Au fil des nombreuses entrevues que j’ai réalisées avec des planificateurs financiers, j’ai pu constater que les femmes ont une approche différente en matière d’investissement. Simon Houle, planificateur financier indépendant et secrétaire-trésorier d’ÉducÉpargne, m’expliquait que si les hommes visaient la performance des placements, les femmes, elles, cherchaient plutôt à protéger le noyau familial. « Plusieurs sondages ont démontré qu’elles investissent en fonction de leurs objectifs personnels, par exemple la sécurité à long terme ou l’autonomie financière », a-t-il précisé. Ainsi, dans leurs décisions, les femmes tiendront compte de leurs avoirs, mais également d’autres éléments comme les études des enfants, le coût des soins de longue durée et le transfert de patrimoine à la prochaine génération.
Rendements plus élevés
Sachant que leur espérance de vie est également plus longue que celle des hommes, les femmes ont d’ailleurs tout intérêt à se préoccuper de leurs finances pour se mettre à l’abri du besoin durant leurs vieux jours. À ce chapitre, une chose joue en leur faveur : elles sont de meilleures investisseuses et leurs portefeuilles affichent des rendements plus élevés que ceux des investisseurs masculins, en moyenne de 0,4 % sur 10 ans, selon Fidelity Investments.
Un résultat qui se confirme aussi outre-Atlantique. En 2023, le courtier d’investissement allemand Trade Republic, qui compte des millions de clients à travers 17 pays européens, a révélé que les portefeuilles des investisseuses ont obtenu un rendement supérieur de 2 % en moyenne à ceux des hommes. Pourquoi ? Parce qu’elles se montrent plus prudentes et qu’elles ont une perspective à long terme au lieu de tenter de faire des coups d’argent en bourse. En outre, elles modifient rarement leur portefeuille, font preuve de rigueur, prennent moins de risques et de décisions impulsives. D’après une étude de Mackenzie, elles sont aussi peu enclines à investir dans des produits ou des occasions de spéculer qu’elles ne comprennent pas.
Autre atout : elles démontrent davantage de discipline en matière d’épargne et, malgré l’écart de salaire, elles mettent de côté une plus grande partie de leurs revenus que les hommes. Preuve en est qu’elles ont augmenté leur niveau de cotisation moyen à un REER de 43 % entre 2010 et 2017.
Ajoutons encore à cela qu’au Canada, elles contrôlent près de 2 000 milliards $ d’actifs financiers et gagnent 600 milliards $ de revenus annuels. D’ici 2028, elles seront à la tête de 45 % de la richesse financière canadienne, toujours selon l’étude Mackenzie.
Manque de confiance
Malgré tout, selon la planificatrice financière indépendante Sandy Lachapelle et auteure du livre Si c’était facile, nous serions tous riches, les femmes manquent encore de confiance en elles en matière d’investissements. « Bien souvent, elles se chargent d’orchestrer les finances du ménage au quotidien, mais c’est le conjoint qui voit à la gestion des investissements à long terme. Le fait qu’elles aient l’impression de manquer de littératie financière est un autre frein. » Or, lorsque la planificatrice discute avec ses clientes, elle remarque que celles-ci en savent bien davantage qu’elles ne le croient.
Sandy Lachapelle constate aussi que l’âge et l’expérience aidant, les femmes gagnent en assurance. « C’est pourquoi elles devraient commencer à investir jeunes, de façon à pouvoir développer cette confiance en elles plus tôt et à faire croître leur patrimoine plus longtemps », souligne-t-elle. Et ce, d’autant qu’elles obtiennent de très bons résultats lorsqu’elles investissent en bourse, même si leurs portefeuilles sont moins axés sur la croissance que ceux des hommes. « Parce que leurs placements sont plus équilibrés et diversifiés, cela peut être très payant à long terme », soutient Sandy Lachapelle.
La spécialiste recommande d’ailleurs aux femmes de se lancer, même si celles-ci estiment qu’elles ne sont pas expertes dans le domaine de l’investissement, car détenir quelques connaissances de base et faire appel à un professionnel suffisent. « Prenez l’habitude de vous payer en premier, c’est-à-dire prévoir des sommes dans votre budget pour épargner et investir. Les femmes ont tendance à privilégier les dépenses familiales, mais elles devraient aussi penser à investir pour elles-mêmes », ajoute-t-elle, précisant que, pour différentes raisons, elles sont également plus à risque de vieillir dans la pauvreté que les hommes.
À ce titre, le partage des dépenses dans le couple devrait être soigneusement réfléchi, car même la méthode du prorata n’est pas la panacée et désavantage le conjoint qui gagne le moins, la femme bien souvent. « Le plus grand défi demeure toutefois de réussir à dégager des sommes pour épargner », mentionne Sandy Lachapelle, qui rappelle l’importance d’établir un budget pour nous y aider.