Lorsque la famille Vadnais a entamé son périple à travers le Canada l’été dernier,elle a été freinée net dès le premier jour des vacances : une bernache est venue faire éclater le pare-brise de sa Subaru Outback. À l’atelier de réparation, les techniciens ont pu remplacer le pare-brise, mais faute d’une météo clémente, ils n’ont pu effectuer la calibration des capteurs, radars et caméras intelligentes.
Du coup, les systèmes d’aide à la conduite de la Subaru (les ADAS, dans le jargon automobile Advanced Driver Assistance System) ont perdu tous leurs repères. Le tableau de bord s’est illuminé d’alertes successives, indiquant la désactivation du régulateur de vitesse adaptatif, du freinage automatique d’urgence, de l’assistance au maintien de la trajectoire, de la détection de piétons.
« Au moins, leur VUS fait partie des modèles qui alertent le conducteur lorsque la suite de sécurité est compromise. D’autres modèles n’émettent aucun avertissement… », dit Joseph Young, porte-parole de l’organisation américaine Insurance Institute for Highway Safety (IIHS).
Des aides à la conduite qui sauvent des vies
Les ADAS sont des systèmes avancés d’aide à la conduite qui regroupent des technologies comme le régulateur de vitesse adaptatif, la surveillance des angles morts, l’assistance au maintien de la trajectoire, le freinage automatique d’urgence avec détection des piétons, l’alerte à la circulation transversale arrière.
Selon les marques, ils portent différentes désignations. En voici quelques-unes : Subaru EyeSight, Toyota Safety Sense, Honda Sensing, Nissan Safety Shield 360.
Selon l’IIHS, les ADAS sont parmi les plus importantes avancées en matière de sécurité routière — avec la ceinture de sécurité et les coussins gonflables. L’organisation financée par les compagnies d’assurance nord-américaines a, en effet, constaté que :
- Le freinage automatique d’urgence réduit de 56 % les collisions frontales avec blessés ;
- La détection des piétons diminue du tiers (30 %) les accidents qui font des victimes chez les piétons ;
- L’alerte de franchissement de ligne réduit de 21 % les accidents « face-à-face ».
Le calibrage dans un atelier du Québec coûte environ 250 $. « Le calibrage des systèmes d’aide à la conduite peut être de type statique ou de type dynamique, explique Steve Pepin, propriétaire du Docteur du Pare-Brise, à Blainville. Dans le premier cas, votre véhicule est stationnaire dans l’atelier, branché à un ordinateur. Un technicien lui présente des cibles que ses caméras doivent reconnaître et analyser. Dans le second calibrage, le technicien prend la route avec votre véhicule et lui fait faire “une boucle” de reconnaissance. » Notez que votre auto peut exiger les deux types de calibration — c’est le cas de certains modèles Honda/Acura.
Le calibrage du pare-brise obligatoire dans certains États américains…
Si les Vadnais avaient roulé sans leurs ADAS fonctionnels dans certains États américains, ils auraient été dans l’illégalité. C’est que, dans les juridictions de New York, du Maryland, de l’Illinois, de l’Utah ou de l’Arizona par exemple, une loi a été adoptée — ou est sur le point de l’être — obligeant le calibrage des ADAS à la suite d’une réparation.
Dans ces États, pareille obligation incombe autant aux assureurs qu’aux réparateurs. Les techniciens qui ne peuvent l’honorer doivent en informer les clients, par écrit ou par voie électronique. Le véhicule doit alors être amené à un (autre) atelier qui se chargera du calibrage.
Le non-respect de ces dispositions, mais aussi le fait de ne pas déclarer que les systèmes ADAS doivent encore être calibrés peuvent entraîner des pénalités et des poursuites pour pratiques trompeuses.
Au Québec, un recalibrage obligatoire après un accident
Au Canada, la conduite sécuritaire des véhicules est du ressort des provinces. Il revient donc à celles-ci de légiférer sur le sujet. Protégez-Vous a communiqué avec chacune des autorités provinciales responsables, et malheureusement, toutes ont confirmé n’avoir (encore) rien « sur leur radar » imposant le calibrage des ADAS.
Seules exceptions : la Saskatchewan et, depuis le 1er janvier 2025, le Québec, mais uniquement pour les véhicules gravement accidentés et reconstruits.
Ainsi, lorsqu’un véhicule a subi des dommages ou que les réparations effectuées ont affecté ses systèmes ADAS, le calibrage doit être fait — et une preuve sera exigée à l’expertise technique de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ). La SAAQ délivre d’ailleurs un certificat d’immatriculation temporaire de 12 heures pour les véhicules qui nécessitent un calibrage dynamique sur la route.
« Le dossier de reconstruction doit contenir […] le rapport de l’outil de diagnostic démontrant que les systèmes d’aide à la conduite du véhicule reconstruit ont été recalibrés [sic] avec succès. La facture de recalibrage [sic] accompagnant le rapport doit indiquer […] la nature des travaux réalisés […] et être signée par le technicien ayant effectué le recalibrage [sic] », souligne la nouvelle disposition au Règlement sur les normes de sécurité des véhicules routiers.
Mais ça ne suffit pas. Les véhicules équipés de systèmes ADAS sont de plus en plus nombreux sur nos routes. Selon le distributeur américain AutoBolt, sur dix véhicules d’années-modèles 2023 et plus, neuf véhicules (89 %) nécessiteront un calibrage dans le cas où leur pare-brise devrait être remplacé. C’est trois fois plus qu’il y a une décennie.
Le Québec ainsi que toutes les autres provinces canadiennes — doivent donc rapidement imposer le calibrage des ADAS, afin que ceux-ci continuent de remplir leur mission : seconder, voire assurer la sécurité routière.
Un ajustement systématique après une réclamation d’assurance
La bonne nouvelle, c’est que, si vous avez eu un accident au Québec avec un véhicule équipé d’ADAS et que vous avez fait appel à votre assureur pour le faire réparer, vous pouvez dormir… sur vos deux coussins gonflables. « Le calibrage des ADAS au Québec est sine qua non, soutient Mme Anne Morin, porte-parole du Groupement des assureurs automobiles (GAA). Si les dommages incluent le remplacement d’un pare-brise, [les normes] prévoient systématiquement le calibrage des caméras et des capteurs, si le véhicule en est équipé. »
D’ailleurs, pour éviter tout malentendu, demandez à obtenir le rapport technique de l’opération.
Prudence dans les petits ateliers ou les réparations sans réclamation
Cela dit, il se peut que vous ayez fait remplacer votre pare-brise sans faire de réclamation à votre compagnie d’assurance. Il se peut aussi que vous ayez fait affaire avec le petit atelier du coin qui n’avait ni les équipements nécessaires ni la main-d’œuvre spécialisée pour calibrer ces dispositifs. Et alors, peut-être que le réparateur vous a juré dur comme fer que « la calibration à 250 $, t’en as pas besoin… »
C’est comme dans toute chose : vous n’en avez pas besoin… jusqu’à ce que vous en ayez besoin ! Parole de journaliste qui teste des véhicules depuis un quart de siècle : même les systèmes de sécurité qui vous semblent les plus ennuyants ou superflus ont leur utilité !
Nous payons (cher) pour ces aides à la conduite, elles sauvent des vies… La moindre des choses est de nous assurer qu’elles sont fonctionnelles !
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