En empêchant presque tout le monde de bouger depuis un mois, le Québec a sévèrement étouffé son économie. Mais les bouchons de circulation aussi ont disparu. La fin du confinement qu'on commence à évoquer pour le mois prochain se fera graduellement, et on sent déjà d'ici les gaz d'échappement de toutes ces automobiles qui vont aller se coincer à la première occasion, pare-chocs à pare-chocs, sur les autoroutes de la province.
En 2019, l'automobiliste canadien moyen a passé presque une semaine entière (6 jours et 19 heures) coincé dans des bouchons de circulation. Si rien n'est fait, on y perdra encore une semaine de nos vies l'an prochain. Puis l'année d'après. Et l'autre encore…
À moins que le retour à une vie économique normale n'entraîne pas le retour de l'heure de pointe? Qu'on puisse prévenir le smog urbain, et éviter tous ces décès de piétons et de cyclistes happés par des véhicules trop pressés d'arriver à destination?
Comme dirait Bob le bricoleur: oui, on peut!
Apprendre du passé
Car une mesure qui aurait été impensable il y a deux mois à peine pourrait faire l'affaire de bien des gens quand on parlera de déconfinement: limiter le nombre de véhicules pouvant se rendre au travail, pour éviter la formation de bouchons de circulation sur les ponts de Québec et Montréal, et autour des centres d'activité économique partout en province.
Par exemple, on pourrait faire alterner les automobilistes ayant droit de circuler sur certains axes routiers durant des moments choisis de la semaine. Le parc automobile pourrait être divisé en deux, trois ou quatre groupes, ayant accès aux centre-villes deux, trois ou quatre jours par semaine seulement.
Le reste de la semaine? Télétravail, transport en commun, covoiturage.
Évidemment, il serait possible de prendre le volant en tout temps, mais pour aller là où il n'y a pas risque de congestion.
La Chine a adopté une approche de ce genre avec succès depuis des années autour de Pékin, où l'air visiblement pollué s'en est trouvé amélioré sur-le-champ. Londres, Paris et d'autres grands centres ont mis en place des mesures similaires, avec ou sans l'implication du gouvernement national. Ça va du bannissement des véhicules sur certaines plages horaires à l'imposition d'un péage urbain au moment stratégique.
Le Québec peut s'inspirer de tout ça sans avoir à tomber dans le panneau du péage. Comment? En émettant divers types de vignettes, pourquoi pas, comme on le fait déjà pour le stationnement. Un premier type de vignettes serait autorisé certains jours, un autre type serait autorisé les autres jours, etc.
Tout ça peut être pondéré pour réduire de 20, 25, 30 % (ou même plus) la densité de circulation autour du Grand Montréal, par exemple (où la moitié de la population du Québec demeure), durant les heures où la plupart des gens doivent se rendre au travail.
Bon pour l'économie
Cette approche peut aussi avoir un effet positif dans un contexte de relance économique.
À l'aube de la fermeture quasi totale pour cause de réfection majeure du pont-tunnel Louis Hippolyte-La Fontaine et de l'inauguration du Réseau électrique métropolitain (REM), ça contribuerait à changer les habitudes de façon durable pour assurer le succès financier de ce nouveau mode de transport en commun. Sans oublier que la réfection des tunnels Ville-Marie et Viger, et de l'autoroute métropolitaine, compliqueront le transport automobile dans les prochaines années.
La même chose pourrait s'appliquer à Québec, où la réduction de la circulation pourrait éviter la coûteuse construction d'un troisième lien qui risque de prendre la forme d'un boulet financier pour un gouvernement qui devra se serrer la ceinture, dans les années à venir, pour rembourser tout ce qu'on dépense ces jours-ci en interventions d'urgence.
L'endettement public va avoir une influence considérable sur les décisions qui seront prises dans les années à venir. On peut difficilement imaginer que tous les projets prévus d'ici 2030 pour améliorer la mobilité et le transport verront réellement le jour.
Originalement, l'objectif de réduire la présence de la voiture dans les villes visait à assainir l'air ambiant. Dans les mois à venir, le défi pourrait être d'aider à assainir les finances publiques, en évitant ou en retardant de coûteux investissements dans des infrastructures superflues.
Il y a deux mois, l'électrification était perçue comme le seul salut du transport au Québec, face aux changements climatiques. Aujourd'hui, et bien malgré nous, d'autres options apparaissent à l'horizon. Des options sans doute cachées par une bonne dose de smog.