Cancer du sein: la mammographie dès 40 ans?

Le cancer du sein est le plus r&eacute;pandu et la deuxi&egrave;me cause de mortalit&eacute; par cancer chez les femmes au Canada. En 2024, on estime que 7 600 Qu&eacute;b&eacute;coises recevront un diagnostic de cancer du sein et que 1 400 en mourront. Ce cancer touche aussi les hommes, mais plus rarement : ils repr&eacute;sentent seulement 1 % des nouveaux cas.&Agrave; ce jour, la mammographie, qui permet de d&eacute;tecter la pr&eacute;sence d&rsquo;un cancer du sein en l&rsquo;absence de sympt&ocirc;mes, est la seule m&eacute;thode de d&eacute;pistage qui a fait ses preuves pour r&eacute;duire les d&eacute;c&egrave;s li&eacute;s &agrave; cette maladie. Cependant, il n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire d&rsquo;effectuer un d&eacute;pistage syst&eacute;matique chez les femmes de 40 &agrave; 49 ans selon le Groupe d&rsquo;&eacute;tude canadien sur les soins de sant&eacute; pr&eacute;ventifs (GECSSP), et ce, m&ecirc;me si les cas de cancer du sein ont augment&eacute; de 0,77 % par ann&eacute;e chez les Canadiennes de ce groupe d&rsquo;&acirc;ge depuis 2015. C&rsquo;est la recommandation qu&rsquo;a publi&eacute;e ce groupe d&rsquo;experts ind&eacute;pendants en mai dernier dans sa ligne directrice au sujet du cancer du sein. Cette recommandation concerne uniquement les femmes qui ne pr&eacute;sentent pas de facteurs de risque sup&eacute;rieurs &agrave; la moyenne, comme une mutation du g&egrave;ne BRCA ou la pr&eacute;sence d&rsquo;un cancer du sein chez un membre de la famille avant 50 ans.Des recommandations qui &eacute;tonnentCette d&eacute;cision en a surpris plusieurs, car elle va &agrave; l&rsquo;encontre de celle du Groupe de travail sur les services pr&eacute;ventifs des &Eacute;tats-Unis, qui recommande &agrave; toutes les Am&eacute;ricaines de passer un d&eacute;pistage tous les deux ans &agrave; partir de 40 ans de mani&egrave;re &agrave; sauver plus de vies chez les personnes atteintes de cancer du sein.La recommandation a aussi d&eacute;&ccedil;u la Soci&eacute;t&eacute; canadienne du cancer, qui plaide pour un acc&egrave;s &agrave; la mammographie &agrave; partir de 40 ans afin de d&eacute;tecter le cancer du sein de fa&ccedil;on pr&eacute;coce lorsque les chances de r&eacute;ussite de traitement sont meilleures.Or, apr&egrave;s avoir &eacute;pluch&eacute; plus de 200 &eacute;tudes (essais contr&ocirc;l&eacute;s randomis&eacute;s, &eacute;tudes observationnelles, mod&eacute;lisation, donn&eacute;es statistiques), le GECSSP a conclu que les b&eacute;n&eacute;fices potentiels de la mammographie sont moins grands pour les femmes dans la quarantaine que chez celles de 50 ans et plus, et que les pr&eacute;judices li&eacute;s &agrave; ce test sont plus importants. &laquo; Notre analyse des &eacute;tudes sur les valeurs et les pr&eacute;f&eacute;rences des femmes a aussi d&eacute;montr&eacute; que lorsqu&rsquo;elles sont inform&eacute;es des avantages et des pr&eacute;judices de la mammographie, celles dans la quarantaine pensent en majorit&eacute; que ce n&rsquo;est pas pour elles, alors que celles dans la cinquantaine pr&eacute;f&egrave;rent se faire d&eacute;pister &raquo;, explique la Dre Guyl&egrave;ne Th&eacute;riault, pr&eacute;sidente du groupe d&rsquo;&eacute;tude canadien.Le pour et le contre de la mammographie &agrave; 40 ans&laquo; Parmi les avantages de la mammographie &agrave; partir de 40 ans, il y a la diminution de la mortalit&eacute; &raquo;, mentionne la Dre Th&eacute;riault. Cette baisse est toutefois modeste. En comparant sur 10 ann&eacute;es 1 000 femmes &acirc;g&eacute;es de 40 &agrave; 49 ans qui passent une mammographie tous les deux ans avec 1 000 femmes du m&ecirc;me &acirc;ge qui ne se font pas d&eacute;pister, le GECSSP note qu&rsquo;au maximum, un d&eacute;c&egrave;s par cancer du sein sera &eacute;vit&eacute;. En effet, une ou deux femmes mourront d&rsquo;un cancer du sein dans le groupe d&eacute;pist&eacute; et deux en d&eacute;c&egrave;deront dans celui qui ne passe pas de mammographie.Les autres avantages ont &eacute;t&eacute; difficiles &agrave; prouver. &laquo; On entend souvent dire qu&rsquo;avec un d&eacute;pistage &agrave; partir de 40 ans, il y aura moins de chirurgie, moins de radioth&eacute;rapie, moins de chimioth&eacute;rapie, mais on n&rsquo;a &agrave; peu pr&egrave;s rien trouv&eacute; l&agrave;-dessus dans les &eacute;tudes existantes &raquo;, pr&eacute;cise la Dre Th&eacute;riault. En se basant sur une mod&eacute;lisation statistique des donn&eacute;es, le groupe a conclu qu&rsquo;au mieux, deux traitements de chimioth&eacute;rapie seront &eacute;vit&eacute;s gr&acirc;ce au d&eacute;pistage sur un groupe de 1 000 femmes si elles le commencent &agrave; 40 ans au lieu de 50 ans (avec un suivi tous les deux ans jusqu&rsquo;&agrave; 74 ans). En contrepartie, les femmes qui amorcent le d&eacute;pistage &agrave; 40 ans passent plus de tests suppl&eacute;mentaires que celles dans la cinquantaine pour se faire confirmer qu&rsquo;elles n&rsquo;ont pas le cancer du sein. Les donn&eacute;es mod&eacute;lis&eacute;es indiquent que pour 1 000 femmes d&eacute;pist&eacute;es &agrave; partir de 40 ans tous les deux ans jusqu&rsquo;&agrave; 74 ans, 840 tests additionnels (dont 75 biopsies) seront n&eacute;cessaires pour v&eacute;rifier qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de cancer. On en compte 666 (dont 59 biopsies) pour 1 000 femmes qui commencent le d&eacute;pistage &agrave; 50 ans. &laquo; Tout le monde est content &agrave; la fin parce qu&rsquo;on ne trouve pas de cancer, mais certaines patientes restent marqu&eacute;es par ces tests suppl&eacute;mentaires, souligne la Dre Th&eacute;riault. Des &eacute;tudes montrent que les femmes qui ont eu des r&eacute;sultats faux positifs veulent moins retourner se faire d&eacute;pister apr&egrave;s. &raquo; Le surdiagnostic, c&rsquo;est-&agrave;-dire le fait de diagnostiquer et de traiter un cancer qui ne se serait jamais manifest&eacute;, constitue un autre risque du d&eacute;pistage. Sur 1 000 femmes de 40 &agrave; 49 ans qui subissent un d&eacute;pistage tous les deux ans pendant 10 ann&eacute;es, deux seront trait&eacute;es pour un cancer du sein qui n&rsquo;aurait pas caus&eacute; de probl&egrave;me si on ne l&rsquo;avait pas trouv&eacute;. Le d&eacute;pistage : pas b&eacute;n&eacute;fique pour toutesLa pr&eacute;sidente du GECSSP reconnait que l&rsquo;incidence du cancer du sein augmente chez les quadrag&eacute;naires. Mais pour elle, le d&eacute;pistage ne r&egrave;gle pas tout : il faut &eacute;galement chercher les causes de cette hausse. La m&eacute;decin fait aussi valoir que d&eacute;pister ne sera pas b&eacute;n&eacute;fique pour toutes. &laquo; Ce n&rsquo;est pas parce qu&rsquo;on trouve les cancers du sein plus t&ocirc;t qu&rsquo;on peut changer l&rsquo;issue clinique, explique la Dre Th&eacute;riault. Le d&eacute;pistage peut d&eacute;tecter un cancer et faire en sorte que vous n&rsquo;en mourrez pas, mais on peut aussi trouver votre cancer plus t&ocirc;t, et comme c&rsquo;est un cancer fulgurant, vous allez mourir quand m&ecirc;me. Enfin, la mammographie peut d&eacute;pister un cancer qui ne se serait jamais d&eacute;velopp&eacute; et vous amener en traitement. Les trois cas sont possibles ! &raquo; Les personnes atteintes d&rsquo;un cancer avanc&eacute; pensent &eacute;galement que si elles avaient &eacute;t&eacute; d&eacute;pist&eacute;es plus t&ocirc;t, elles n&rsquo;en seraient pas rendues l&agrave;. &laquo; Mais ce n&rsquo;est pas toujours le cas, dit la Dre Th&eacute;riault. Sur 1 000 femmes d&eacute;pist&eacute;es, on compte un cas de moins de cancer de stade 3 quand on commence &agrave; 40 ans plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; 50 ans. &raquo; Autrement dit, m&ecirc;me quand le d&eacute;pistage s&rsquo;amorce &agrave; 40 ans, des femmes peuvent recevoir des diagnostics de cancer avanc&eacute;. Pour la m&eacute;decin de famille, l&rsquo;important, c&rsquo;est que les femmes soient bien inform&eacute;es, peu importe leur &acirc;ge. &laquo; Apr&egrave;s, c&rsquo;est &agrave; elles de prendre la d&eacute;cision de se faire d&eacute;pister ou pas. C&rsquo;est un choix personnel. &raquo;Mammographie sur demande &agrave; 40 ansC&rsquo;est pourquoi le groupe d&rsquo;experts canadiens soutient que les femmes de 40 &agrave; 49 ans qui souhaitent &ecirc;tre d&eacute;pist&eacute;es apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; inform&eacute;es des avantages et des pr&eacute;judices possibles devraient pouvoir obtenir une mammographie tous les deux ou trois ans. Ce qui se r&eacute;v&egrave;le plus facile &agrave; dire qu&rsquo;&agrave; faire au Qu&eacute;bec, car actuellement, seules les femmes de 50 &agrave; 74 ans re&ccedil;oivent automatiquement une lettre leur permettant de passer une mammographie tous les deux ans dans le cadre du Programme qu&eacute;b&eacute;cois de d&eacute;pistage du cancer du sein (PQDCS).Les quadrag&eacute;naires qui veulent subir une mammographie doivent obtenir une ordonnance de leur m&eacute;decin ou passer par le Guichet d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la premi&egrave;re ligne si elles n&rsquo;en ont pas. Mais les choses pourraient changer, car le gouvernement a mandat&eacute; l&rsquo;Institut national d&rsquo;excellence en sant&eacute; et en services sociaux (INESSS) pour &eacute;valuer la pertinence d&rsquo;int&eacute;grer les femmes de 40 &agrave; 49 ans au programme. Qu&eacute;bec attend l&rsquo;avis de l&rsquo;INESSS pour prendre position. Le gouvernement ontarien, lui, a d&eacute;cid&eacute; d'aller de l'avant en octobre 2024 en &eacute;largissant son programme de d&eacute;pistage pour offrir des examens aux personnes &acirc;g&eacute;es de 40 &agrave; 49 ans.Repenser le d&eacute;pistage en fonction des risquesLa Fondation cancer du sein du Qu&eacute;bec ne serait pas contre une ouverture du PQDCS aux femmes dans la quarantaine. C&eacute;dric Baudinet, directeur investissements et promotion de la sant&eacute; de la fondation, soutient toutefois qu&rsquo;un d&eacute;pistage bas&eacute; simplement sur l&rsquo;&acirc;ge est limitatif. &laquo; Le cancer du sein est multifactoriel, et on estime qu&rsquo;il faudrait plut&ocirc;t repenser le d&eacute;pistage en se basant sur la notion du risque. &raquo;La Fondation fait d&rsquo;ailleurs partie des organismes qui financent le projet PERSPECTIVE, une &eacute;tude canadienne en cours sur une strat&eacute;gie de d&eacute;pistage par mammographie bas&eacute;e sur le risque de chaque femme. &laquo; Notre projet tient compte de plusieurs facteurs, comme l&rsquo;&acirc;ge &agrave; la premi&egrave;re grossesse, les habitudes de vie, la densit&eacute; mammaire et les ant&eacute;c&eacute;dents familiaux &raquo;, pr&eacute;cise la Dre Jocelyne Chiquette, chercheuse en oncologie au Centre de recherche du CHU de Qu&eacute;bec &ndash; Universit&eacute; Laval, qui participe &agrave; la recherche. Les variations g&eacute;n&eacute;tiques susceptibles d&rsquo;influencer les risques de cancer du sein sont aussi &eacute;valu&eacute;es dans cette &eacute;tude gr&acirc;ce &agrave; un test de salive &eacute;labor&eacute; par les chercheurs.L&rsquo;id&eacute;e est de calculer le risque individuel de chaque femme gr&acirc;ce &agrave; des questionnaires et &agrave; une analyse g&eacute;n&eacute;tique pour lui proposer un plan de d&eacute;pistage adapt&eacute; &agrave; ses r&eacute;sultats. Ainsi, &laquo; si le calcul d&eacute;montre qu&rsquo;une femme de 50 ans a 30 % de risque de d&eacute;velopper un cancer du sein, il pourrait lui &ecirc;tre recommand&eacute; de passer une mammographie chaque ann&eacute;e plut&ocirc;t que tous les deux ans &raquo;, illustre la Dre Chiquette.Une femme de 35 ans pr&eacute;sentant un risque &eacute;lev&eacute; pourrait aussi se faire proposer un d&eacute;pistage annuel, alors qu&rsquo;une femme de 50 ans dont le risque est inf&eacute;rieur &agrave; celui de la population g&eacute;n&eacute;rale pourrait b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;une mammographie tous les trois ans. &laquo; Cette fa&ccedil;on de faire permettrait une utilisation plus judicieuse des ressources pour offrir les services &agrave; celles qui en ont besoin &raquo;, dit la chercheuse et cofondatrice du Centre des maladies du sein, &agrave; Qu&eacute;bec. La Dre Th&eacute;riault et son groupe d&rsquo;experts s&rsquo;int&eacute;ressent &eacute;galement au d&eacute;pistage bas&eacute; sur le risque. Ils attendent les r&eacute;sultats de deux autres grandes &eacute;tudes sur le sujet : WISDOM, aux &Eacute;tats-Unis, et MyPeBS, en France. &laquo; D&eacute;pister en fonction du risque serait probablement mieux &raquo;, estime-t-elle. Les nouvelles preuves scientifiques pourraient changer leurs prochaines recommandations.Quoi faire et quoi surveiller ?La Dre Jocelyne Chiquette conseille aux femmes qui souhaitent connaitre leur risque de cancer du sein d&rsquo;aller sur le site du PQDCS de la capitale nationale pour utiliser l&rsquo;outil de calcul ontarien MyCancerIQ, accessible gr&acirc;ce &agrave; une entente conclue avec Sant&eacute; Ontario. Ce questionnaire, test&eacute; par Verdict sant&eacute;, se remplit en 5 &agrave; 10 minutes. Il permet d&rsquo;obtenir un rapport sur votre niveau de risque (inf&eacute;rieur &agrave; la moyenne, moyen ou &eacute;lev&eacute;). On y d&eacute;taille aussi les facteurs qui font augmenter votre risque de cancer du sein (par exemple, avoir allait&eacute; pendant moins d&rsquo;un an, boire un verre d&rsquo;alcool par jour, avoir des ant&eacute;c&eacute;dents de cancer dans la famille) et ceux qui le maintiennent &agrave; un faible niveau (tels que faire de l&rsquo;exercice, avoir donn&eacute; naissance &agrave; un enfant avant 35 ans, ne pas prendre d&rsquo;hormones). Les recommandations de d&eacute;pistage propos&eacute;es &agrave; la fin du test sont ontariennes. &laquo; Mais rien n&rsquo;emp&ecirc;che une femme au Qu&eacute;bec d&rsquo;apporter ce rapport &agrave; son m&eacute;decin pour demander une mammographie parce qu&rsquo;elle pr&eacute;sente un risque plus &eacute;lev&eacute; que la population en g&eacute;n&eacute;ral &raquo;, indique la Dre Chiquette. Que l&rsquo;on ait pass&eacute; une mammographie ou pas, les experts interrog&eacute;s rappellent qu&rsquo;&agrave; tout &acirc;ge, il faut veiller &agrave; connaitre ses seins, en les observant et les palpant r&eacute;guli&egrave;rement. Tout changement, comme une bosse, une d&eacute;formation, une r&eacute;tractation du mamelon, un &eacute;coulement, une modification de l&rsquo;aspect de la peau ou un sein chaud rouge et douloureux, m&eacute;rite une visite chez le m&eacute;decin. &laquo; Dans la majorit&eacute; des cas, ce n&rsquo;est pas le cancer, rassure C&eacute;dric Baudinet, mais on ne prend pas de risque. &raquo; Il rappelle aussi que les bonnes habitudes de vie, comme faire de l&rsquo;activit&eacute; physique et limiter sa consommation d&rsquo;alcool, aident &agrave; pr&eacute;venir le cancer. Hausse des cas de cancer du sein dans la quarantaineLes femmes de 50 ans et plus restent les plus touch&eacute;es par le cancer du sein, mais selon une &eacute;tude publi&eacute;e en avril dernier dans le Canadian Association of Radiologists Journal, la pr&eacute;valence de cette maladie est en croissance au pays chez les plus jeunes. L&rsquo;&eacute;tude, qui compare les donn&eacute;es de deux intervalles de cinq ann&eacute;es &ndash; soit 1984-1988 avec 2015-2019 &ndash;, montre que les diagnostics de cancer ont augment&eacute; de 9,1 % chez les femmes dans la quarantaine. En nombre absolu, cela repr&eacute;sente une hausse de 12 cas de plus sur 100 000 quadrag&eacute;naires entre les deux p&eacute;riodes. RessourcesProgramme qu&eacute;b&eacute;cois de d&eacute;pistage du cancer du sein&Eacute;tude PERSPECTIVEFondation cancer du sein du Qu&eacute;bec

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