Joanie Metivier — Il y a bien des raisons de vouloir (ou de devoir) arrêter de boire de l’alcool. Toutefois, en tant qu’être social, l’humain cherche naturellement à se réunir et à trinquer. En réponse à une demande croissante, l’offre de vins, bières et cocktails sans alcool ne cesse d’augmenter. Cette offre est-elle pour autant intéressante ?
Il faut le dire : le vin sans alcool n’est en fait qu’un imposteur. Par définition, le vin est une boisson fermentée, donc alcoolisée, et préparée à partir de raisins. Ainsi, le terme à privilégier serait plutôt « vin désalcoolisé », surtout que, en moyenne, son degré d’alcool se situe entre 0,5 % et 1 %.
Pour arriver à un tel résultat, la méthode employée la plus répandue s’appelle l’osmose inversée. Ce procédé ingénieux filtre les composés aromatiques avant que l’alcool ne soit éliminé par distillation.
L’eau restante est ensuite ajoutée dans le concentré de vin. Malheureusement, le processus provoque aussi la volatilisation de la plupart des arômes agréables.
La question reste à savoir s’il y a du bon dans tout cela. Plusieurs grands acteurs de l’industrie vinicole se sont lancés dans la production de vins sans alcool, comme Torres avec sa gamme Natureo ou encore le géant Vinadeis et sa gamme Bonne Nouvelle.
Mais les résultats sont, à mon avis, décevants. Pour l’instant, ces bouteilles sont des solutions de rechange, certes, mais pas équivalentes aux produits originaux. Le problème réside dans le processus de désalcoolisation, qui affecte systématiquement le goût. C’est que l’alcool contribue à donner du corps et des arômes au vin. Sans lui, on se retrouve avec une boisson fade, à la texture plutôt aqueuse.
Pour régler ce problème, les producteurs ont normalement recours à des additifs, dont – en grande quantité – le sucre, qui rend les vins plus riches, mais aussi le gaz carbonique, l’acide ascorbique et l’acide citrique. Ces vins, sans trop d’attributs et d’informations sur leur composition ni leur provenance, peuvent rapidement écœurer. Enfin, si on parle d’accords, c’est le désastre, à moins qu’on les garde pour le dessert.
Les solutions qui s’offrent à vous
Si les vins sans alcool ne sont pas encore à la hauteur des attentes, de meilleures options s’offrent à vous. Avant même l’arrivée des vins sans alcool, il y avait les moûts de pomme. Un moût n’est pas désalcoolisé ; il s’agit du jus destiné à la fermentation – un jus de pomme pur à 100 % –, non fermenté et souvent gazéifié. Vous pouvez même trinquer avec vos enfants !
Même s’il se marie difficilement aux mets, le moût n’essaie pas de se faire passer pour ce qu’il n’est pas.
Il y a aussi toutes les options de bières sans alcool. Il est plus facile de se débarrasser de 4 ou 5 % d’alcool dans la bière que de 12 % en moyenne dans les vins. Les produits sont donc moins dénaturés par le processus de retrait d’alcool. Quelques bières, surtout les plus légères, réussissent assez bien à imiter les originales.
Et n’oubliez pas le plaisir des cocktails sans alcool, qui sont bien plus qu’un mélange de différents jus de fruits. L’entreprise britannique Seedlip, fondée en 2014, a révolutionné la scène des mocktails en créant le premier spiritueux sans alcool. Ses spiritueux complexes, aux profils aromatiques uniques, sont le fruit d’une distillation et d’un savant mélange d’ingrédients.
En retirant l’alcool de nos vies, nous pouvons parfois remarquer l’importance qu’il y occupait. Prendre un certain recul semble une très bonne idée. Personnellement, en tant que journaliste spécialisée en vin, je me tourne très souvent vers l’option de cracher. On garde le goût et la qualité, sans l’effet. Le meilleur des deux mondes !