Attention

Votre navigateur n'est plus à jour et il se peut que notre site ne s'affiche pas correctement sur celui-ci.

Pour une meilleure expérience web, nous vous invitons à mettre à jour votre navigateur.

Vapotage : la loi sur les saveurs contournée

Par Florence Dujoux
Vapotage : la loi sur les saveurs contournée hurricanehank/Shutterstock.com

Les arômes autres que le tabac sont désormais interdits dans les produits de vapotage. Mais l’industrie contourne les règles, au mépris de la santé, avec ses nouveaux « rehausseurs de saveurs ».

Depuis l’entrée en vigueur, le 31 octobre dernier, du règlement de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme interdisant les arômes, de nombreuses boutiques spécialisées en vapotage se sont converties en dépanneurs. Ce changement de statut les autorise à rendre leurs tablettes visibles depuis l’extérieur et à élargir leur offre en laissant entrer librement les mineurs. En plus des produits de vapotage neutres ou à saveur de tabac, qu’ils cachent à l’arrière du comptoir pour respecter la loi, ces commerces proposent des bonbons, des boissons sucrées et d’autres collations particulièrement prisées par les adolescents.

Autres petits nouveaux sur les tablettes : des « rehausseurs de saveurs » aux arômes de barbe à papa, de gâteau aux carottes ou de cola, vendus sous forme de « shots » ou de gouttes. « Les fabricants se sont dit qu’ils allaient vendre liquides de vapotage et rehausseurs de saveurs séparément, sans indiquer que ceux-ci sont destinés au vapotage, alors que c’est clairement le cas », rapporte Mathieu Morissette, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval.

Des saveurs potentiellement toxiques

Les molécules de ces nouveaux produits sont similaires à celles auparavant utilisées dans les liquides de vapotage parfumés. Or, si elles ont été interdites, c’est notamment parce qu’elles présentent des risques pour la santé. « La toxicologie respiratoire de la plupart de ces saveurs n’est pas connue et elle est difficile à déterminer », partage Mathieu Morissette, également chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).

De plus, ces concentrés de saveurs ne sont pas soumis à la règlementation de Santé Canada sur les produits de vapotage (« déjà minimale », selon le chercheur), car ils sont considérés comme des produits alimentaires. « Techniquement, il est donc possible que certaines substances interdites dans les produits de vapotage s’y retrouvent », ajoute M. Morissette.

Citons l’exemple du diacétyle, un additif au gout de beurre, inoffensif dans l’alimentation (il est présent dans le maïs soufflé), mais dangereux en cas d’inhalation (il peut causer une bronchiolite oblitérante, une maladie rare, mais très grave).

Des jeunes directement ciblés

« Si on a interdit les saveurs dans le vapotage, c’était avant tout pour éviter d’attirer les jeunes », pointe Dominique Claveau, directrice des programmes du Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS). Une étude réalisée en 2021 par l’Institut national de santé publique (INSPQ) montrait que 70 % des vapoteurs québécois de 15 à 17 ans disaient « aimer les saveurs et l’odeur » des produits de vapotage. C’était la raison d’utilisation la plus souvent évoquée par les adolescents, ce qui confirme l’important attrait des arômes chez cette population.

« Il ne faut pas oublier que c’est l’industrie du tabac qui est derrière celle du vapotage, souligne Mme Claveau, Cette industrie compte parmi celles qui mettent le plus d’argent en recherche et développement, et en stratégie marketing. Ses responsables jouent les bons citoyens corporatifs en disant vouloir aider les gens à arrêter de fumer, mais ils souhaitent maintenir la dépendance à la nicotine pour défendre leur marché. »

Pour faire de la prévention auprès des jeunes de votre entourage, elle recommande « de les informer, d’avoir une discussion franche avec eux, d’éviter de les juger, et de les accompagner le mieux possible s’ils tombent dans le panneau de la dépendance ». La plateforme Epav Média propose des contenus sur la face cachée du vapotage, tandis que l’application Libair accompagne ceux qui veulent arrêter de vapoter.

Un cadre règlementaire à renforcer

Le règlement sur le vapotage n’est pas parfait, mais il a le mérite de passer un message clair, soutient Dominique Claveau : « Les saveurs destinées aux produits de vapotage ne sont pas banales; en dépit de leur nom, ce ne sont pas des bonbons », dit-elle. Elle rapporte que beaucoup de personnes s’étaient fixé la date du 31 octobre pour arrêter de vapoter. « Tout le monde n’a pas envie de contourner la loi ou d’essayer des mélanges maison », croit-elle, persuadée que le règlement ne sera pas sans effet.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), « on constate que des commerçants offrent des aromatisants dits alimentaires afin de parfumer les produits de vapotage. Il n’est toutefois pas possible de quantifier l’ampleur du phénomène, le règlement étant en place depuis peu ». La porte-parole du MSSS indique par courriel que les inspecteurs sont sur le terrain pour s’assurer du respect de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme et de ses règlements. Les fabricants et les détaillants qui y contreviennent s’exposent à des amendes substantielles.

Des pistes de solutions existent pour renforcer le cadre règlementaire. Ainsi, le rapport d’un comité d’experts publié en aout 2020 émettait sept recommandations pour mieux encadrer le vapotage. Certaines, comme la diminution du nombre de points de vente, n’ont pas encore été adoptées. « Cette mesure pourrait sans nul doute avoir de l’impact, soutient Dominique Claveau, car le Québec compte 8 000 points de vente, ce qui est beaucoup. » Et ce qui rend la commercialisation des produits de vapotage particulièrement difficile à contrôler.

Bon à savoir : si vous pensez qu’un détaillant enfreint la loi, vous pouvez composer sans frais le 1 877 416-8222 pour porter plainte.

  Ajouter un commentaire

L'envoi de commentaires est un privilège réservé à nos abonnés.

Il n'y a pas de commentaires, soyez le premier à commenter.