Insolvabilité : les statistiques démentent les prédictions

Emmanuelle Gril | 01 septembre 2021, 08h22

Faillites, propositions de consommateur… Les dernières statistiques sur l’insolvabilité révèlent une réalité surprenante.

Le Bureau du surintendant des faillites du Canada a récemment dévoilé ses statistiques sur l’insolvabilité pour le deuxième trimestre 2021. Et, encore une fois, elles vont à l’encontre de toutes les prévisions.

Rappelez-vous : au printemps 2020, alors que la COVID-19 frappait le pays et le reste du monde, les experts anticipaient une catastrophe économique, et avec raison. Alors que les commerces non essentiels devaient fermer leurs portes et l’essentiel de la population rester enfermée chez elle, les pertes d’emplois se comptaient par centaines de milliers au Canada.

La conjoncture s’est considérablement améliorée depuis, mais il reste que les turbulences causées par la pandémie n’ont pas fini de se faire sentir.

En toute logique, on s’attendrait à voir le nombre de dossiers d’insolvabilité exploser. Or, c’est bien le contraire qui est en train de se produire. Les faillites et les propositions de consommateur sont bien en dessous de leur niveau d’avant la pandémie, soit 35 % de moins, et on constate une diminution de près de 26 % des dossiers pour la période de 12 mois ayant pris fin le 30 juin 2021. Comment expliquer cette situation pour le moins déconcertante ?

Moins de dépenses, moins de dettes

Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabilité et président de Jean Fortin et associés, remarque que différents facteurs permettent de mieux comprendre cette tendance.

La pandémie a surtout affecté les finances des personnes à faibles revenus qui œuvraient dans les industries comme la restauration, l’hôtellerie, etc. Or, elles ont pu recevoir la PCU qui, dans la plupart des cas, représentait à peu de chose près leur rémunération nette d’avant la crise sanitaire. Quant aux emplois mieux rémunérés dans d’autres secteurs d’activités, ils n’ont en général pas été affectés parce que les employés ont pu continuer à travailler à distance et à percevoir leur salaire.

De plus, la baisse d’environ 30 % des dépenses personnelles consacrées aux sorties, loisirs, voyages, transport, etc., durant les longs mois de confinement a amélioré notre trésorerie. Les banques canadiennes ont d’ailleurs constaté qu’elles avaient en liquidités dans leurs coffres 100 milliards de dollars de plus qu’avant la pandémie.

Autre facteur qui a conféré une bonne manœuvre financière aux consommateurs : le report des paiements consenti par les banques sur les hypothèques, prêts auto, cartes de crédit, etc. Résultat : ces centaines de dollars supplémentaires ont permis à nombre d’entre nous de réduire, voire carrément de liquider leur solde de cartes de crédit.

Pierre Fortin ajoute que la chute des taux d’intérêt a également eu un impact notable pour les consommateurs qui ont une marge de crédit hypothécaire. Avec une réduction de près de 1 %, cela peut se chiffrer par plusieurs centaines ou même milliers de dollars en moins à rembourser chaque mois. Même chose pour ceux qui ont une hypothèque à taux variable. Là encore, ces sommes providentielles ont pu être consacrées au remboursement des soldes de cartes de crédit.

Que nous réserve l’avenir ? Cela reste encore difficile à évaluer, mais il semble improbable que les dossiers d’insolvabilité retrouvent leurs niveaux d’avant la pandémie à très court terme. Les choses vont probablement se corser lorsque les taux d’intérêt commenceront à remonter. Avec la hausse vertigineuse du prix de l’immobilier, ceux qui ont récemment délié les cordons de la bourse pour s’acheter une maison verront à terme leurs remboursements hypothécaires grimper.

Les personnes à faibles revenus qui étaient déjà très endettées avant la crise et qui n’ont pas pu profiter du répit de la PCU pour rembourser leurs soldes de cartes de crédit vont aussi trouver la pilule dure à avaler. Car, tôt ou tard, les créanciers qui se sont montrés jusqu’ici relativement conciliants vont entamer des procédures de recouvrement. Attention, ça risque de secouer…

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