Billets de concert en revente : j’ai failli me faire rouler !

Jean-Luc Lavallée | 28 novembre 2025, 12h57

Ils sont diablement habiles ces revendeurs de billets de spectacles. J’ai failli me faire avoir sur un de leurs sites web récemment…

Ma petite voix intérieure – celle qui me disait de me méfier – m’a ramené à la raison juste à temps, avant de terminer la transaction pour le concert d’un des groupes favoris de ma jeunesse.

J’avais loupé ma chance, il y a 17 ans, au Métropolis (rebaptisé depuis le MTELUS). J’ai encore mon billet flambant neuf de 2008, intact, sans déchirure. Un cruel souvenir imprimé d’une autre époque… et d’un rendez-vous manqué.

Cette fois, pas question que je rate le concert de ce petit band sympa qui roule sa bosse depuis 1991. Le groupe de Sacramento au style unique n’a peut-être pas l’envergure de U2, Oasis ou Coldplay, mais il a quand même réussi à décrocher la première place du Billboard 200, avec son album Showroom of Compassion en 2011. Oui, oui (!)

Bref, l’amateur que je suis ambitionne de rayer « voir un spectacle de Cake » de sa to-do list depuis fort longtemps.

Sentiment d’urgence

Vous comprenez donc mieux l’état dans lequel j’étais lorsque j’ai découvert que John McCrea et sa bande étaient enfin de retour au Québec.

J’avais les paupières lourdes. Je venais à peine de me réveiller. En parcourant mon fil Facebook, j’ai vu que les billets étaient déjà en prévente ! Un sentiment d’urgence m’a alors animé, bien avant ma première gorgée de café : je devais absolument mettre la main sur deux précieux sésames.

Le groupe relayait déjà un « code promo » pour la prévente, mais ne donnait aucun hyperlien pour l’achat des billets. J’ai tapé Cake dans Google, indiqué la salle de spectacles, puis j’ai cliqué sur le premier ou le deuxième lien que j’ai vu apparaître. Vite, vite !

Erreur de débutant. Ne faites pas comme moi. Lisez plutôt nos conseils pour faire un achat avisé. Je n’aurais pas dû, mais, dans le feu de l’action, j’ai cliqué à vitesse grand V sur un lien commandité par un site de revente dont je n’avais jamais entendu parler auparavant : ticketsonsale.com. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Google a été payé pour que cet hyperlien soit mis de l’avant et apparaisse dans les premiers résultats de recherche. Ces liens commandités sont loin d’être un gage de fiabilité.

Un surcoût de 150 $ !

Avec les frais, chaque billet en admission générale pour le parterre m’aurait coûté ce matin-là environ 178 $ sur cette plateforme qui semblait parfaitement légitime. C’est vrai que je n’achète pas des billets pour l’Olympia chaque semaine… C’était plausible : le géant Ticketmaster, qui détient un quasi-monopole dans la vente de billets de spectacle, ne s’est pas infiltré partout. De plus petits joueurs existent encore.

J’ai quand même eu le réflexe d’aller consulter le site officiel de Ticketmaster avant de finaliser la transaction. La page pour le concert de Cake ne fonctionnait pas du premier coup, j’ai bien fait de persévérer et de réessayer : ma paire de billets, je l’ai finalement payée 206 $ au lieu de 356 $.

Rappelons qu’au Québec, il est illégal pour un commerçant de revendre un billet à un prix supérieur au prix annoncé par le producteur d’un spectacle.

Au moment d’écrire ces lignes, et quelques jours après le début de la vente officielle, le site ticketsonsale.com proposait quatre catégories différentes de billets pour le parterre, alors qu’il n’y en a qu’une seule. Montant demandé : entre 145 et 311 $ par billet. Jusqu’à trois fois le prix !

Ce que dit la loi :

L’article 236.1 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit qu’aucun commerçant ne peut exiger d’un consommateur, pour la vente d’un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé par le producteur du spectacle. Il peut le faire, exceptionnellement, s’il remplit une foule de conditions et doit obtenir, au préalable, le consentement du producteur du spectacle pour revendre le billet à un prix supérieur.

De nombreux témoignages négatifs

Sur le réseau social Reddit, de nombreux consommateurs frustrés vu le prix payé pour leurs places (pour divers évènements) ou les retards de livraison de billets disent avoir été bernés par l’allure officielle de ce site web. C’est le cœur du problème : les acheteurs confondent les sites du marché secondaire comme ticketsonsale.com avec les plateformes authentiques, en raison d’un meilleur référencement de ces sites dans les moteurs de recherche.

Sur ticketsonsale.com, il y a un avertissement discret, écrit en anglais et en petites lettres, en haut de la page : « Nous sommes une plateforme de revente. Les prix des billets peuvent être supérieurs à leur valeur d’origine. Ce site n’est pas une billetterie officielle », peut-on lire. Le minuscule bandeau disparaît dès que vous faites défiler la page web, ne clignez pas des yeux… vous allez le rater ! Appelons cela de la transparence à géométrie variable.

Chez nos voisins du Sud, ticketsonsale.com n’a pas non plus très bonne réputation. Les plaintes s’accumulent au Better Business Bureau qui vient en aide aux consommateurs et qui a attribué au site la pire note qui soit, un « F », dans quelques grandes villes comme Dallas et Chicago. L’entreprise se réfugie derrière la mise en garde sur son site web pour justifier ses pratiques discutables.

Qui est derrière ticketsonsale.com ?

Aucune idée. Cette plateforme, qui revend des billets de concert partout en Amérique du Nord, n’est pas inscrite au registre des entreprises du Québec. Aucune adresse physique n’est mentionnée. Son site internet est enregistré à Tempe (Arizona), aux États-Unis, depuis 2001, et son siège social serait apparemment situé au Delaware, selon l’Office de la protection du consommateur (OPC) qui a reçu trois mises en demeure à son sujet.

De tels sites web ne rendent service à personne lorsqu’ils font la promotion de billets de concert avant même les préventes et la vente officielle pour le grand public. En se procurant des billets en amont pour les revendre avec profit, ils privent de véritables fans de mettre la main sur des billets à moindre coût. Ils n’agissent pas par altruisme. Ils font de l’argent sur votre dos. Point.

Personne n’est à l’abri

J’ai une relative expérience dans l’achat de billets. Et pourtant, j’ai failli me faire avoir ce matin-là… et je suis loin d’être le seul ! Personne, d’ailleurs, n’est à l’abri, pas même la directrice générale de l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles – RIDEAU, Julie-Anne Richard : « Avertie que je suis, j’ai encore failli me faire prendre », nous racontait-elle, il y a un an.

Le procès de Billets.ca

La Presse nous apprenait récemment qu’un procès très attendu, celui de la plateforme controversée Billets.ca, a débuté en novembre et doit se conclure en janvier. Pas moins de 26 constats d’infraction lui ont été signifiées, notamment pour la vente de billets à un prix supérieur au prix annoncé par le vendeur autorisé. L’industrie du spectacle suivra avec grand intérêt l’issue de cette poursuite pénale en 2026.

L’organisme Option consommateurs pilote, quant à lui, une demande d’action collective – déposée en 2023 – contre les plateformes Billets.ca et 514-billets.com, essentiellement pour les mêmes motifs. La requête, qui n’a pas été autorisée et doit encore être débattue, concernerait tous les Québécois ayant acheté au moins un billet de spectacle à un prix plus élevé depuis le 13 octobre 2020. À suivre…

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