de, pancr&eacute;as, ovaires, testicules, etc.) qui produisent des substances, les plus connues &eacute;tant les hormones. Ces substances circulent dans l&rsquo;organisme pour atteindre leurs organes cibles, comme une cascade de petits messagers qui dictent &agrave; ceux-ci leurs fonctions.Le syst&egrave;me endocrinien contr&ocirc;le ainsi la reproduction, mais aussi le m&eacute;tabolisme, la croissance et la sati&eacute;t&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire le sentiment d&rsquo;avoir faim ou pas, entre autres. Bref, il joue un r&ocirc;le central dans le contr&ocirc;le du corps humain.De leur c&ocirc;t&eacute;, les perturbateurs endocriniens (PE), tels que d&eacute;finis par l&rsquo;Organisation mondiale de la Sant&eacute; (OMS), sont &laquo; des substances ou des m&eacute;langes de substances qui alt&egrave;rent les fonctions du syst&egrave;me endocrinien et induisent des effets n&eacute;fastes, que ce soit sur l&rsquo;organisme ou ses descendants &raquo;. Car une exposition &agrave; des PE chez l&rsquo;adulte peut affecter les gam&egrave;tes (ovules et spermatozo&iuml;des) ainsi que les enfants n&eacute;s de celles-ci.Comment agissent les perturbateurs endocriniens?De fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, les PE sont des mol&eacute;cules chimiques qui modifient les fonctions du syst&egrave;me endocrinien, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;ils interf&egrave;rent avec la communication du syst&egrave;me endocrinien. Il y a quelques ann&eacute;es, on les d&eacute;finissait comme des mol&eacute;cules qui pouvaient se lier aux r&eacute;cepteurs des hormones et ainsi les activer ou bloquer leur action.Maintenant, on sait qu&rsquo;ils agissent de bien d&rsquo;autres mani&egrave;res et qu&rsquo;ils peuvent alt&eacute;rer n&rsquo;importe quelle &eacute;tape de la communication du syst&egrave;me endocrinien : ils peuvent modifier le niveau des hormones ou des r&eacute;cepteurs dans le corps, ou bien perturber le transport des hormones.Une exposition &agrave; plusieurs perturbateurs endocriniens peut &ecirc;tre li&eacute;e &agrave; des probl&egrave;mes d&rsquo;infertilit&eacute; et de fausses couches, &agrave; du diab&egrave;te, &agrave; de l&rsquo;ob&eacute;sit&eacute; ou encore &agrave; une augmentation du risque de cancer.Les perturbateurs endocriniens sont-ils vraiment partout?Les PE sont pr&eacute;sents dans l&rsquo;environnement (sol, air, eau), la nourriture, les boissons et les produits manufactur&eacute;s. Ils sont donc omnipr&eacute;sents dans notre environnement.Plusieurs substances, provenant de diff&eacute;rentes sources, ont des effets de perturbateurs endocriniens. On les retrouve dans les pesticides, dans les m&eacute;taux lourds, dans certains produits d&rsquo;hygi&egrave;ne &ndash; dont les shampoings, les cr&egrave;mes hydratantes et les cosm&eacute;tiques &ndash;, dans les jouets ou encore dans des agents plastifiants. On a par exemple beaucoup entendu parler du fameux bisph&eacute;nol A (BPA), qui est un PE bien connu.Plusieurs retardateurs de flamme, qui visent &agrave; ralentir la propagation du feu, sont aussi consid&eacute;r&eacute;s comme des perturbateurs endocriniens. Diff&eacute;rents objets du quotidien (meubles, v&ecirc;tements, produits &eacute;lectroniques, etc.) en contiennent. Les mol&eacute;cules s&rsquo;&eacute;chappent des mat&eacute;riaux (tissus, bois, etc.) et se retrouvent dans la poussi&egrave;re de la maison et dans l&rsquo;air.Faut-il donc avoir peur des perturbateurs endocriniens?C&rsquo;est la question &agrave; un million de dollars. La r&eacute;ponse est oui et non. Non, parce que certaines r&egrave;gles de Sant&eacute; Canada r&eacute;gissent les niveaux maximaux auxquels la population peut &ecirc;tre expos&eacute;e en se basant sur des analyses du risque toxique.Mais cette l&eacute;gislation n&rsquo;est pas parfaite. Il est relativement nouveau que les gouvernements s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; cet aspect l&eacute;gislatif des perturbateurs endocriniens. On a peut-&ecirc;tre test&eacute; certains produits sur le march&eacute; pour &eacute;valuer leur toxicit&eacute;, mais pas pour v&eacute;rifier leur capacit&eacute; &agrave; perturber le syst&egrave;me endocrinien.Les effets des perturbateurs endocriniens peuvent &eacute;galement s&rsquo;additionner, un peu comme dans un cocktail. Une exposition &agrave; un m&eacute;lange de PE peut ainsi produire un ou des effets, alors que les substances n&rsquo;en ont pas lorsqu&rsquo;elles sont &eacute;tudi&eacute;es individuellement.Il a d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; observ&eacute; qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas n&eacute;cessairement d&rsquo;effet de toxicit&eacute; li&eacute; &agrave; de faibles doses de perturbateurs endocriniens. La r&eacute;ponse des cellules et des tissus &agrave; ceux-ci peut cependant, &agrave; long terme, avoir des r&eacute;percussions n&eacute;gatives sur le corps.Une baisse de la f&eacute;condit&eacute; masculine est entre autres not&eacute;e depuis plusieurs ann&eacute;es. Les PE sont soup&ccedil;onn&eacute;s d&rsquo;entrainer des cons&eacute;quences nuisibles &agrave; cet &eacute;gard.Dans la nature, on observe que des grenouilles m&acirc;les expos&eacute;es aux perturbateurs endocriniens qui produisent des effets estrog&eacute;niques se mettent &agrave; ressembler &agrave; des femelles (au lieu d&rsquo;avoir des testicules, elles ont des ovaires, par exemple), car il y a trop d&rsquo;estrog&egrave;nes dans leur milieu.Autre chose : la toxicit&eacute; des produits peut diff&eacute;rer selon la voie d&rsquo;exposition, c&rsquo;est-&agrave;-dire s&rsquo;ils sont ing&eacute;r&eacute;s ou appliqu&eacute;s sur la peau. Impossible n&eacute;anmoins d&rsquo;&eacute;tablir si un cas est plus n&eacute;faste que l&rsquo;autre. &Ccedil;a d&eacute;pend vraiment de la mol&eacute;cule &agrave; l&rsquo;origine du PE. En passant par la voie d&rsquo;ingestion, certaines mol&eacute;cules seront m&eacute;tabolis&eacute;es par le foie, voire modifi&eacute;es, ce qui peut en rendre certaines plus toxiques et d&rsquo;autres moins.Sans vouloir &ecirc;tre alarmiste, je dirais qu&rsquo;il faut s&rsquo;int&eacute;resser aux perturbateurs endocriniens et s&rsquo;en m&eacute;fier.Est-il possible d&rsquo;&eacute;viter les perturbateurs endocriniens?Ce n&rsquo;est pas simple de les &eacute;liminer compl&egrave;tement de notre quotidien parce qu&rsquo;il y en a beaucoup. Certains produits sont difficiles &agrave; &eacute;viter, m&ecirc;me pour moi : ce n&rsquo;est pas toujours facile de faire les lunchs de mes enfants sans qu&rsquo;il y ait de plastique ! Il y a beaucoup d&rsquo;emballages &agrave; usage unique, que ce soit pour les fromages ou les yogourts. Ce n&rsquo;est pas impossible de se d&eacute;barrasser de tout &ccedil;a, mais c&rsquo;est difficile.En sachant que ces produits existent et qu&rsquo;ils sont susceptibles de contenir des PE, nous pouvons toutefois faire le choix de les utiliser ou non.Est-ce que les hommes, les femmes et les enfants r&eacute;agissent de la m&ecirc;me fa&ccedil;on aux perturbateurs endocriniens?Non. Les hormones masculines et f&eacute;minines sont diff&eacute;rentes. Ce qu&rsquo;on voit en laboratoire avec les animaux, c&rsquo;est qu&rsquo;un produit estrog&eacute;nique (qui imite les effets de l&rsquo;estrog&egrave;ne) peut se traduire par une pubert&eacute; pr&eacute;coce et un risque accru de cancer du sein chez les femelles, et par une augmentation du risque d&rsquo;infertilit&eacute; chez les m&acirc;les.Les effets de l&rsquo;exposition aux perturbateurs endocriniens diff&egrave;rent par ailleurs en fonction de ce qu&rsquo;on appelle les &laquo; fen&ecirc;tres de sensibilit&eacute; &raquo;. Il y a des moments o&ugrave; on peut &ecirc;tre plus sensible &agrave; leurs effets et d&rsquo;autres moins.De fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, la p&eacute;riode p&eacute;rinatale, donc de la conception &agrave; la premi&egrave;re ann&eacute;e de vie, est un moment de haute sensibilit&eacute;. M&ecirc;me chose pour celle in utero. C&rsquo;est une p&eacute;riode o&ugrave; l&rsquo;enfant en d&eacute;veloppement connait beaucoup de changements. Son syst&egrave;me endocrinien est fortement sollicit&eacute;. Les perturbations qui l&rsquo;affectent peuvent avoir des cons&eacute;quences importantes.On recommande souvent aux femmes enceintes et &agrave; celles qui veulent le devenir d&rsquo;adopter de saines habitudes alimentaires et d&rsquo;&eacute;viter de s&rsquo;exposer &agrave; des substances chimiques (par exemple, la teinture ou les produits pour permanenter les cheveux).Quels autres conseils nous donnez-vous pour nous aider &agrave; nous prot&eacute;ger?L&rsquo;important, c&rsquo;est de se renseigner et de faire de son mieux.Un conseil facile &agrave; suivre est d&rsquo;&eacute;viter de r&eacute;chauffer des aliments dans des plats de plastique. Certains agents plastifiants sont des perturbateurs endocriniens qui ont tendance &agrave; &ecirc;tre lib&eacute;r&eacute;s un peu plus par la chaleur. Il est pr&eacute;f&eacute;rable d&rsquo;utiliser un plat en verre ou une assiette pour chauffer son repas au microondes.Plusieurs PE se retrouvent dans les cosm&eacute;tiques, et ce n&rsquo;est pas toujours simple de faire le bon choix. De fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, il est sugg&eacute;r&eacute; de limiter l&rsquo;utilisation de produits contenant des phtalates et des parab&egrave;nes. C&rsquo;est aussi souvent mieux d&rsquo;&eacute;viter les fragrances.Certains outils pratiques [NDLR : comme le D&eacute;codeur de Prot&eacute;gez-Vous et l&rsquo;&Eacute;valuation des additifs alimentaires de Verdict sant&eacute;] permettent d&rsquo;estimer l&rsquo;impact de divers produits sur la sant&eacute; et l&rsquo;environnement (ainsi que la pr&eacute;sence de PE), et ce, autant au rayon des cosm&eacute;tiques qu&rsquo;&agrave; celui de l&rsquo;alimentation. Autre chose : plus la liste d&rsquo;ingr&eacute;dients d&rsquo;un produit est longue, plus le risque d&rsquo;y retrouver des perturbateurs endocriniens est grand.A&eacute;rer son domicile 10 minutes une ou deux fois par jour est une autre bonne habitude &agrave; prendre. Plusieurs PE se retrouvent dans les poussi&egrave;res de maison. En a&eacute;rant, on en diminue la concentration.Il est, en outre, recommand&eacute; d&rsquo;&eacute;plucher ses fruits et l&eacute;gumes, s&rsquo;ils ne sont pas biologiques, de limiter l&rsquo;utilisation de pesticides dans son jardin, et d&rsquo;&eacute;viter les aliments emball&eacute;s dans du plastique portant les codes de recyclage 3, 6 et 7.Les perturbateurs endocriniens peuvent-ils causer des maladies?C&rsquo;est une question complexe. Des exp&eacute;riences en laboratoire sont r&eacute;alis&eacute;es avec des animaux pour &eacute;valuer les effets des PE. Pour ma part, je travaille surtout avec des mod&egrave;les mammif&egrave;res. Mais j&rsquo;ai aussi des coll&egrave;gues qui font de la recherche avec des amphibiens.Ce qui est compliqu&eacute;, c&rsquo;est de transposer cela &agrave; la population humaine. Il est difficile de prendre 20 personnes, de les exposer &agrave; des PE, d&rsquo;en prendre 20 autres, de ne les soumettre &agrave; rien, et d&rsquo;attendre de voir s&rsquo;ils vont d&eacute;velopper des maladies.Des corr&eacute;lations sont malgr&eacute; tout not&eacute;es, par exemple, entre l&rsquo;exposition &agrave; certains perturbateurs endocriniens, tels que des phtalates et des pesticides, dont le dichlorodiph&eacute;nyltrichlor&eacute;thane (DDT), et un risque accru de cancer du sein ou d&rsquo;ob&eacute;sit&eacute;.On parle toutefois de corr&eacute;lations, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il existe une relation entre deux variables, mais que le lien de cause &agrave; effet n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; &eacute;tabli. &Ccedil;a reste difficile de faire une preuve compl&egrave;te chez les humains.Y a-t-il beaucoup de recherche sur les perturbateurs endocriniens?Il y a toujours eu un noyau de chercheurs sur le sujet, mais leur travail n&rsquo;avait pas une port&eacute;e grand public. Depuis quelques ann&eacute;es, la population est cependant plus conscientis&eacute;e aux effets des PE, et cela fait en sorte qu&rsquo;il y a plus de recherche. &Ccedil;a se refl&egrave;te sur le plan des gouvernements et des subventions, qui financent davantage la recherche.Le CIAPE, qui compte 193 membres de 10 pays provenant de 45 institutions et qui &oelig;uvre en collaboration avec Sant&eacute; Canada, permet par ailleurs aux chercheurs de travailler tous ensemble, plut&ocirc;t qu&rsquo;en silo, pour caract&eacute;riser les effets des PE et les g&eacute;rer plus ad&eacute;quatement. Nous essayons d&rsquo;avoir un impact pour mieux prot&eacute;ger la population.* L&rsquo;entretien a &eacute;t&eacute; &eacute;dit&eacute; par souci de clart&eacute; et de concision.Pour en savoir plusCentre intersectoriel d&rsquo;analyse des perturbateurs endocriniensSoci&eacute;t&eacute; canadienne du cancerLes effets des perturbateurs endocriniens sur la sant&eacute;Tableau synth&egrave;se des perturbateurs endocriniensR&eacute;seau des femmes en environnement

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