Baby blues, dépression ou anxiété post-partum: comment les différencier et les vaincre?

Sommaire de l&rsquo;article Des m&egrave;res stigmatis&eacute;esLes sympt&ocirc;mes &agrave; surveiller ?Personne n&rsquo;est &agrave; l&rsquo;abri de la d&eacute;pression et de l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute;Comment traiter la d&eacute;pression et l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partum ?Demander de l&rsquo;aide professionnelleLe soutien des organismes et des prochesRessources utiles Natasha MacDonald se souvient de la naissance de son premier gar&ccedil;on, en 2014. Bien qu&rsquo;elle ait d&rsquo;embl&eacute;e &eacute;prouv&eacute; pour lui un amour indescriptible, un sentiment de d&eacute;tresse s&rsquo;est install&eacute; en elle quelques semaines plus tard. &laquo; Je me sentais chaque jour devant une &eacute;norme montagne &agrave; gravir. &Agrave; la fin de la journ&eacute;e, je savais qu&rsquo;elle serait encore l&agrave; le lendemain. &raquo;Pendant l&rsquo;ann&eacute;e qui a suivi cet accouchement, Mme MacDonald a v&eacute;cu les grandes &eacute;tapes de la vie de son b&eacute;b&eacute; avec une impression d&rsquo;engourdissement. &laquo; J&rsquo;&eacute;tais bien pr&eacute;sente lorsqu&rsquo;il a souri ou mang&eacute; pour la premi&egrave;re fois, mais c&rsquo;&eacute;tait comme si je n&rsquo;&eacute;tais pas r&eacute;ellement l&agrave;. Je ne me sentais plus moi-m&ecirc;me. &raquo; La nouvelle m&egrave;re &eacute;tait tr&egrave;s bien entour&eacute;e, mais elle n&rsquo;osait pas parler de son &eacute;tat &agrave; ses proches, afflig&eacute;e par la culpabilit&eacute; de s&rsquo;estimer moins maternelle que les autres femmes. Elle a port&eacute; ce fardeau sur ses &eacute;paules jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;elle consulte, des ann&eacute;es plus tard, et qu&rsquo;elle comprenne qu&rsquo;elle avait v&eacute;cu une d&eacute;pression post-partum (DPP). Des m&egrave;res stigmatis&eacute;esBien qu&rsquo;on en parle de plus en plus, on stigmatise encore les difficult&eacute;s &eacute;motionnelles que peuvent vivre les femmes apr&egrave;s un accouchement, note la Dre Tuong Vi Nguyen, psychiatre en p&eacute;rinatalit&eacute; au Centre universitaire de sant&eacute; McGill. On s&rsquo;attend &agrave; ce qu&rsquo;une femme se sente combl&eacute;e en tous points lorsqu&rsquo;elle devient maman, d&eacute;plore-t-elle. Si elle ne semble pas &laquo; assez heureuse &raquo;, elle encourt la r&eacute;probation des autres. Beaucoup n&rsquo;osent donc pas partager ce qu&rsquo;elles vivent. La DPP est pourtant loin d&rsquo;&ecirc;tre rare, affirme la Dre Nguyen, qui, comme Natasha MacDonald, en a souffert, apr&egrave;s un accouchement difficile. Selon l&rsquo;Institut national de sant&eacute; publique du Qu&eacute;bec (INSPQ), une femme sur cinq et un homme sur dix connaitraient un &eacute;pisode de d&eacute;pression apr&egrave;s l&rsquo;accouchement. Et jusqu&rsquo;&agrave; 85 % des m&egrave;res manifesteraient des signes du syndrome du troisi&egrave;me jour (l&rsquo;appellation officielle du baby blues), une d&eacute;prime passag&egrave;re qui survient dans les journ&eacute;es qui suivent l&rsquo;accouchement et qui peut durer de quelques jours &agrave; environ deux semaines. La d&eacute;pression n&rsquo;est pas la seule menace qui plane sur votre sant&eacute; mentale pendant la p&eacute;riode p&eacute;rinatale (du d&eacute;but de la 28e semaine de grossesse au septi&egrave;me jour apr&egrave;s la naissance). L&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partum, qui se manifeste par une inqui&eacute;tude excessive ou incontr&ocirc;lable, affecte de 11 &agrave; 21 % des femmes venant d&rsquo;accoucher, selon une &eacute;tude publi&eacute;e en 2021 dans The Journal for Nurse Practitioners. Elle reste toutefois sous-diagnostiqu&eacute;e. Ses sympt&ocirc;mes n&rsquo;apparaissent d&rsquo;ailleurs pas dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), l&rsquo;outil am&eacute;ricain de classification commun&eacute;ment utilis&eacute; pour d&eacute;finir les troubles mentaux. Certaines m&egrave;res peuvent pr&eacute;senter un stress post-traumatique ou un trouble obsessionnel compulsif. Les sympt&ocirc;mes &agrave; surveiller ?L&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;un b&eacute;b&eacute; est synonyme de bouleversement du quotidien des nouveaux parents et exige d&rsquo;eux qu&rsquo;ils fassent le deuil de leur vie d&rsquo;avant. Cette adaptation, qui s&rsquo;ajoute &agrave; la fatigue et aux changements hormonaux, peut s&rsquo;av&eacute;rer p&eacute;nible. &laquo; Les premi&egrave;res semaines ne se passent pas toujours comme on l&rsquo;imaginait, et &ccedil;a peut &ecirc;tre d&eacute;stabilisant &raquo;, reconnait Maria-Jos&eacute;e Vargas, sexologue et coordonnatrice chez Autour du b&eacute;b&eacute;, un centre de ressources p&eacute;rinatales &agrave; Montr&eacute;al. Plusieurs indices pr&eacute;c&egrave;dent un diagnostic de DPP : insomnie persistante pendant le sommeil du nouveau-n&eacute;, anxi&eacute;t&eacute; quant au bien-&ecirc;tre du b&eacute;b&eacute;, impression de dissociation, d&rsquo;engourdissement et de d&eacute;tachement par rapport &agrave; l&rsquo;enfant, envie de fuir la vie familiale, voire de mourir. Un &eacute;pisode prolong&eacute; de baby blues, attribuable &agrave; la fatigue et &agrave; des changements hormonaux, peut &ecirc;tre le signe avant-coureur d&rsquo;une DPP, bien que la diff&eacute;rence entre les deux ne soit pas tranch&eacute;e. Environ 20 % des cas graves se mueront en une DPP. Quand faut-il suspecter que l&rsquo;on a pass&eacute; le point de bascule ? Lorsque les sympt&ocirc;mes augmentent en intensit&eacute; et qu&rsquo;ils persistent au-del&agrave; des deux semaines que dure habituellement le syndrome du troisi&egrave;me jour, pr&eacute;vient Mme Vargas.Le premier sympt&ocirc;me d&eacute;pressif de Natasha MacDonald est apparu quelques semaines apr&egrave;s son accouchement : elle pleurait chaque fois qu&rsquo;elle allaitait. La Dre Nguyen se souvient pour sa part de s&rsquo;&ecirc;tre montr&eacute;e tr&egrave;s irritable envers ses proches.Les sympt&ocirc;mes physiques de l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partum &ndash; fatigue, irritabilit&eacute; et troubles du sommeil &ndash; sont difficile &agrave; diff&eacute;rencier de l&rsquo;adaptation normale des parents &agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;un nouveau-n&eacute;. Les m&egrave;res qui en souffrent se sentent incomp&eacute;tentes, sont moins susceptibles d&rsquo;allaiter leur b&eacute;b&eacute; et peuvent &eacute;prouver des probl&egrave;mes d&rsquo;attachement envers leur enfant. &Agrave; l'inverse, d'autres d&eacute;veloppent une forme de sur-attachement &agrave; leur b&eacute;b&eacute;. Dans les cas graves, elle peut accroitre le risque de maltraitance du nourrisson.Personne n&rsquo;est &agrave; l&rsquo;abri de la d&eacute;pression et de l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute;La DPP peut toucher n&rsquo;importe qui, m&ecirc;me si la grossesse et l&rsquo;accouchement se sont bien d&eacute;roul&eacute;s. Certains facteurs de risque peuvent tout de m&ecirc;me contribuer &agrave; son apparition, selon la Dre Nguyen : une faible implication des proches, un emploi exigeant, une absence de suivi en sant&eacute; mentale, des ant&eacute;c&eacute;dents de troubles psychologiques (y compris des tentatives de suicide chez la m&egrave;re ou dans sa famille).Le stress de la parentalit&eacute; ainsi qu&rsquo;une faible estime de soi ou de ses capacit&eacute;s parentales pourraient contribuer &agrave; l&rsquo;apparition de la maladie, selon une recension de 74 &eacute;tudes portant sur les facteurs de risque qui y sont li&eacute;s. De m&ecirc;me, d&rsquo;apr&egrave;s des chercheurs danois, une femme ayant v&eacute;cu une d&eacute;pression post-partum serait 46 fois plus susceptible d&rsquo;en souffrir encore au terme d&rsquo;un autre accouchement qu&rsquo;une femme sans ant&eacute;c&eacute;dent de DPP.La d&eacute;tresse paternelle, elle, se manifeste notamment par une fuite dans le travail ou les loisirs au d&eacute;triment de la famille, voire par une irritabilit&eacute; accrue. &laquo; Parfois, au d&eacute;but, le papa ou l&rsquo;autre parent ne se sent pas utile, ce qui peut retarder le lien d&rsquo;attachement avec l&rsquo;enfant et &ecirc;tre extr&ecirc;mement difficile &agrave; vivre &raquo;, explique Marie-Claude Dufour, directrice g&eacute;n&eacute;rale du R&eacute;seau des centres de ressources p&eacute;rinatales du Qu&eacute;bec. Il n&rsquo;est pas rare, ajoute-t-elle, qu&rsquo;un nouveau papa souffre de DPP si la m&egrave;re en a &eacute;galement &eacute;t&eacute; atteinte. Tout comme les femmes, les hommes pr&eacute;sentant des sympt&ocirc;mes d&eacute;pressifs devraient aller chercher de l&rsquo;aide. &laquo; Leur d&eacute;tresse est tout aussi valide et r&eacute;elle que celle des m&egrave;res. &raquo; Les causes de l'anxi&eacute;t&eacute; post-partum sont encore peu connues, mais il semble que les femmes sujettes &agrave; l'anxi&eacute;t&eacute; seraient plus susceptibles d'en souffrir. Les femmes qui ont eu une grossesse difficile pourraient &eacute;galement y &ecirc;tre sensible.Traiter la d&eacute;pression et l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partumD&egrave;s les premiers signes de baby blues ou de d&eacute;prime, n&rsquo;h&eacute;sitez pas &agrave; parler de ce que vous ressentez, &agrave; laisser couler vos larmes, &agrave; vous permettre des siestes pour vous reposer, &agrave; pratiquer le contact peau &agrave; peau avec votre b&eacute;b&eacute; et &agrave; demander de l&rsquo;aide &agrave; vos proches. Si elle n&rsquo;est pas prise en charge ou trait&eacute;e, la DPP peut s&rsquo;aggraver, voire d&eacute;g&eacute;n&eacute;rer en une psychose, menant la m&egrave;re &agrave; perdre le contact avec la r&eacute;alit&eacute;. Le recours &agrave; la psychoth&eacute;rapie et aux antid&eacute;presseurs permet d&rsquo;y rem&eacute;dier.Une vaste &eacute;tude de cohorte prospective publi&eacute;e en 2023 a d&eacute;montr&eacute; que le traitement de la DPP par des inhibiteurs s&eacute;lectifs de la recapture de la s&eacute;rotonine (ISRS) permet d&rsquo;am&eacute;liorer la sant&eacute; mentale des femmes &agrave; long terme tout en r&eacute;duisant leur risque de faire une d&eacute;pression cinq ans apr&egrave;s l&rsquo;accouchement.Selon la Soci&eacute;t&eacute; canadienne de p&eacute;diatrie, l&rsquo;allaitement n&rsquo;est pas contrindiqu&eacute; pendant un traitement aux ISRS ni lors de l&rsquo;usage d&rsquo;inhibiteurs de la recapture de la s&eacute;rotonine et de la noradr&eacute;naline (IRSN). La recherche a d&eacute;montr&eacute; que ces deux classes d&rsquo;antid&eacute;presseurs passent peu dans le lait maternel et qu&rsquo;ils sont peu absorb&eacute;s par les b&eacute;b&eacute;s.La th&eacute;rapie cognitivo-comportementale, qui a fait ses preuves contre les troubles anxieux, a &eacute;t&eacute; peu &eacute;tudi&eacute;e dans un contexte de post-partum. Elle reste toutefois une avenue de traitement possible de l'anxi&eacute;t&eacute; post-partum, avec la pharmacologie. Traiter rapidement la DPP et l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partum permet d&rsquo;en limiter les effets n&eacute;gatifs sur le d&eacute;veloppement des enfants. La maladie mentale peut nuire &agrave; la cr&eacute;ation du lien affectif entre la m&egrave;re et le nouveau-n&eacute;. L&rsquo;enfant est aussi plus susceptible de souffrir de d&eacute;pression et d&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; en grandissant. Demander de l&rsquo;aide professionnelleLa sexologue Maria-Jos&eacute;e Vargas encourage les parents en crise &agrave; parler de leur &eacute;tat aux professionnels de la sant&eacute; qu&rsquo;ils consultent depuis l&rsquo;accouchement. Aujourd&rsquo;hui maman de trois enfants, Natasha MacDonald regrette justement d&rsquo;avoir cach&eacute; sa d&eacute;tresse lorsqu&rsquo;elle vivait sa DPP, puisque les blessures peuvent durer plusieurs ann&eacute;es. &laquo; Si votre m&eacute;decin ou vos proches vous demandent comment &ccedil;a va, ne faites pas comme moi et dites-leur la v&eacute;rit&eacute; &raquo;, conseille-t-elle.Il lui a fallu obtenir du soutien psychologique pour arriver &agrave; se d&eacute;culpabiliser de n&rsquo;avoir pas pleinement profit&eacute; des premiers mois de son fils ain&eacute;. Quant &agrave; la Dre Nguyen, la psychoth&eacute;rapie lui a &eacute;vit&eacute; de sombrer dans la psychose, affirme-t-elle.Le soutien des organismes et des proches Pour pr&eacute;venir la DPP, les parents ne doivent pas h&eacute;siter &agrave; demander de l&rsquo;aide et &agrave; se confier &agrave; leurs proches. Ils devraient se reposer le plus possible lorsque le b&eacute;b&eacute; dort, s&rsquo;offrir des sorties ou se joindre &agrave; un groupe de soutien pour discuter de leur nouvelle vie parentale. Ils peuvent aussi se tourner vers les centres de ressources p&eacute;rinatales (CRP), des organismes communautaires &agrave; but non lucratif offrant divers services de soutien (allaitement, discussion, t&acirc;ches m&eacute;nag&egrave;res, etc.).Ces activit&eacute;s peuvent contribuer &agrave; la pr&eacute;vention de la DPP et de l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; post-partum, explique Marie-Claude Dufour. &laquo; Lors du cong&eacute; parental, un isolement peut s&rsquo;installer. Ces services permettent de briser cet isolement, de rencontrer des gens qui vivent la m&ecirc;me chose que nous au m&ecirc;me moment et d&rsquo;&eacute;changer avec eux. &raquo;Enfin, si vous souhaitez aider des proches qui viennent d&rsquo;accueillir un nouveau-n&eacute; &agrave; la maison, pr&eacute;vient Mme Dufour, &eacute;vitez les remarques inconsid&eacute;r&eacute;es comme &laquo; C&rsquo;est normal de se sentir fatigu&eacute;e, tu n&rsquo;es pas la seule &raquo; ou encore &laquo; Tu viens d&rsquo;avoir un b&eacute;b&eacute; en sant&eacute;, tu devrais &ecirc;tre heureuse &raquo;.Priorisez plut&ocirc;t une bonne &eacute;coute. &laquo; Parfois, les nouveaux parents ont simplement besoin de parler. Ils ne cherchent pas n&eacute;cessairement des conseils &raquo;, mentionne Mme Dufour. Demandez-leur comment ils vont r&eacute;ellement et &eacute;vitez de prendre juste des nouvelles du b&eacute;b&eacute;. Avant d&rsquo;aider, v&eacute;rifiez ce dont ils ont vraiment besoin. Ressources utilesTrouver un centre de ressources p&eacute;rinatales D&eacute;pistage de la d&eacute;pression post-partumGuide Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse &agrave; deux ans &Agrave; lire aussi : Comment soigner une d&eacute;pression et remonter la pente et Le cong&eacute; de maternit&eacute; att&eacute;nue l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; de s&eacute;paration

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