Un nouveau médicament contre l’alzheimer suscite un enthousiasme mitigé
Présenté comme le premier médicament pouvant ralentir la maladie d’Alzheimer, le lécanémab, récemment approuvé par Santé Canada, a, dans les faits, un effet thérapeutique modeste et s’avère efficace chez une minorité de patients. Un outil de plus, mais pas de miracles en vue.
Le lécanémab, commercialisé sous le nom de Leqembi, a été approuvé pour traiter les personnes atteintes d’une forme précoce de l’alzheimer et qui présentent une pathologie amyloïde confirmée. Il s’agit d’un traitement d’anticorps monoclonaux. Ces molécules produites en laboratoire aident le système immunitaire à cibler les protéines qu’il doit éliminer. Ici, le médicament s’attaque à la protéine bêta-amyloïde, qui forme dans le cerveau des « plaques séniles », dont la présence est associée au déclin cognitif et à la maladie d’Alzheimer.
Une efficacité modeste
Il ne s’agit pas du premier traitement à anticorps monoclonaux conçu pour réduire les accumulations d’amyloïde dans le cerveau. Mais c’est le premier qui apporte une amélioration clinique. Les données disponibles montrent que le lécanémab ralentit légèrement le déclin cognitif chez les personnes atteintes de troubles cognitifs ou de démence au stade léger.
« Lors des essais cliniques, les patients qui avaient reçu le lécanémab avaient un petit peu moins décliné que ceux qui avaient reçu le placébo, au début de la maladie, mais ce n’est pas beaucoup mieux qu’avec les anciens médicaments. Et on ne revient pas en arrière ; on ne répare pas ce qui est perdu », explique Frédéric Calon, professeur à la Faculté de pharmacie et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. Selon lui, cela constitue tout de même un pas dans la bonne direction.
Le neurologue Christian Bocti estime pour sa part que « l’effet est minimal » sur le déclin cognitif. « [Le médicament] ralentit légèrement la progression de la maladie sur 18 mois, mais ce n’est pas cliniquement significatif. Et avant cette étude, il y en a eu une dizaine d’autres qui montraient que le lécanémab n’avait aucun effet lorsque la maladie était installée », précise le directeur du service de neurologie au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
Le Dr Bocti n’a jamais été convaincu par l’hypothèse de l’amyloïde comme cause de l’alzheimer. Il estime que d’autres avenues doivent être explorées. « Dire qu’en enlevant la bêta-amyloïde on va guérir l’alzheimer, c’est très vendeur dans les médias, mais la réalité est plus complexe que ça. »
Le neurologue comprend l’enthousiasme de certains médecins, puisqu’il s’agit d’un dupremier médicament contre la maladie d’Alzheimer autorisé depuis près de 20 ans. Mais il estime que l’efficacité du lécanémab est insuffisante compte tenu de ses effets secondaires et de son coût.
Selon les données disponibles, environ 20 % des utilisateurs ont souffert d’œdèmes ou de microsaignements au cerveau. Cela oblige les personnes traitées à passer jusqu’à quatre IRM par an. « Ce sont de petits effets sans trop de symptômes, mais potentiellement sérieux. Il faut donc les surveiller », souligne le Dr Bocti.
Des traitements exigeants et coûteux
Par ailleurs, un groupe d’experts constatait récemment dans le Canadian Journal of Neurological Sciences que « le système de santé canadien n’est pas prêt pour l’arrivée de [ces nouveaux médicaments]. »
C’est que le traitement entraîne des coûts pour le système de santé. D’abord, le lécanémab est administré par voie intraveineuse, à raison d’une séance toutes les deux semaines pendant 18 mois. Ensuite, avant le traitement, Santé Canada demande de confirmer la présence d’éléments problématiques dans le cerveau du patient en réalisant une ponction lombaire ou une tomographie par émission de positons (PET scan en anglais). S’ajoutent les examens d’imagerie de surveillance pendant le traitement.
Maintenant que le médicament est autorisé par Santé Canada, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) aura à analyser si l’efficacité du lécanémab justifie son remboursement par la Régie de l’assurance maladie du Québec.
L’INESSS a publié un rapport selon lequel le médicament pourrait coûter 40 000 $ par patient pour 18 mois et entraîner des dépenses d’environ 83 millions $ sur trois ans pour le gouvernement. Aux États-Unis, où le lécanémab est autorisé depuis 2023, le traitement coûte 26 500 $ US (37 000 $ CA) par an.
Les autres médicaments disponibles
Les médecins disposent actuellement de quatre médicaments qui peuvent ralentir la progression du déclin cognitif, ou aider à combattre des symptômes comme les changements relatifs à la parole, à la réflexion et au mouvement. Ces traitements sont efficaces chez environ 10 % des personnes touchées.
L’alzheimer affecte au moins deux neurotransmetteurs impliqués dans la mémoire et l’apprentissage. Trois des médicaments – le donépézil, la rivastigmine et la galantamine – peuvent prévenir la dégradation du premier neurotransmetteur, l’acétylcholine. Ils aident à prévenir le déclin relatif à l’apprentissage et à la mémoire chez les personnes aux stades léger ou modéré de la maladie d’Alzheimer.
Le quatrième médicament, la mémantine, agit sur le second neurotransmetteur, le glutamate. Il entraîne une stabilisation ou une légère amélioration temporaire de la mémoire, de la concentration, du langage et du comportement (éveil, motivation, calme). Il peut être prescrit aux personnes aux stades modéré ou avancé de la maladie qui ne tolèrent pas les effets secondaires des autres traitements.
Les effets secondaires de ces médicaments peuvent inclure des nausées, des vomissements, de la diarrhée, une perte d’appétit et de poids, un ralentissement du rythme cardiaque, des vertiges, des maux de tête ou des perturbations du sommeil.
Des avenues pour prévenir la maladie
La recherche sur la prévention de la maladie se poursuit. L’alzheimer est très peu héréditaire, et les études épidémiologiques ont mis au jour 12 facteurs de risque contrôlables pour protéger le cerveau. En agissant sur tous ces facteurs, il serait possible d’éviter jusqu’à 40 % des cas d’alzheimer, résumait une synthèse publiée dans The Lancet en 2020.
Les 12 facteurs de risque contrôlables en matière de troubles neurocognitifs :
- pertes auditives
- faible niveau d’éducation (inférieur aux niveaux primaire ou secondaire)
- tabagisme
- dépression
- isolement social
- blessures à la tête
- hypertension
- sédentarité
- pollution de l’air
- consommation élevée d’alcool
- obésité
- diabète
Ainsi, faire de l’exercice, contrôler son diabète et son hypertension, prévenir les blessures à la tête ainsi qu’éviter de boire plus de 21 consommations d’alcool par semaine ou de fumer peut nettement réduire les risques de dommages neurologiques.
La qualité du sommeil et la nutrition suscitent aussi un fort intérêt en recherche, mais les liens ne sont pas encore assez clairement établis pour que des recommandations officielles puissent être faites à ce sujet.
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