Véhicules électriques: Et si la disparition des subventions allait permettre… de réduire les prix?
Nadine Filion | 23 janvier 2025, 14h31
Les subventions fédérales à l’achat d’un VE viennent presque de s’éteindre. À long terme, c’est peut-être une bonne nouvelle?
À deux jours — non ouvrables ! — de préavis, le gouvernement fédéral a suspendu les subventions qu’il offrait depuis près de six ans par le biais de son programme iVZE, afin d’encourager l’achat de véhicules électriques (VE) partout au Canada. Comme tout le monde, cette décision m’a surprise !
Au Québec, la dégringolade du soutien des gouvernements est encore plus vertigineuse : en moins d’un mois, l’aide financière est passée de 12 000 $ à 4 000 $ — et elle sera de zéro $ à compter du 1er février, au moins pour quelques mois. L’industrie automobile n’a pas tardé à réagir en annonçant d’importants rabais (voir ci-dessous).
Comme bien des automobilistes, je m’interroge : ces changements rapides dans l’approche des gouvernements signifient-ils qu’à plus long terme, le prix des VE va diminuer ? Ou alors, les ventes de VE vont-elles chuter faute de soutien public, comme c’est arrivé à peu près partout sur la planète ?
Même si ma boule de cristal vaut ce qu’elle vaut, faisons quand même un état des lieux. Parce que les vents contraires qui soufflent ces jours-ci sur l’électrification automobile méritent qu’on analyse ce qu’ils poussent dans leur sillage, en particulier pour le Québec.
Les constructeurs n’ont pas le choix de nous vendre des VE
Depuis 2018, la loi québécoise visant l’augmentation du nombre de véhicules automobiles zéro émission oblige les constructeurs à vendre un pourcentage croissant de VE. Des paliers progressifs et un système de crédits/redevances ont été fixés jusqu’en 2035, année où la vente de véhicules à essence devrait légalement être bannie.
Les constructeurs qui ne vendent pas au Québec le quota imposé de VE font face à des pénalités financières pouvant aller jusqu’à 20 000 $ par VE non vendu. Devant cette menace qui pourrait représenter plusieurs millions de dollars, on pourrait penser que les constructeurs vont réduire le prix de leurs modèles afin de mousser leurs ventes.
C’est mal connaître l’industrie automobile : marché mondial tissé serré s’il en est un, les prix ne décroîtront de ce côté-ci de la frontière que s’ils baissent aussi du côté américain.
Le baromètre, c’est la Californie. Sauf que…
Non seulement le marché québécois ne fonctionne pas en vase clos, mais il est hautement tributaire de celui de… la Californie ! Cet État américain qui écoule annuellement autant de véhicules neufs que le Canada, dicte, grosso modo, le rythme vers l’électrification nord-américaine. Et comme près de 20 autres États ont aussi adopté son « ZEV mandate » (notre loi en est d’ailleurs presque un copier-coller), c’est la juridiction qui sert de référence pour les constructeurs automobiles.
Pour le moment, du moins. Parce qu’avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, la dérogation qui accorde l’autodétermination environnementale à la Californie risque d’être révoquée — et alors, c’est tout l’échafaudage « zéro émission » nord-américain qui menace de s’écrouler.
À court terme, est-ce que les constructeurs au Québec offriront de gros rabais ?
Oui, et ces rabais seront suffisamment substantiels pour compenser la perte des subventions gouvernementales. Au moment où nous écrivions ces lignes :
- Volkswagen a rajouté un rabais de 5 000 $ au rabais du même montant qu’il offrait déjà à l’acquisition d’un ID.4 ;
- Hyundai a annoncé une « garantie de rabais » pour les VE admissibles achetés ou loués entre le 3 janvier et le 31 janvier 2025, en cas de non-rétablissement du programme iVZE fédéral ;
- Nissan Canada a offert un rabais de 5 000 $ pour ses modèles Ariya achetés au cours du mois de janvier « pour ceux qui sont touchés par ce changement soudain » ;
- Ford Canada a offert un rabais de 5 000 $ sur les Mustang Mach-E, F-150 Lightning et Ford Escape PHEV, ainsi qu’un rabais de 2 500 $ sur les Lincoln Corsair (hybrides rechargeables). Les véhicules admissibles doivent être vendus entre le 13 janvier et le 31 janvier. Ford insiste : cette mesure n’est pas destinée à remplacer de manière permanente le programme fédéral.
- GM Canada a offert un rabais de 5 000 $ sur les Chevrolet Equinox EV, Chevrolet Blazer EV et Cadillac OPTIQ livrés entre le 13 janvier et le 31 janvier. Tout comme Ford, le constructeur martèle : ces mesures ne sont là que jusqu’à fin janvier.
Mais ensuite, des constructeurs pourraient-ils se retirer du marché québécois ?
Oui, c’est une possibilité. Plutôt que d’essuyer de lourdes pénalités ou d’offrir des VE à perte, certains constructeurs pourraient renoncer au Québec.
On l’a vu plus haut, notre marché n’est qu’une goutte d’eau dans leur océan automobile. Bon an mal an, il s’écoule 400 000 véhicules neufs au Québec, soit à peu près 25 % des ventes au Canada. Mais ces dernières ne représentent que 10 % des ventes américaines. Faites votre calcul : avec son 2,5 % de marché, le Québec est un tout petit joueur sur l’échiquier américain.
D’autres fabricants pourraient choisir de limiter la quantité de véhicules à essence qu’ils commercialisent pour accroître artificiellement la proportion de VE écoulés chez nous. « Vous nous pénalisez si nous n’écoulons pas assez de VE par rapport au nombre de véhicules thermiques que nous vendons ? Eh bien, nous allons vous en vendre pas mal moins, des véhicules à essence », pourraient-ils dire.
Si ce dernier scénario s’avère, nous n’aurions pas droit à une réduction du prix des VE, mais bien à une augmentation du prix des véhicules. Rappelez-vous comment, en temps de pandémie, le resserrement radical des stocks d’automobiles avait fait exploser le montant inscrit sur les étiquettes. Des prix qui, depuis, sont demeurés inchangés.
En fait, la vraie manière de forcer le virage électrique, ce serait de hausser le coût du carburant, non pas graduellement, mais bien en y allant d’un grand « choc pétrolier ». Il faudrait que cela fasse mal pour que tous les automobilistes (dont moi-même !) changent leurs habitudes. Quelle meilleure mesure incitative que d’annoncer qu’en 2030, l’essence serait à plus de 5 $ le litre !
Soutenir le réseau électrique plutôt que l’achat des véhicules
En attendant, il est temps à mon sens que l’argent public cesse de financer les achats individuels de VE : Ottawa devrait investir dans des installations de recharge publique, à la hauteur de celles dont bénéficient les électromobilistes au Québec.
De son côté, notre province devrait envisager d’inclure les hybrides rechargeables dans sa loi. Actuellement, sa réglementation interdit les ventes d’hybrides plug-in à partir de 2035, alors que la réglementation canadienne, elle, les inclut. Québec doit absolument considérer ces automobilistes qui roulent en région éloignée ou qui habitent un trois et demie sur la rue Saint-Denis à Montréal sans possibilités de branchement, ou encore ceux qui sont rebutés à l’idée d’un VE qui perd la moitié de son autonomie électrique en hiver.
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