Taux d’intérêt hypothécaire: des hausses qui font mal
Emmanuelle Gril | 13 juillet 2022, 12h00
L’augmentation rapide des taux d’intérêt provoque bien des grincements de dents chez les propriétaires, et pour cause.
Dans son effort pour réguler l’inflation, la Banque du Canada a majoré son taux directeur à quatre reprises depuis le début de l’année 2022. L’effet a été immédiat sur d’autres taux d’intérêt, notamment ceux des prêts hypothécaires. Les acheteurs qui ont opté pour des prêts à taux variable trouvent la pilule assez dure à avaler, avec des augmentations pouvant se traduire par plusieurs dizaines, voire des centaines de dollars par mois. Pour ma part, mon caractère prudent – certains diraient peureux, ou même timoré! – a fait en sorte que j’ai opté pour un prêt à taux fixe sur cinq ans. Mais je ne suis pas tirée d’affaire pour autant, puisqu’il arrive à échéance l’an prochain, et je vois déjà poindre à l’horizon un taux bien supérieur à celui que j’ai contracté à l’époque.
Variable ou fixe?
Ça fait mal, car ces hausses conjuguées à l’inflation pèsent lourdement sur le budget des consommateurs. Ainsi, selon un sondage mené par la Banque Manuvie en avril dernier, 18 % des Canadiens ne peuvent déjà plus payer leur hypothèque. Un sur quatre, soit 25 %, affirme aussi qu’il devra vendre sa propriété si les taux continuent à grimper.
Sans surprise, dans les médias et sur les réseaux sociaux, on peut lire les réactions de nombreux propriétaires mécontents, qui se demandent pourquoi leur institution financière a accepté de leur prêter autant pour acheter une propriété. Pour mettre la main sur la maison convoitée, ils se sont en effet endettés au maximum de leur capacité, et ce, d’autant que le prix des propriétés a littéralement explosé.
Antoine Chaume, planificateur financier chez Lafond services financiers et président de Waltr, rappelle à juste titre que les banques ne sont pas des OSBL et qu’elles sont là pour faire des affaires. Elles proposent donc des montants maximaux d’emprunt en fonction de leurs propres barèmes, qui, par ailleurs, sont basés sur des revenus bruts, et non nets, ce qui fait une énorme différence sur l’argent qui sera effectivement disponible à la fin du mois...
Quels conseils donne-t-il à ceux qui s’apprêtent à devenir propriétaires? Tout d’abord, garder en tête qu’au-delà de 30 à 35 % du revenu net alloué à l’habitation, il faudra s’attendre à devoir faire des choix financiers et à réduire son train de vie. Il convient donc de bien établir son budget et sa capacité de payer avant de se jeter à l’eau.
Quant à choisir un taux fixe ou variable, cela dépend de votre tolérance au risque, mais sachez qu’historiquement, sur 25 ans, le taux variable est toujours demeuré avantageux par rapport au fixe. Opter pour un produit dont l’échéance est plus courte, qu’il soit à taux fixe ou variable, permet aussi d’avoir accès à des taux moins élevés. Enfin, sachez qu’il est également possible de réserver son taux auprès d’une institution bancaire jusqu’à plusieurs mois à l’avance. Si vous comptez devenir propriétaire sous peu, bloquez le vôtre avant que la Banque du Canada ne procède à une autre hausse, ce qui ne saurait tarder.
Quant à moi, dont le prêt arrive à échéance l’an prochain, une option serait d’effectuer des remboursements anticipés avant l’arrivée de celle-ci, de façon à réduire le plus possible le capital, et ce, tant que je peux profiter de mon taux actuel. Les conditions varient selon les institutions financières: versement d’un pourcentage ou augmentation de taux mensuels, notamment. Toutefois, avant de prendre cette décision, il est préférable de tenir compte de son endettement global: si l’on a des soldes impayés sur des produits financiers à des taux d’intérêt plus élevés – des cartes de crédit, par exemple – une meilleure stratégie serait de réserver ses liquidités pour les rembourser.
Quoi qu’il en soit et devant l’incertitude ambiante, Antoine Chaume recommande de conserver un coussin de sécurité équivalant à trois mois de revenus, dans un compte épargne par exemple. En cas de récession et d’éventuelle perte d’emploi, cette réserve sera assurément la bienvenue.