Acheter pour mieux paraître, et non pour avancer, c’est à la mode. Les concepteurs du jeu vidéo Fortnite l’ont bien compris… et ce sont eux, les gagnants.
Tout le monde connaît cet aphorisme décrivant de manière lapidaire notre société de consommation: «We buy things we don’t need with money we don’t have to impress people we don’t like» (on achète des choses dont on n’a pas besoin, avec de l’argent qu’on n’a pas, pour impressionner des gens qu’on n’aime pas).
Comme c’est généralement le cas avec les formules géniales, on ne peut s’empêcher de s’écrier, en l’entendant pour la première fois: «C’est tellement vrai ! Les gens sont tellement comme ça!» tout en étant convaincu que cela ne s’applique pas à soi. D’ailleurs, je tiens à le préciser, cela ne s’applique pas du tout à moi. Ni à vous, j’en suis sûr. Mais bon, les «gens» sont effectivement «comme ça».
Par les temps qui courent, les gens (surtout les jeunes gens) jouent massivement à un jeu vidéo intitulé Fortnite, dont l’objectif principal pourrait se résumer par l’aphorisme cité plus haut. Dans les faits, le but du jeu consiste à éliminer les autres joueurs, de manière à occuper seul le champ de bataille, mais il semble que cela soit anecdotique.
Achat d'objets virtuels
En effet, selon un sondage, près de 70 % des joueurs de Fortnite ont dépensé du bon argent pour acheter des objets virtuels dans le jeu, cela pour le simple plaisir d’en imposer aux autres joueurs. Un an après la sortie du titre, ses 125 millions d’usagers avaient déjà dépensé un milliard de dollars, contribuant à faire de Fortnite le jeu vidéo le plus rentable de l’histoire.
Bien sûr, dépenser de véritables dollars pour acheter des objets virtuels n’a rien de nouveau. En 2011, un joueur d’Age of Wulin, un jeu vidéo en ligne conçu par l’entreprise chinoise Snail, a cru bon débourser 16 000 $ afin d’obtenir une épée pour son personnage.
Un adepte de Second Life a quant à lui payé 50 000 $ pour acheter la réplique virtuelle de la ville d’Amsterdam, une emplette qui peut presque sembler raisonnable si on la compare aux 330 000 $ déboursés par un joueur d’Entropia Universe pour l’acquisition d’une station spatiale. Voilà qui dépasse l’entendement, surtout pour quelqu’un comme moi qui regrette encore l’achat de cette boule chocolatée (99 cents) à Candy Crush, quelque part en 2014.
Là où Fortnite se démarque, c’est dans le fait que la grande majorité des objets virtuels achetés par les joueurs n’ont aucune incidence sur le déroulement de la partie et sont purement cosmétiques. L’on peut, par exemple, se procurer un nouveau personnage; lui acheter des vêtements et des accessoires; lui apprendre des répliques amusantes et de nouveaux pas de danse (8 $ pour que cette personne imaginaire exécute le «Rocket Rodeo») ; etc.
Devenir cool
Tout cela ne vous rend pas plus fort; cela vous rend simplement plus cool. Bref, le but réel de Fortnite consiste bel et bien à acheter des choses inutiles, avec de l’argent que l’on n’a pas (le jeu étant surtout populaire auprès des enfants et des adolescents, la carte de crédit des parents est largement mise à contribution), le tout afin d’impressionner des gens que l’on déteste. (N’oublions pas qu’il s’agit d’un jeu en ligne, et qu’en ligne, tout le monde déteste tout le monde.)
Des personnes qui s’y connaissent prédisent que l’apocalypse surviendra le jour où les joueurs de Fortnite débarqueront dans la «vraie vie» et qu’ils y reproduiront les habitudes de consommation acquises dans leur jeu favori. Loin de moi l’idée de contredire les gens qui s’y connaissent, mais je tiens à préciser que l’aphorisme cité en début de texte date des années 1920.
Bref, il serait douteux que mon petit voisin de 14 ans, un redoutable joueur de Fortnite, ait inventé le concept du voisin gonflable.