Un test de dépistage du VIH à faire chez soi
Une trousse de dépistage en vente libre aux États-Unis permet de se tester dans le confort de son foyer. Une bonne nouvelle pour les consommateurs?
La Food and Drug Administration (FDA) a approuvé, en juillet 2012, la vente d’OraQuick inHome HIV Test, un test de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) à faire chez soi, sans contrôle médical.
La trousse ne nécessite ni prélèvement sanguin ni envoi d’échantillon en laboratoire. Il suffit de recueillir un peu de salive sur les gencives à l’aide d’une spatule-tampon que l’on plonge ensuite dans une solution. Après une vingtaine de minutes, le résultat s’affiche dans une petite fenêtre. Si une seule ligne apparaît, le test est négatif. Deux lignes indiquent au contraire que des anticorps anti-VIH ont été détectés et que le test est positif.
Si les experts québécois s’accordent sur l’importance de disposer de nouveaux outils de dépistage pour le VIH, les avis divergent quant à l’utilisation de ce type de test à domicile. Certains voient un danger dans le fait de laisser une personne découvrir, seule, qu’elle est séropositive.
Des ressources et du soutien gratuits
Selon le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), de 500 à 700 nouveaux cas de VIH sont diagnostiqués chaque année au Québec. En 2008, environ 18 000 personnes vivaient avec le VIH au Québec, selon le LSPQ. Or, parmi elles, 25 % ne savaient pas qu’elles étaient séropositives, souvent parce qu’elles ne présentaient aucun symptôme. Au Québec, il existe bien un test de dépistage rapide fonctionnant sur le principe de la trousse à usage unique, comme OraQuick. La trousse INSTI permet d’obtenir un résultat en deux minutes à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt, mais elle n’est pas autorisée pour l’autodépistage, explique Bouchra Serhir, microbiologiste sérodiagnostic et virologie au Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ).
«INSTI est utilisé dans des points de service spécifiques, comme des organismes communautaires, et il est réalisé par un personnel formé [infirmière, intervenant communautaire, etc.] qui accompagne et oriente le patient tout au long de ses démarches», précise Bouchra Serhir. Ces lieux de dépistage sont généralement installés dans des secteurs géographiques ciblés dans le but de rejoindre les populations les plus à risque. Selon le Guide de dépistage des ITSS du ministère de la Santé et des Services sociaux, l’utilisation de cette trousse est «pertinente auprès des personnes susceptibles de ne pas revenir pour obtenir leur résultat».
De nombreux établissements de santé (CLSC, cliniques médicales, cliniques spécialisées dans le dépistage des infections transmissibles sexuellement et par le sang, etc.) proposent aussi un service de dépistage du VIH par prélèvement sanguin. Les échantillons sont envoyés dans l’un des 44 laboratoires publics ou privés autorisés à effectuer des analyses de biologie médicale. Annuellement, ces laboratoires réalisent plus de 325 000 tests, dont les résultats sont contre-vérifiés par le LSPQ.
«Toutes ces ressources sont gratuites, précise le Dr Jean-Pierre Routy, médecin au Service d’hématologie et d’immunodéficience de l’Hôpital Royal Victoria. Pourquoi dépenser 40 $ de sa poche pour faire un test, seul, chez soi?» Sans compter que découvrir sa séropositivité sans soutien psychologique n’est pas sans conséquence, rappelle de Dr Réjean Thomas, grand acteur de la lutte contre le VIH-Sida au Québec. «Si la personne est fragile mentalement, isolée socialement, elle pourrait mal réagir», illustre-t-il.
OraSure, le fabricant d’OraQuick, a bien mis en place un service téléphonique de conseils et de suivi accessible sept jours sur sept pour offrir un soutien psychologique aux usagers qui se sont autotestés. Ils peuvent appeler de façon anonyme pour obtenir une aide ou de l’information. «Mais il y a une limite à la solitude humaine, estime le Dr Routy. La personne qui découvre sa séropositivité a besoin d’être prise en charge.»
Pas autorisé au Canada
Aux États-Unis, OraQuick se vend 39,99 $ US dans les pharmacies et les magasins à grande surface. Il est aussi facile de se le procurer sur le site d’OraSure. Impossible toutefois de le commander à partir du Canada, où il n’est pas encore autorisé. Santé Canada confirme d’ailleurs qu’«aucune trousse de dépistage du VIH pour usage à domicile n’a été homologuée». Pour l’instant, aucun fabricant n’a fait de demande auprès du ministère pour mettre en marché un tel produit au pays, précise Gary Holub, agent de relations avec les médias pour Santé Canada.
Malgré tout, plusieurs sites européens de vente de produits pharmaceutiques en ligne nous ont confirmé pouvoir nous livrer OraQuick au Québec, moyennant certains frais d’envoi supplémentaires. Protégez-Vous l’a commandé, mais c’est un autre type de test de dépistage du VIH (à partir d’une goutte de sang) à faire chez soi qui nous a été envoyé. Comme quoi il peut quand même être facile de se procurer ce genre de produit.
Un test fiable?
Une méta-analyse publiée en janvier 2012 par la Dre Nikita Pant Pai, chercheure en épidémiologie à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, a permis de compiler et d’analyser les études menées partout dans le monde sur les deux techniques de dépistage du VIH (sanguin et fluide oral avec OraQuick). Les résultats de sa recherche révèlent que les deux types de tests sont aussi précis l’un que l’autre.
Cependant, OraQuick n’est pas infaillible. «Des études cliniques [menées par OraSure] ont démontré qu’il produit un résultat faux-positif pour environ 5 000 tests effectués chez des personnes non infectées par le VIH», souligne le Dr Elliot Cowan de la Division des maladies émergentes et des maladies sexuellement transmissibles de la FDA. À l’inverse, le test peut également générer un faux résultat négatif pour environ 12 tests effectués sur des personnes infectées. Comme le test peut générer de faux résultats, «le manufacturier précise qu’il est indispensable de passer un examen pour confirmer le diagnostic dans un centre de dépistage», explique la Dre Cécile Tremblay, directrice du Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ).
Avec l’autodépistage, il existe aussi un risque que la personne se teste durant la période de latence sérologique où le virus ne peut être détecté (de quelques jours à trois mois suivant la transmission). «Elle pourra alors penser qu’elle n’est pas infectée, alors que ce ne sera pas le cas. La personne sera même très contagieuse», explique le Dr Thomas.
Un outil de prévention supplémentaire
«Une stratégie de prévention doit pouvoir rejoindre les personnes qui font partie de ces 25 %», explique la Dre Tremblay. Elle estime qu’un test de dépistage rapide par échantillon de salive, comme OraQuick, aurait toute sa place s’il était encadré comme le test INSTI. Pouvoir s’autodépister serait donc un outil de plus dans la lutte contre le sida. C’est d’ailleurs ce que met de l’avant la FDA pour justifier sa décision d’approuver la vente libre d’OraQuick. «C’est une option supplémentaire offerte à des personnes qui, sans cela, ne se rendraient pas dans un établissement de santé pour se faire tester», indique la FDA. Un avis que partage la Dre Pant Pai.
Elle affirme que la stigmatisation associée au test du VIH reste une réalité en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. «Il n’est pas évident de convaincre les personnes de venir se faire dépister dans un établissement de santé en raison du manque de respect de la vie privée [dans les lieux de dépistage] et d’une certaine forme de discrimination», ajoute-t-elle. Une technique de dépistage confidentielle, comme l’autodépistage, permettrait de briser l’exclusion.
La peur de faire le test, peu importe lequel, est effectivement un frein à l’entrée dans le système de soins, confirme le Dr Routy. «Il y a une gravité sociale, émotionnelle et personnelle importante à être séropositif, c’est indéniable.» Mais l’autodépistage n’est pas nécessairement la solution, selon lui. Tout test doit être encadré afin de pouvoir inciter la personne séropositive à se faire soigner. «Les traitements qui existent aujourd’hui peuvent lui permettre d’avoir des enfants, de ne plus s’absenter du travail, affirme le Dr Routy. Il est donc indispensable qu’elle se fasse dépister pour pouvoir entreprendre un traitement.»
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