En tant que journaliste spécialisée en finances personnelles, j’ai eu l’occasion d’écrire à maintes reprises sur le phénomène de l’endettement.
Or, dans le cadre de mes entrevues avec des syndics autorisés en insolvabilité, j’ai pu constater qu’une faillite est bien souvent l’issue ultime d’un long glissement. Car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, on ne parle pas nécessairement de personnes qui ont fait des folies. En fait, le processus commence sans qu’on y prenne garde : on complète son revenu avec le crédit, que ce soit pour se gâter un peu ou pour faire face à une importante dépense. Puis, il devient de plus en plus difficile de rembourser le solde complet de ses cartes de crédit chaque mois et les montants s’accumulent au gré des taux d’intérêt élevés. L’étau se resserre, et on se retrouve coincé dans la spirale de l’endettement qui se conclut au mieux par une consolidation de dettes, mais généralement par une faillite ou une proposition de consommateur.
Esclave de son travail, de sa consommation et de ses dettes
Dans un tel contexte, la réflexion de Jean-Sébastien Marsan s’avère particulièrement pertinente. Cet auteur de plusieurs ouvrages a récemment publié Se libérer par la déconsommation, un guide rempli de trucs pratiques pour nous aider à réduire notre consommation. « Il ne s’agit pas tant de se priver que de repenser son bien-être matériel au quotidien, de faire des choix éclairés et d’assainir ses finances personnelles. Y parvenir entraîne un grisant sentiment de liberté », annonce-t-il d’emblée, désamorçant ainsi les critiques de ceux qui l’accuseraient de vouloir faire de nous des ascètes.
Mais d’abord, qu’est-ce que la déconsommation ? N’est-ce pas seulement le prolongement du concept de simplicité volontaire ? « La simplicité volontaire, c’est vieux comme le monde. Mais au 20e siècle, le mouvement s’est traduit de plusieurs manières, par exemple avec le retour à la terre “granola” des années 1960-1970. Il est redevenu à la mode à partir des années 1980, notamment avec la publication de l’ouvrage Voluntary Simplicity : Toward a Way of Life That is Outwardly Simple, Inwardly Rich, du scientifique américain Duane Elgin. Au Québec, à compter de 1985, le vulgarisateur et activiste Serge Mongeau a lancé un véritable phénomène de société », ajoute M. Marsan.
L’idée de départ de la simplicité volontaire était non seulement de consommer moins, mais aussi de consommer mieux, de repenser notre rapport au travail afin de ne plus perdre notre vie à la gagner et, ultimement, de mener une existence plus simple. Avec le concept de déconsommation, l’auteur poursuit le raisonnement et nous propose de nous attaquer véritablement aux racines du problème.
Simplicité involontaire
« Force est de constater que nous sommes tous entrés dans une simplicité involontaire, sauf pour une minorité de riches. D’abord avec la pandémie, qui nous a obligés à modifier radicalement notre mode de vie et qui fut une expérience de déconsommation à large échelle. Le taux d’épargne des ménages a d’ailleurs augmenté durant cette période », signale l’auteur.
« Après la pandémie, nous n’avons pas renoué avec un monde dit “normal” : l’inflation et la forte hausse des taux d’intérêt nous ont forcés à revoir nos comportements, précise-t-il. À cela s’ajoute la crise climatique qu’il n’est pas possible d’ignorer et qui a déjà un impact marqué sur nos vies. »
La solution ? Déconsommer ! « Cela permet non seulement d’alléger les souffrances de notre planète surexploitée, mais aussi de protéger notre portefeuille et nos actifs. Prenons l’exemple d’un individu qui vit au-dessus de ses moyens, qui est endetté à l’extrême limite de sa capacité d’emprunt et qui n’a que son salaire pour se maintenir à flot. Il paye ses dépenses courantes avec une carte de crédit, se défoule dans des razzias de magasinage pour tenter d’évacuer le stress… En fait, il est l’esclave de son travail, de sa consommation et de ses dettes. Il suffira d’une perte d’emploi, d’un divorce, d’une maladie ou d’un accident qui l’empêche de travailler pour que sa vie s’écroule comme un château de cartes », prévient Jean-Sébastien Marsan.
Le grand ménage !
Dans son ouvrage, l’auteur nous livre une bonne centaine de trucs et de conseils à appliquer dans différentes sphères de notre vie. Transport, logement, habillement, dépenses saisonnières, gestion du temps, et même relations interpersonnelles, tout y passe.
« Chaque individu est unique et chaque situation financière aussi. Mais voici tout de même un conseil de base : cesser de s’endetter et de dépenser des fortunes pour s’acheter des symboles de réussite sociale », mentionne Jean-Sébastien Marsan. Autrement dit, il est possible de vivre pour beaucoup moins cher en laissant tomber les symboles ostentatoires que sont le bungalow trop grand, la voiture neuve tous les trois ans, les vêtements griffés, les vacances de rêves, etc.
En se recentrant sur les fonctions initiales — se loger, se transporter, se vêtir, se reposer — , on limite aussi la surconsommation et le gaspillage. Un grand ménage qui permet du même coup de repenser notre rapport au travail, de réfléchir à ce qui compte vraiment pour nous et, ultimement, de gagner une liberté nouvelle.
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