Comme moi, vous voyez sans doute régulièrement des travailleurs d’expérience à l’œuvre dans plusieurs commerces et entreprises. Que ce soit un retraité donnant des conseils d’expert dans une quincaillerie, ou une professionnelle à la retraite offrant ponctuellement ses services en tant que consultante, leur présence sur le marché du travail est de plus en plus marquée.
La question qui revient souvent est de savoir s’il est financièrement avantageux de continuer à travailler à la retraite, ou si, au contraire, il vaut mieux se borner à cultiver ses tomates…
Rappel des trois changements au RRQ
Trois récents changements apportés au RRQ pèsent désormais dans la balance.
Ainsi, il est possible de demander sa rente provinciale à 72 ans au lieu du maximum habituel de 70 ans. Ce faisant, on la bonifie de 0,7 % par mois de report à partir de 65 ans, jusqu’à un maximum de 58,80 % à 72 ans. Rappelons que ce montant est versé à vie et, mieux encore, indexé.
Autre mesure importante : les années de travail après 65 ans durant lesquelles vous auriez gagné moins de revenus n’auront plus d’impact négatif sur la moyenne utilisée pour calculer votre rente de RRQ, comme c’était le cas auparavant. Autrement dit, vous pourriez ne travailler que quelques heures par semaine au salaire minimum sans que cela vous pénalise.
Ce n’est pas tout : jusqu’à la fin de 2023, un travailleur retraité encore sur le marché du travail devait continuer à cotiser au RRQ. Mais ce n’est plus obligatoire depuis le début de cette année.
L’avantage de cotiser plus longtemps au RRQ
Antoine Chaume Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Gestion de capital Assante Ltée – Équipe Major, mentionne que le principal avantage de poursuivre les cotisations est de bonifier le montant de la rente, puisqu’elles viennent s’ajouter à notre cagnotte de retraite. L’employeur poursuivra également les cotisations de son côté, à moins que vous décidiez de les interrompre.
Pour le planificateur, il s’agit d’une décision financière qui aura un impact sur de nombreuses années, c’est pourquoi il est essentiel de bien faire ses calculs. En effet, ces montants, versés en sus, génèrent ce que l’on appelle un supplément de retraite, qui sera lui aussi versé et indexé à vie et qui s’ajoutera à votre RRQ, même si vous touchez déjà le montant maximum. Le supplément sera payable à partir du 1er janvier de l’année qui suit celle où vous avez cotisé.
De prime abord, cela semble donc être une excellente idée. Retraite Québec fournit d’ailleurs l’exemple de Guylaine, 65 ans, une travailleuse retraitée qui a versé 1 000 $ en cotisations au RRQ en 2023. À partir de 2024, elle recevra 103 $ de plus par an sur sa rente de retraite. Cette augmentation, étant réajustée au coût de la vie, admettons 2 % chaque année, Guylaine percevra 105 $ en 2025, 107 $ en 2026, etc.
Le montant de 1 000 $ versé en cotisations en 2023 lui permettra donc de recevoir au fil des ans :
- 1 000 $ après 9 ans
- 2 000 $ après 17 ans
- 3 000 $ après 23 ans
- 4 000 $ après 29 ans
Retraite Québec calcule que, si Guylaine vit au moins jusqu’à 74 ans, sa cotisation en aura valu la peine. D’ailleurs, plus elle vivra longtemps, plus ce sera rentable pour elle.
Antoine Chaume Legault précise que cotiser plus longtemps offre aussi une meilleure protection contre le risque de longévité — épuiser toute son épargne-retraite avant son décès — ainsi que les aléas de l’inflation qui viennent réduire le pouvoir d’achat.
Cotiser au RRQ plus longtemps, toujours rentable ?
Selon Retraite Québec, il faut compter environ neuf ans pour une personne salariée avant d’atteindre l’âge de récupération, c’est-à-dire pour récupérer l’équivalent des cotisations supplémentaires qu’elle a effectuées. Par conséquent, l’état de santé devrait également entrer dans l’équation. « Si notre espérance de vie est réduite, on n’aura pas vraiment avantage à cotiser plus longtemps », indique Antoine Chaume Legault.
Autre cas où le jeu n’en vaut réellement pas la chandelle : si l’on a peu cotisé au RRQ au cours de sa vie active et que la rente sera déjà fortement amputée. Un entrepreneur qui aurait perçu des dividendes durant l’essentiel de sa carrière comme moyen de rémunération — ce qui ne requiert pas de cotiser aux déductions à la source, dont la RRQ — et qui, finalement, ajuste sa stratégie fiscale pour se verser un salaire seulement durant quelques années ne tirerait pas non plus avantage de cette stratégie.
De plus, si vous êtes endetté, en particulier à un haut taux d’intérêt, cesser de cotiser au RRQ vous permettra d’avoir accès à des liquidités supplémentaires que vous seriez bien avisé d’utiliser pour vous débarrasser de vos dettes.
Travailleurs autonomes et entrepreneurs : moins intéressant
Un autre bémol concerne les travailleurs autonomes et les entrepreneurs. C’est d’ailleurs mon cas, comme celui de bien des travailleurs québécois. Pour nous, la situation n’est pas tout à fait la même, car nous devons verser à la fois notre part de cotisations au RRQ, mais également celle de l’employeur, puisque nous n’en avons pas à proprement parler. Cela équivaut à deux fois 6,4 %. Dans les faits, il faudra donc 17 ans à un travailleur autonome avant d’atteindre l’âge de récupération au lieu de 9 ans pour un salarié.
Concrètement, pour un salarié retraité continuant à cotiser au RRQ à 65 ans, l’âge de récupération est de 74 ans. Pour un travailleur autonome, cela grimpe à 82 ans. Or, selon les statistiques, la probabilité qu’une personne de 65 ans atteigne l’âge de récupération est estimée à 9 sur 10 pour les salariés et à 7 sur 10 pour les travailleurs autonomes. Je vais donc sérieusement y réfléchir si la situation se présente.
Quoiqu’il en soit, Antoine Chaume prévient que, salarié ou pas, cela demeure toujours du cas par cas. Il faut alors bien réfléchir et, idéalement, consulter un professionnel de la planification financière ou un expert en fiscalité.
Pour vous aider à faire le point, lisez le document récapitulatif préparé à ce sujet par Retraite Québec. Pour cesser de cotiser au RRQ, remplissez ce formulaire.
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