Si vous êtes comme moi, votre porte-monnaie a durement ressenti les effets de l’augmentation du coût du panier d’épicerie. Une hausse évaluée de 3 à 5 % en moyenne, selon les produits. Récemment, le prix de l’essence a aussi entrepris une remontée et ceux des matériaux de construction ont littéralement explosé. Quant à ce qu’il en coûte pour se loger, n’en parlons pas… Or, en février dernier (les dernières données disponibles), l’inflation atteignait un faible 1,1 % au pays, soit bien en dessous de la cible de 2 % que se fixe la Banque du Canada. Difficile de suivre la logique dans tout ça…
IPC et inflation
Pour bien saisir les phénomènes qui sont à l’œuvre, il faut d’abord comprendre comment se calcule l’inflation. Elle est mesurée en se basant sur l’indice des prix à la consommation (IPC), calculé chaque mois par Statistique Canada.
Dans les grandes lignes, cela consiste à comparer au fil du temps le coût de 600 à 650 biens et services les plus consommés par les ménages. Un «panier» qui contient notamment le transport, le logement, l’alimentation, les soins de santé, les vêtements, les loisirs, l’alcool et le tabac, etc.
De plus, Statistique Canada évalue régulièrement la proportion que représentent ces dépenses dans le budget des consommateurs, explique Nicolas Vincent, professeur agrégé au département d'économie appliquée de HEC Montréal. Par exemple, l’alimentation représente près de 16,5 % des dépenses globales, le transport environ 20 % et le logement plus de 27 %.
Une fois toutes ces données en main, l’organisme de statistique fédéral calcule le taux de croissance des prix des produits, leur applique la pondération correspondante, fait la moyenne et obtient ainsi, tadam!, le taux d’inflation.
Mais alors, pourquoi ce taux n’augmente-t-il pas au même rythme que les prix ? Il est vrai que la hausse des tarifs à la pompe a légèrement poussé l’inflation à la hausse en février dernier. Inversement, d’autres coûts sont en baisse et affichent un taux d’inflation négative, l’hôtellerie et les voyages en avion, mais aussi certains biens comme les vêtements par exemple. Puisqu’il s’agit d’une moyenne, les diminutions dans certaines catégories viennent réduire l’impact des augmentations dans d’autres.
Que nous réservent les prochains mois?
Quant à savoir si l’inflation va grimper au cours des prochains mois, les avis des experts sont partagés, selon leur vision de la rapidité ou de la lenteur de la reprise économique. Car nous vivons une période très particulière, avec des disparités marquées d’un secteur à l’autre, et il est ardu de prédire dans quelle direction le vent va tourner. Les prix peuvent aussi être fortement influencés par l’offre et la demande : par exemple, les matériaux de construction sont très recherchés alors que la production des scieries a ralenti, ce qui crée un phénomène de rareté qui gonfle les prix.
Nicolas Vincent remarque aussi qu’habituellement une récession est comme une vague de fond qui affecte tout le monde en même temps, comme cela s’était produit en 2008-2009 notamment. Mais ici on parle plutôt d’une crise atypique, avec une succession de «vaguelettes» aux répercussions variables.
Parallèlement, le revenu disponible a anormalement augmenté pour une période de récession, parce qu’il a été soutenu par les mesures d’aide gouvernementales. Enfin l’épargne des ménages a décuplé, passant d’un maigre 2 % au troisième trimestre de 2019 à près de 13 % un an plus tard. On a même pratiquement atteint 28 % au début de la pandémie au printemps 2020!
Aujourd’hui, on se demande comment ces milliards de dollars seront dépensés par les consommateurs quand la crise sanitaire sera derrière nous, mais aussi l’impact que cela pourrait avoir sur l’inflation. Résultat : à moins d’avoir une boule de cristal, bien malin qui peut dire de quoi l’avenir sera fait…