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Nanotechnologies: les nanos-idées sont partout!

Par Lise Bergeron
Nanotechnologies: les nanos-idées sont partout! Shutterstock

Les gouvernements et les entreprises investissent des milliards de dollars en recherche et développement dans les nanotechnologies. Selon certains observateurs, nous sommes au seuil d’une nouvelle révolution industrielle, rien de moins! Qui dit nano dit travailler à l’échelle atomique, assembler la matière de manière inédite, molécule par molécule.

Grâce au puissant microscope à effet tunnel, on peut désormais observer et réarranger les briques fondamentales de la matière afin de lui conférer de toutes nouvelles propriétés.

Tous les secteurs de l’activité humaine sont touchés par la vague nano: médecine, électronique, matériaux, cosmétiques, textiles, alimentation, etc. Selon le Project on Emerging Nanotechnologies, plus de 1 300 produits nanotechnologiques sont actuellement commercialisés dans le monde. Et la vague n’a rien d’une vaguelette, elle ressemble plutôt à un tsunami: le marché mondial a crû de 521 % depuis 2006 et on prévoit qu’il vaudra un trillion (un milliard de milliards) de dollars en 2015.

Les États-Unis sont les premiers producteurs de nanomatériaux, suivis par l’Europe et l’Asie (Chine et Japon). L’Institut Helmut Kaiser, en Allemagne, estime que pas moins de 400 entreprises seraient actives dans ce secteur à l’échelle mondiale. Au Canada, on en comptait environ 90 en 2009.

Contrôle de qualité

Dans l’industrie alimentaire, les nanoparticules servent principalement à la transformation et au contrôle de la qualité, expose Muriel Subirade, professeure titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les protéines, les biosystèmes et les aliments fonctionnels de l’Université Laval. Par exemple, on peut appliquer un nanofilm dans des moules à gâteau en verre pour les rendre an­tia­dhé­sifs, prolonger la vie des légumes, de la viande ou du fromage en les enduisant d’une nanopellicule (mangeable!), intégrer des nanoparticules d’argent à des planches à découper pour neutraliser les bactéries, incorporer au chocolat des nanoparticules de dioxyde de titane pour l’empêcher de blanchir, nanoencapsuler la vitamine C afin de lui frayer un chemin jusqu’au foie sans qu’elle soit dé­truite dans l’appareil digestif.

À l’Université Laval, le Pr Joseph Arul cherche à développer un sel nanométrique utilisable dans les collations salées (noix et croustilles, par exemple). L’idée: «Plus les cristaux de sel sont petits, plus leur goût est intense dans la bouche. On peut ainsi en réduire la quantité sans rien enlever au goût», explique le chercheur. Bref, les nano-idées foisonnent sur les planches à dessin et ouvrent des perspectives toutes nouvelles en alimentation.

 Produits d’épicerie. Pain aux nanocapsules d’huile de poisson (oméga-3), huile de canola aux nanophytostérols qui inhibent l’absorption du cholestérol, chocolat aux nanoparticules de dioxyde de titane qui en empêchent le blanchiment, les possibilités sont multiples et étonnantes.
 Fruits et légumes. Que diriez-vous d’un nanofilm mangeable destiné à remplacer, par exemple, la cire sur les pommes? La pellicule ultrafine prolongerait la vie des aliments en limitant les échanges gazeux entre eux et l’air ambiant.
 Viandes, volailles et œufs. Des nanoparticules incorporées à la nourriture des animaux, à la chaîne de transformation ou aux emballages peuvent signaler la présence de bactéries comme l’E. coli, le campylobacter ou la salmonelle, ou les neutraliser.
 Accessoires de cuisine. On peut mettre un nanofilm dans des moules à gâteau en verre pour les rendre antiadhésifs. Ajouter des nanoparticules d’argent à des planches à découper, des contenants à sandwich et des ustensiles de cuisine leur confère des propriétés antibactériennes.
 Suppléments. Les produits naturels sont au premier plan des nanoproduits: nanoargent, nano-or, nanocalcium et même boisson amaigrissante aux nanoparticules de cacao. En nanoencapsulant des vitamines et des minéraux, on en augmenterait la biodisponibilité dans l’organisme.
 Contenants. On a inventé des bouteilles de ketchup et de mayonnaise dans lesquelles le contenu glisse au lieu de coller. On veut aussi prolonger la durée de vie de la bière en l’embouteillant dans des contenants en nanoplastique qui empêche le dioxyde de carbone de s’échapper tout en faisant barrage à l’oxygène qui tente de s’infiltrer.

Les nanoparticules sont invisibles à nos yeux, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont inoffensives, bien au contraire! En effet, à l’échelle nanométrique, la matière adopte de nouvelles propriétés. C’est là toute la beauté, mais aussi tout l’aspect inquiétant des nano-ingrédients. Par exemple, l’or est inerte à notre échelle, mais il devient très réactif dans le nanomonde ; les nanoparticules d’or pourraient servir à cibler des cellules cancéreuses et à les neutraliser. Même chose avec l’argent, un métal qui fait peu de vagues à notre é­chelle, mais dont les propriétés antibactériennes s’expriment en mode atomique. Les nanoparticules d’argent servent déjà beaucoup dans les produits de consommation (vêtements, surfaces, pansements adhésifs, etc.).

L’idée d’encapsuler certaines molécules et d’en cibler l’action précisément dans l’organisme est porteuse de grands espoirs dans le traitement des maladies. Dans le domaine agroalimentaire, cependant, plusieurs groupes écologistes estiment qu’on devrait ralentir. Pourquoi? Parce que nous ne savons pas grand-chose des effets à long terme de ces techniques et de leurs impacts sur la santé et l’environnement. Surtout qu’aucun système de traçabilité n’existe à l’heure actuelle pour suivre l’évolution des choses. Avant de les disséminer à grande échelle, mieux vaut les examiner de près, disent-ils.

Surtout que l’utilité de certains produits laisse songeur: avons-nous réellement besoin de boissons qui ont un goût de citron ou de framboise selon le temps qu’elles passent au four à micro-ondes, ou de gomme à mâcher qui change de saveur au fur et à mesure qu’on la mastique? Comme le souligne l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les consommateurs n’accepteront les nanos que s’ils y voient un bénéfice réel pour la santé ou l’environnement. 

Un nanomètre (nm) équivaut à un milliardième de mètre. Le terrain de jeu des nanotechnologies se situe entre 1 et 100 nm.

  • Un atome mesure entre 0,1 et 0,2 nm.
  • Une molécule d’ADN mesure 2 nm.
  • Un globule rouge mesure 7 000 nm.
  • Un cheveu fait 80 000 nm de diamètre.
  • Un trait de stylo est large d’environ 500 000 nm.
     
     

Et si c'était dangereux?

Dans un document produit en 2008, le groupe écologiste Friends of the Earth (sections Australie, Europe et États-Unis) soulève plusieurs interrogations. Et si la plus grande assimilation des nanonutriments par l’organisme débalançait l’équilibre naturel de notre corps? Le dioxyde de titane (colorant blanc) et l’oxyde de zinc (agent de conservation), par exemple, sont couramment utilisés comme additifs alimentaires. Or, souligne l’association, «des chercheurs ont montré que des particules de quelques centaines de nanomètres qu’on trouve dans ces additifs peuvent jouer un rôle dans l’augmentation des maladies auto-immunes comme le syndrome du côlon irritable et la maladie de Crohn».

Dans un rapport publié en 2008, les experts du Conseil des académies canadiennes soulignent d’ailleurs que « les propriétés physiques et chimiques des nanomatériaux peuvent se traduire par des comportements imprévus dans des systèmes environnementaux et biologiques ».

C’est pourquoi plusieurs pays demandent à l’industrie alimentaire de déclarer la présence des nanoparticules dans ses produits. Mais secret industriel oblige, bien des entreprises sont réticentes à donner des détails sur leurs nanobébés. En Europe, le European Trade Union Institute presse la Commission européenne d’obliger les fabricants, dans tous les domaines d’activité, à déclarer la présence de nanoparticules. Après tout, comme le note la FAO, «les nanotechnologies promettent de révolutionner complètement la chaîne alimentaire».

Rien pour rassurer

Un éditorial paru en juin 2011 dans la revue Nature Nanotechnology­ soutenait que les nanoparticules ont tendance à réagir avec les cellules, à voyager dans notre organisme et à entrer dans certains organes, entraînant un risque plus élevé de réactions inflammatoires et immunologiques que leurs contreparties micro ou macrométriques. Un mois auparavant, des chercheurs révélaient que des nanoparticules de silice et de dioxyde de titane avaient endommagé le placenta et les fœtus de souris en gestation. Rien pour rassurer.
Muriel Subirade nuance: plusieurs nanomolécules font déjà partie de notre alimentation. Par exemple, «certaines protéines sont utilisées pour leurs propriétés fonctionnelles et nutritionnelles. Les risques pour la santé sont peu probables, puisque ces ingrédients sont déjà présents dans notre alimentation».

Comme plusieurs de ses collègues, elle juge cependant que les interrogations sont tout à fait justifiées dans le cas des nanomatériaux non alimentaires. «On ne connaît pas leur dégradation dans l’organisme et, en raison de leur petite taille, ils peuvent franchir les barrières physiologiques et se retrouver dans les fluides biologiques», note-t-elle.

Pour l’instant, comme il n’y a aucune loi spécifique sur les nanomatériaux au Canada, on se repose sur les cadres réglementaires usuels tant pour les aspects environnementaux (impacts sur les écosystèmes) que sanitaires. Santé Canada reconnaît toutefois que de nouvelles méthodes d’évaluation pourraient être nécessaires, car les nanomatériaux obéissent à des lois différentes. Le Conseil des académies canadiennes, lui, en est convaincu: il faut créer de nouvelles façons de mesurer l’exposition, la dose et les effets des nanoparticules, dit-il.

À l’heure actuelle, les fabricants peuvent déclarer la présence de nanomatériaux sur l’étiquette de leurs produits, mais la pratique est volontaire. Dans son rapport de 2008, Friends of the Earth fait remarquer que l’absence d’étiquetage bafoue le droit des consommateurs de choisir en toute connaissance de cause. L’organisme réclame d’ailleurs un moratoire sur la commercialisation des nanos tant qu’on n’en saura pas davantage sur leur toxicité.

Quoi qu’il en soit, les prochaines années risquent d’être fort instructives à ce chapitre, puisque la Commission européenne devrait, en 2012, rendre son rapport sur la toxicité des nanoparticules dans le cadre du règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH).

Les quelque 1 300 produits répertoriés par le Project on Emerging Nanotechnologies en mars 2011 se déclinent en huit catégories: le secteur de la santé et de la mise en forme arrive en tête avec plus de 700 produits (vêtements de sport antibactériens et suppléments vitaminiques, par exemple), suivent les catégories maison et jardin (nettoyants et peintures, entre autres) ainsi qu’automobile (filtre à air et cire, notamment). Le secteur des aliments et des boissons suit de près avec 105 produits, talonné par la catégorie multiapplications (scellants et enduits antibuée, par exemple), les composants électroniques (puces d’ordinateurs, notamment), les électroménagers (sécheuse et frigo avec parois antibactériennes, par exemple) et les articles pour enfants (jouets et literie, entre autres).

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  • Par Gaëtan Cadieux
    27 janvier 2012

    Je me permets d'émettre de très grandes inquiétudes surtout lorsque vous indiquez qu'une chercheure dans le domaine de santé-Canada se permet d'affirmer qu'étant donné que l'on en consomme déjà il n'y a pas lieu de s'inquiéter... Je pense que l'on devrait davantage s'attarder aux effets cumulatifs et ce pour chacun des produite et regroupement de produits.

     4
  • Par Jean-François Caron
    27 janvier 2012

    L'opinion de Santé Canada ça reste pas mal n'importe quoi surtout depuis 15 ans il n'arrête pas de se faire subventionner par le secteur privé a défaut d'avoir des recherches objectives il donne des opinions contradictoires par rapport a beaucoup de recherches importante

     2
  • Par Sofie Lachapelle
    27 janvier 2012

    je suis malheureuse de voir à quels point tout évolue rapidement et souvent trop à notre insu, cela fait combien de temps que je mange sans savoir se qui va m'arriver dans quelque année avec ma santé, et vous dites qu'ils ne faut pas s'inquiéter !!! Tout cela un jours nous le payerons très chers de notre petite santé et vie... Nano est notre système immunitaire aussi, mais de grand changement sens font ressentir, vous avez qu'aller dans les hôpital, moi j'y travaille .....