Un produit très inachevé, mais avec une vision claire
Threads est un nouveau réseau social qui s’inspire grandement de Twitter, où les utilisateurs écrivent de courts billets (des « threads », de 500 caractères au maximum), communiquent avec leurs amis ou avec des influenceurs, publient des photos et partagent des liens.
Si Threads ressemble à première vue à un produit léché, il suffit toutefois de quelques minutes d’utilisation pour se rendre compte qu’il manque encore beaucoup de fonctionnalités au logiciel.
Threads ne permet, par exemple, pas de cliquer sur des mots-clics, de rechercher des publications, d’afficher les threads (l’équivalent des tweets sur Twitter) en ordre chronologique ou même d’envoyer des messages privés à d’autres utilisateurs, ou de publier sur le réseau à partir d’un navigateur web. Et ce n’est là qu’une petite partie de tout ce qui manque à l’appel.
Cela dit, j’ai été agréablement surpris par la transparence du grand patron de Threads, Adam Mosseri ― aussi à la tête d’Instagram ―, qui n’a pas hésité à indiquer clairement que ces fonctionnalités manquantes allaient être lancées et à expliquer pourquoi certaines ne l’étaient pas encore.
Mosseri ne réinvente pas la roue, mais les réseaux sociaux sont souvent beaucoup plus opaques par rapport à leur feuille de route : Twitter, par exemple, avait entretenu un flou pendant des années sur l’arrivée éventuelle d’un bouton pour éditer les messages, avant que celui-ci soit finalement offert aux abonnés payants du service.
Aucune gêne pour les données personnelles
Meta, la compagnie mère de Facebook, a fait fortune en amassant les données personnelles de ses utilisateurs et en s’en servant pour les cibler avec des publicités, et Threads reprend ce modèle d’affaires (même si les publicités sont absentes de la plateforme pour l’instant).
L’application amasse, en effet, à peu près toutes les données auxquelles elle a accès sur un téléphone intelligent, incluant des données reliées aux historiques de recherche, à la santé de l’utilisateur et à son historique d’achats. La liste de tout ce qui est demandé est beaucoup plus longue qu’avec les autres applications du même genre, comme Twitter et Mastodon, selon une recension publiée par le magazine Wired.
Est-ce qu’il y a de quoi s’inquiéter ? Certainement. Les effets négatifs du capitalisme de surveillance, comme la perte d’autonomie des utilisateurs et l’érosion des démocraties, ne sont plus à démontrer. Est-ce que cela va empêcher les gens de s’abonner au service ? Probablement pas.
Un lien payant avec Instagram
Le succès de Threads a de quoi impressionner, avec plus de 100 millions d’utilisateurs inscrits en quelques jours seulement, ce qui en fait la nouvelle plateforme avec la plus grande croissance à ce jour. Si ça continue, le nouveau réseau social pourrait même dépasser Twitter, qui aurait environ 400 millions d’utilisateurs, selon les estimations.
- Threads, dont l’interface rappelle celle de Twitter, permet de suivre automatiquement ses contacts Instagram, mais affiche également les messages (beaucoup trop nombreux pour l’instant) de marques et d’influenceurs.
Si Threads est parvenu à croître aussi rapidement, c’est en partie à cause de son lien avec Instagram, qui facilite la création d’un nouveau profil et qui permet de facilement suivre nos contacts actuels et de se faire suivre, même après l’installation initiale (mon profil a suivi automatiquement 56 de mes contacts Instagram au cours des derniers jours, sans aucune intervention de ma part).
Quand on rejoint Threads, on a déjà des amis et on n’a pas l’impression d’être seul au monde, comme c’est généralement le cas avec les nouveaux réseaux sociaux. C’est un très gros avantage pour Meta, surtout par rapport aux autres réseaux sociaux qui essaient aussi de déloger Twitter, comme Bluesky, du cofondateur de Twitter Jack Dorsey, et le réseau décentralisé Mastodon.
Une utilité à démontrer
La lutte n’est pas gagnée pour autant pour Threads qui doit, entre autres, éviter les pièges dans lesquels Twitter est tombé, comme une polarisation extrême des discussions et une négativité de plus en plus présente sur la plateforme.
Threads a aussi un autre défi à relever : prouver son utilité. Pour l’instant, il est encore difficile de voir quelle place occupera le réseau social chez les utilisateurs, dont la plupart continuent d’utiliser Instagram, Twitter et Facebook. Personnellement, je la cherche encore. J’ai publié mes impressions sur des « nouilles instantanées », j’ai partagé des articles et j’ai discuté avec des amis, mais je ne suis pas tout à fait convaincu de savoir ce qui est à sa place ou non.
Adam Mosseri a mentionné son souhaite que Threads devienne un endroit de discussion pour les communautés où l’actualité et la politique n’occuperaient pas une place importante (pour que les amateurs de cinéma échangent sur les derniers films qu’ils ont vus, par exemple). On ignore pour l’instant comment Meta compte s’y prendre, mais l’entreprise pourrait diminuer la place des nouvelles et de la politique en modifiant l’algorithme qui décide ce qui s’affiche sur le fil des utilisateurs, par exemple.
Au Canada, Meta pourrait même aller plus loin, puisque l’entreprise a menacé de retirer toutes les actualités canadiennes de ses produits d’ici la fin de l’année, en réponse au projet de loi C-18 sur les nouvelles en ligne. Notons que Threads n’est pas inclus dans le projet de loi à l’heure actuelle, mais pourrait l’être éventuellement, selon ce qu’a affirmé aux médias le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez le 12 juillet.
Si on continue à publier ses photos sur Instagram, à se divertir sur TikTok, à s’informer sur Twitter et à garder contact avec ses proches sur Facebook, est-ce qu’investir du temps en plus sur Threads vaudra la peine pour les utilisateurs, une fois que l’excitation du début sera passée et que les discussions se seront essoufflées ? C’est bien parti pour Threads, mais, pour l’instant, c’est encore loin d’être sûr. Dans la (courte) histoire des réseaux sociaux, il y a eu beaucoup plus de modes passagères que de succès durables.
Image principale: Le nouveau réseau social Threads, de Meta Photo : Maxime Johnson
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