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Frénotomie : couper le frein de la langue est-il dangereux?

Par Marie-Ève Martel
Frénotomie : couper le frein de la langue est-il dangereux? Pepermpron/Shutterstock.com

Le décès d’un nourrisson à la suite d’une frénotomie chez le dentiste inquiète les parents qui doivent songer à une telle intervention chirurgicale pour leur enfant. Est-ce réellement dangereux ?

La frénotomie est l’intervention chirurgicale consistant à couper le frein de la langue d’un nourrisson. Le frein est la membrane liant la langue au plancher de la bouche.

On pratique cette intervention lorsque le frein est trop court, une affection appelée ankyloglossie. Celle-ci pourrait compliquer l’allaitement chez certains enfants ou rendre le processus plus douloureux pour les mères, explique le Dr Sam Daniel, chef de la chirurgie à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

« En fait, quand le frein est plus court, ça peut occasionner moins de mobilité de la langue, indique-t-il. Dans les cas plus graves, ça peut créer de la difficulté sur le plan de la succion du mamelon. »

La plupart des nourrissons chez qui on diagnostique l’ankyloglossie sont asymptomatiques, souligne la Société canadienne de pédiatrie (SCP), selon laquelle de 4,2 à 10,7 % des nouveau-nés seraient atteints de cette affection.

Le Dr Daniel indique que des adolescents ou des adultes ayant un frein lingual trop court peuvent aussi subir l’intervention s’ils sont incommodés. « On peut consulter pour des raisons esthétiques – parce que la langue ne peut pas sortir très loin hors de la bouche, explique-t-il. Mais souvent, c’est parce que des aliments s’accumulent sous la langue et que cela crée de la mauvaise haleine. »

Petite intervention

Concrètement, la frénotomie ne prend que quelques secondes et est pratiquée en présence des parents. Elle doit être recommandée par « un professionnel de la santé qui possède des compétences en allaitement » et réalisée par un « clinicien habitué à l’exécuter », rappelle la SCP.

« Ça fait des années que c’est fait dans des bureaux par des pédiatres, des médecins de famille, des dentistes ou des otorhinolaryngologistes », souligne le Dr Daniel. La coupure peut être effectuée avec « de simples ciseaux, un laser ou un scalpel, ajoute-t-il. Ce n’est pas quelque chose de difficile d’un point de vue technique. »

La Clinique d’allaitement Goldfarb, affiliée à l’Hôpital général juif, recommande de pratiquer le peau à peau avant et immédiatement après l’intervention pour réconforter l’enfant. On suggère aussi de donner le sein au nourrisson tout de suite après l’incision, « car l’allaitement et le lait maternel aident à diminuer le saignement, favorisent la guérison et apaisent le bébé ».

Des exercices sont ensuite prescrits pendant quelques jours pour limiter le risque que le frein se rattache au fond de la bouche.

Un traitement sûr, mais pas sans risques

Le décès d’un nourrisson, rapporté par le quotidien La Presse, a provoqué de l’inquiétude chez des parents qui songent à recourir à une telle intervention pour leur enfant.

« Les recherches démontrent qu’une frénotomie (coupure du frein) est un traitement sûr et efficace », indique la clinique d’allaitement Goldfarb. Mais en plus de ne pas résoudre tous les problèmes liés à l’allaitement, l’intervention n’est pas sans risques, prévient-on. Parmi les complications probables figurent « un saignement au site de la coupure, de l’infection, une blessure aux glandes salivaires et/ou un rattachement des tissus ».

Le Dr Daniel mentionne cependant que les complications sont très rares, la plus observée étant une ressoudure du frein, qui nécessite une nouvelle intervention.

Frénotomie : une intervention trop pratiquée ?

La pertinence de la frénotomie est remise en question en France. En 2022, l’Académie nationale de médecine a publié un communiqué faisant état d’une « augmentation spectaculaire » de l’intervention au pays et ailleurs dans le monde. Du même souffle, l’organisation appelait à la vigilance et manifestait « les plus grandes réserves quant à l’intérêt et [à] l’innocuité de ce geste [effractif] à risque d’effets secondaires ».

L’Académie faisait valoir que la documentation scientifique récente n’avait pas établi de définition consensuelle de ce qui constituait une ankyloglossie et qu’il manquait de preuves quant à la nécessité d’effectuer une frénotomie.

Chez nous, la Société canadienne de pédiatrie indique que « d’après les données probantes, on ne peut pas recommander la frénotomie chez tous les nourrissons ayant une ankyloglossie ».

Le Dr Daniel confirme que la pratique de la frénotomie est « beaucoup plus fréquente » depuis une dizaine d’années, « surtout aux États-Unis, au Canada et en Angleterre ».

Le chirurgien tient toutefois à mettre les parents en garde. « Avant de choisir cette intervention-là, il vaut mieux exclure toutes les autres causes qui pourraient expliquer une difficulté d’allaitement, dont l’obstruction nasale du nourrisson, un manque de tonus, une mauvaise posture… énumère-t-il. On ne voudrait pas que l’intervention soit faite pour rien et qu’il n’y ait pas d’amélioration par la suite. »

Étant donné que les audiences de la dentiste en cause dans cette affaire ont lieu cette semaine à Montréal, l’Ordre des dentistes du Québec a décliné notre demande d’entrevue.

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