Même électrique, le troisième lien pourrait ne rien régler
Alain McKenna | 25 mai 2021, 13h19
Ce lien est ambitieux. Il doit décongestionner les routes et promouvoir le transport en commun et électrique. Est-ce compatible?
L’histoire de l’automobile en est une qui se répète. La nécessité de réduire la consommation de carburant des véhicules ne date pas de la dernière décennie. À une autre époque, la crise du pétrole a fait réaliser qu’il serait avantageux de produire des véhicules moins gourmands. Puis une crise financière a mené à la production de véhicules encore plus petits, animés par des cylindrées encore plus modestes.
De quelle année parle-t-on, selon vous? 2009? 2002? 1981? 1973?
Toutes ces réponses.
Peut-être qu’on pourra bientôt ajouter 2025 à cette liste. Pour l’industrie automobile, la période entre 2025 et 2035 en sera une de grand changement. C’est à partir de 2025 que la plupart des grands fabricants prévoient vendre une part significative de leurs véhicules sous forme électrique. Et dans plusieurs marchés, dont le Québec, c’est à partir de 2035 qu’ils ne devraient plus du tout vendre de véhicules à moteur thermique.
Tout le monde a hâte. Il suffit de voir depuis la mi-mai le buzz entourant le lancement de la camionnette tout électrique de Ford, la F-150 Lightning, pour comprendre que la demande est prête. L’offre n’aura qu’à suivre.
Le dossier de la pollution automobile semble en voie de se régler, donc. Non?
Toujours plus
Oui et non. On ne reviendra pas sur l’énergie nécessaire pour produire un véhicule électrique et sur ce que ça représente comme impact environnemental. Parlons seulement de ce qui se produit sur nos routes: le nombre de véhicules en circulation.
Car ce phénomène fait aussi partie du problème: il y a toujours plus de véhicules sur la route. La lutte contre les émissions polluantes générées par le transport remonte à 1970 aux États-Unis, avec le Clean Air Act. Depuis, on a réduit de plus de 90 % les émissions des véhicules. Et pourtant, le volume total d’émissions continue d’augmenter d’une année à l’autre.
La taille du parc automobile est en cause.
Électrifier le transport résout une partie du problème seulement, surtout si plusieurs de ces véhicules ont en réalité un moteur hybride essence-électricité. On ne cessera pas de consommer du carburant du jour au lendemain. Encore moins si on continue d’assister à des heures de pointe et à des bouchons de circulation.
Mais, dans 20 ans, peut-être qu’on devra revoir les véhicules électriques pour en éliminer les composants faits en polymère. Comme les pneus. Pourquoi? Parce que les premières études commencent à sortir ces jours-ci sur l’impact environnemental important qu’a l’usure des pneus et des freins sur la qualité de l’air et de l’eau.
Un rapport datant de 2019 réalisé au Royaume-Uni a d’ailleurs conclu que l’usure des pneus, des freins et des surfaces routières est la plus importante source d’émission de particules fines dans les airs et dans les cours d’eau.
Les particules fines sont entre autres associées à des maladies respiratoires. Selon ce rapport, l’usure des pneus et des freins produit 1 000 fois plus de ces particules qu’on en trouve dans les gaz d’échappement des automobiles.
Donc, plus de véhicules, plus de particules fines.
Une solution entre quatre murs
Comment résoudre la question de la congestion routière, sinon en ajoutant de nouvelles voies d’accès? Plusieurs vantent évidemment les mérites d’un réseau bien établi de transport en commun. Des études tendent cependant à pointer un autre problème du doigt : la distance de leur lieu de travail à laquelle les gens habitent.
Entre 2011 et 2016 au Canada, le nombre de travailleurs qui prenaient une heure ou plus à se rendre au bureau en voiture a augmenté de 5 %. Surtout, 42 % des déplacements de 60 minutes ou plus ont lieu entre 5 et 7 h. On peut imaginer qu’une proportion pas loin d’être équivalente a lieu en fin de journée.
Détail important: l’étalement urbain n’est pas la seule cause de ce phénomène. Une majorité des gens qui passent le plus de temps en voiture le font alors qu’ils demeurent dans la région métropolitaine où ils travaillent.
Autrement dit, ajouter un pont ou un tunnel qui mène encore plus de véhicules vers la ville réduit le temps de déplacement d’une partie de la population, mais risque de prolonger celui d’une autre partie de la population en créant davantage de congestion près du centre-ville.
Aider à réduire la distance entre le logement et le lieu de travail pourrait avoir un meilleur effet en général. Revoir les pratiques d’urbanisme? Encourager le télétravail? En tout cas, tout sauf plus de véhicules… même électriques.
Photo : Transport Québec
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