Ustensiles de cuisine, vaisselle pour bébés, moules à muffins et à gâteaux, les accessoires de cuisine en silicone sont populaires en raison de leurs propriétés antiadhésives, de leur durabilité et de leur côté réutilisable. Ce matériau est également beaucoup plus résistant à la chaleur que le plastique.

Le hic, c’est que des substances qui le composent – les siloxanes – sont considérées comme préoccupantes. En effet, certaines de ces molécules ont été associées à des tumeurs et à des troubles du foie, des poumons ou du système reproducteur dans des études réalisées chez les animaux. Pourtant, il n’existe ni loi ni règlement au Canada pour garantir l’innocuité du silicone en contact avec les aliments. Même chose en Europe.

Santé Canada estime que le silicone ne réagit pas avec les aliments et les boissons et qu’il ne produit pas de fumées toxiques. L’organisme fédéral précise que l’utilisation du silicone n’a été associée à aucun danger connu pour la santé. « Il y a cependant peu de données sur le silicone », souligne Lise Parent, professeure à la TÉLUQ et membre fondatrice du Réseau des femmes en environnement. Le Bureau européen des unions de consommateurs avance pour sa part que le silicone n’est pas aussi inerte qu’on le pense et qu’il pourrait libérer certains produits chimiques dans les aliments.

Les composés du silicone

Le silicone est constitué d’une chaîne de molécules semblables à des blocs de construction. Ces blocs portent le nom de siloxanes. Pendant le processus de fabrication, les siloxanes s’unissent les uns aux autres pour former une longue molécule de silicone. C’est ce qu’on appelle la polymérisation. Plus la molécule est longue, moins elle est volatile, c’est-à-dire qu’elle est moins susceptible de migrer vers les aliments.

Cependant, il peut arriver que des molécules individuelles de siloxane demeurent dans le produit après la fabrication. Si ces composés migrent dans les aliments en trop grande quantité, ils pourraient nuire à votre santé. Ce risque existe aussi dans le cas d’autres substances chimiques ajoutées au silicone comme des plastifiants ou des colorants.

Pour évaluer les risques potentiels associés aux accessoires de silicone, Verdict santé a testé avec d’autres membres de l’International Consumer Research & Testing (ICRT) 44 modèles de moules à muffins, à beignets ou à petits gâteaux dont 14 sont vendus au Canada, principalement en ligne. Les critères d’évaluation se basaient sur des normes européennes encadrant le plastique et sur des recommandations internationales. Les tests de migration des différentes molécules ont été effectués dans l’éthanol pour simuler des aliments gras et dans l’acide acétique pour imiter les aliments plus acides tels que les produits fermentés.

Résultat ? Plusieurs modèles laissent passer des contaminants chimiques vers les aliments gras, mais pas vers les aliments acides, dans des quantités insuffisantes pour mettre en danger votre santé.

La stabilité du silicone

Le silicone de votre moule réutilisable doit être assez stable pour tolérer de hautes températures à répétition. Les échantillons ont donc été soumis au même test de migration à trois reprises afin de reproduire des conditions d’utilisation réelles. La stabilité du produit était jugée insuffisante si la quantité de composés volatils détectée dans les aliments augmentait entre le premier et le troisième essai.

La majorité des modèles ont passé le test avec succès. Trois produits ont été jugés instables : les modèles d’Amazon Basics, de Tupperware et de Wish.

^{- De gauche à droite, on retrouve les modèles d’Amazon Basics, de Tupperware et de Wish.}

Libération de composés volatils

Selon les normes européennes établies pour le plastique, un matériau ne devrait pas libérer plus de 60 mg de composés volatils, quelle que soit la nature de ceux-ci, par kilogramme d’aliments. Deux modèles dépassaient cette limite : l’Amazon Basics et l’IonEgg, qui contenait plus du double de la quantité acceptable.

Pour ce qui est des composés volatils de siloxane en particulier, ils ont été détectés au-delà des limites de référence pour plusieurs modèles après la première et la troisième migration. Lors de la troisième migration, ces composés volatils étaient présents en trop grande quantité dans quatre des quatorze modèles vendus au Canada : Amazon Basics, AliExpress (moule de cuisson pour beignets), IonEgg et Tupperware.

Ces quatre produits sont jugés non conformes à la règlementation européenne.

Enfin, des additifs ont été détectés dans les modèles de Tupperware, de Lékué (moule à gaufres, 2 pièces, rouge) et de Wish. Les quantités étaient cependant largement en deçà des normes européennes et des standards internationaux.

^{- De gauche à droite, on retrouve les modèles de Tupperware, de Lékué (moule à gaufres, 2 pièces, rouge) et de Wish.}

Présence de substances préoccupantes

Selon certaines normes européennes, les accessoires et contenants de cuisine ne devraient pas contenir de composés chimiques présentant un risque pour la santé humaine. Parmi ceux-ci figurent les siloxanes D4, D5 et D6, la benzophénone, le salicylate d’octyle et le phtalate de dibutyle, qui sont classés comme étant des perturbateurs endocriniens, des cancérigènes, des mutagènes ou des substances toxiques pour la reproduction. Nous avons donc mesuré leur présence dans les moules de silicone testés.

Une ou plusieurs de ces molécules ont été détectées dans 9 des 14 produits vendus au Canada. Les niveaux étaient négligeables et ne constituaient pas une menace pour la santé. Aussi, aucun échantillon ne contenait de phtalates.

Certains tests ont aussi été effectués sur des échantillons pour vérifier la présence de bisphénol A (BPA), un perturbateur endocrinien interdit dans les biberons depuis 2008 qui est utilisé pour rendre le plastique dur, ou d’amines aromatiques, considérés comme cancérigènes. Aucune trace n’a été détectée.

Des choix sécuritaires ?

Parmi les moules vendus au Canada, seulement quatre ne comportent aucun risque de contamination chimique : ceux de HomEdge, d’Ikea et les deux produits Silikomart. Dans ces modèles, la libération de composés volatils était faible et diminuait entre le premier et le troisième test. En fait, aucun de dépassait 0,17 mg/kg à la première migration et 0,08 mg/kg à la troisième (la limite était fixée à 10 mg/kg pour obtenir la meilleure note). De plus, aucune substance préoccupante n’y a été détectée.

Par contre, le moule Tupperware vendu par Amazon figure au bas de notre classement en raison de son manque de stabilité, de la libération d’une trop grande quantité de composés volatils et de la présence de substances préoccupantes.

« Ces résultats résument bien la situation du silicone, remarque Anne Maltais, chercheuse à l’Institut de technologie des emballages et du génie alimentaire. Ces produits, comme ceux en plastique, ne sont pas inertes. Cependant, les composés libérés au cours de leur utilisation ne semblent pas être problématiques pour la santé humaine. »

Le prix : pas un gage de qualité

Le prix d’un moule en silicone n’est pas un gage de son innocuité. Par exemple, le modèle d’Ikea figure parmi les choix sécuritaires et ne coûte que 5 $, alors que le moule à muffins de Tupperware présente plusieurs problèmes de nocivité malgré son prix de 50 $.

Diminuer les risques

Selon le Bureau européen des unions de consommateurs, il est possible de réduire la présence de contaminants dans les accessoires en silicone en traitant le produit final à la chaleur. Toutefois, comme ce traitement est coûteux, certains fabricants n’y ont pas recours de façon constante. Cela expliquerait pourquoi l’innocuité des moules en silicone varie d’un modèle à l’autre.

Au quotidien, on peut diminuer notre exposition en n’utilisant pas les moules en silicone tous les jours, indique Lise Parent. Les moules à muffins en acier inoxydable peuvent alors constituer une option intéressante. En effet, ce matériau relâche très peu de substances chimiques dans les aliments et occasionne rarement des problèmes de santé selon les National Institutes of Health des États-Unis.

Cependant, il faut s’assurer que ces moules ne sont pas recouverts d’un enduit antiadhésif. Selon la Fondation David Suzuki, le silicone demeure en effet plus sécuritaire que les substances antiadhésives à base d’acide perfluorooctanoïque (APFO), un composé utilisé dans la fabrication du téflon.

Par ailleurs, les tests ont montré que la migration des produits chimiques a tendance à diminuer d’un essai à l’autre. Pour cette raison, les experts consultés par l’ICRT suggèrent de faire cuire un mélange de farine, d’huile et d’eau et de jeter la masse cuite avant la première véritable utilisation.

Attention à la température maximale

Selon Lise Parent, il importe de toujours respecter les conditions d’utilisation d’un produit comme le silicone, en particulier la température maximale suggérée, qui peut varier entre 220 °C et 260 °C (428 °F et 500 °F). Cela limite les risques que des substances toxiques soient relâchées dans l’air ou dans les aliments.

Selon nos tests, ces précautions se révèlent particulièrement importantes dans le cas d’aliments contenant une proportion élevée de matières grasses. Il est alors préférable de ne pas atteindre la température maximale recommandée par le fabricant.

De plus, les moules en silicone ne doivent pas être mis en contact direct avec une source de chaleur comme une flamme, une plaque chauffante, un gril ou une surface de vitrocéramique. Le produit pourrait alors fondre. On recommande aussi de déposer les moules dans un four préchauffé – et non dans un four froid–, à au moins 5 cm des parois et du dessus de l’appareil.

Conseils d’entretien

Les experts de l’ICRT suggèrent de ne pas employer de détergents trop puissants lorsque vient le temps de nettoyer le moule, car ils pourraient en endommager la surface. Évitez aussi les objets tranchants et pointus, qui risquent de causer des égratignures ou de couper le silicone.

Assurez-vous de suivre les indications fabricant en ce qui concerne autant l’utilisation que l’entretien de vos moules. Douze des quatorze produits testés offerts au Québec présentaient cette information, avec plus ou moins de détails. Huit modèles affichaient la température d’utilisation et certains avertissements directement sur le produit. Utile si on jette l’emballage. Aucune information, autant sur l’emballage que sur le produit, n’était indiquée pour les modèles AliExpress (moule de cuisson pour beignets) et IonEgg.