Dans mon précédent billet, je vous ai parlé des nouvelles obligations à propos du fonds de prévoyance et du carnet d’entretien. Mais les soucis des syndicats de copropriété ne s’arrêtent pas là, car la réforme de l’assurance condo (loi 141) génère elle aussi un brin d’anxiété sur le terrain.
Fonds d’auto assurance
La réglementation prévoit différentes mesures, mais je vais me concentrer sur celles qui auront assurément un impact sur le portefeuille des copropriétaires. D’abord, le syndicat de copropriété doit désormais mettre de côté une somme représentant le montant le plus élevé parmi les franchises prévues au contrat d’assurance souscrit pour le bâtiment, à l’exception de celles pour un tremblement de terre ou une inondation. Heureusement, car ces dernières atteignent des sommets stratosphériques !
Me Yves Joli-Cœur, avocat pionnier en matière de droit de la copropriété et fondateur du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), précise que le syndicat dispose de deux ans pour garnir le fonds d’auto assurance à partir de l’entrée en vigueur de cet article de loi, soit à compter du 15 avril 2022.
Attention, il faudra aussi le regarnir chaque fois qu’il sera utilisé en cas de sinistre. Les modes de capitalisation sont assez complexes et ont été établis par règlement par le gouvernement. Vous trouverez tous les détails à ce sujet ici, et une version plus digeste ici. La contribution minimale des copropriétaires au fonds d’auto assurance sera établie chaque année lors de l’adoption du budget annuel. À l’instar du fonds de prévoyance, celui d’auto assurance devrait être déposé sur un compte bancaire distinct, pour éviter toute confusion.
Votre assureur va-t-il faire des vérifications ? Il pourrait en effet poser des questions à ce sujet ou exiger une preuve de l’existence du fonds. À défaut de l’avoir constitué, sachez que la responsabilité des membres du conseil d’administration pourrait être engagée, alors la diligence est de mise.
Autre changement majeur : les syndicats doivent faire réaliser une évaluation de la valeur de reconstruction de la copropriété tous les cinq ans par un évaluateur agréé, une mesure en vigueur depuis le 15 avril 2021. C’est cette valeur qui devra être considérée dans le contrat d’assurance. Attention, car si la couverture n’est pas suffisante, en cas de perte totale ou partielle, votre assureur pourrait ne pas rembourser les montants nécessaires pour remettre la propriété en l’état.
Description des parties privatives
Et ce n’est pas tout ! Petite subtilité et non la moindre : la description des parties privatives. Cet inventaire aurait déjà dû être effectué et consigné au registre de la copropriété. Il n’a pas été réalisé ? Advenant un sinistre, les améliorations apportées par les copropriétaires seront couvertes par l’assurance du syndicat. Celle-ci pourrait donc rembourser le nouveau comptoir de quartz installé par un copropriétaire alors que c’est plutôt l’assurance individuelle de ce dernier qui devrait le dédommager.
Adrien Vallat, conseiller principal recherche et analyse au RGCQ, concède que ce que devrait contenir cette description n’a pas été précisé clairement par le texte de loi et qu’un certain flou entoure le concept. Il conseille de partir du principe qu’une amélioration apporte de la valeur, et qu’il ne s’agit pas d’une simple réparation ou rénovation.
Avouons-le, même si cette réforme vise à faire en sorte que les sinistres soient convenablement pris en charge et que les copropriétaires n’aient pas à verser de cotisations surprises, il reste qu’elle constitue tout un casse-tête pour les syndicats de copropriété, en particulier pour les petites structures. Dans la mienne où nous ne sommes que trois, c’est déjà le branle-bas de combat.
Autre élément qui n’est pas fait pour nous rasséréner : Me Joli-Cœur est inquiet de la diminution du nombre de compagnies disposées à assurer des copropriétés. Au nombre de 11 il y a 10 ans, elles ne sont plus que six aujourd’hui. Et l’on sait très bien que lorsqu’il y a moins de concurrence, les conditions du marché commencent à devenir plus difficiles pour les consommateurs…
Pour en savoir plus, visitez le site condolegal.com ou lacopropriete.info.
Me Joli-Cœur est aussi l’auteur de deux ouvrages sur la copropriété : Le condo : tout ce qu’il faut savoir et L’assurance condo, tout ce qu’il faut savoir, publiés aux Éditions Wilson & Lafleur.
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