Reports de paiement: à manipuler avec précaution
Emmanuelle Gril | 07 mai 2020, 12h00
La crise vous a forcé à retarder certains paiements. Quelles en seront les conséquences sur vos finances?
D’abord, il faut se rappeler que repousser ne veut pas dire annuler la dette. Tôt ou tard, vous devrez payer ces montants et dans quelques mois, la pile de factures accumulées pourrait constituer un obstacle insurmontable.
De plus, certains reports ont un coût. Par exemple, même si l’émetteur de votre carte de crédit vous accorde un répit en réduisant temporairement son taux d’intérêt, les intérêts, même moindres, continuent à courir sur votre solde impayé.
Concernant les versements hypothécaires, là aussi la prudence est de mise. Prenons l’exemple d’une hypothèque de 200 000 $ à 3 % sur 20 ans. Un report de six mois vous donnera des liquidités supplémentaires de 6 655 $, mais vos paiements mensuels passeront ensuite de 1 109 $ à 1 147 $, soit 37 $ de plus sur toute la durée de l’hypothèque (20 ans!). Sur l’ensemble de la période, les intérêts supplémentaires seront donc de 2 198 $.
Alors que faire? Éric Lebel, associé et syndic autorisé en insolvabilité chez Raymond Chabot, recommande d’être stratégique. Ainsi, vous seriez bien avisé d’utiliser les liquidités dégagées par le report hypothécaire pour rembourser rapidement des dettes plus coûteuses en intérêt. Une carte de crédit à 19 % par exemple, ou une carte de magasin à près de 30 %...
Il conseille aussi de se limiter aux reports qui sont strictement nécessaires, car les factures ne disparaîtront pas comme par magie dans quelques mois. Rappelez-vous qu’après la crise lorsque les créanciers se manifesteront, vous ne serez pas nécessairement plus riche qu’avant, et ce même si vous avez retrouvé votre emploi.
Faites trois budgets
Pour prendre des décisions éclairées et mesurer concrètement les conséquences sur vos finances, Éric Lebel propose de réaliser trois budgets: l’un représentatif de vos revenus et dépenses d’avant la crise, l’un pendant (plan A et plan B) et l’autre pour le retour à la normale. Le plan A établira le scénario lorsque vous sautez plusieurs paiements (hypothèques, taxes municipales, prêt automobile, etc.) et le plan B se base sur un seul report (prêt hypothécaire).
Ensuite, évaluez les dettes que vous devrez rembourser à court terme en vertu de ces deux scénarios, sans oublier d’intégrer le versement hypothécaire mensuel augmenté qui découlera du report. Vous constaterez rapidement que si vous suivez le plan A, dans la période post-COVID-19, vous serez incapable de faire à face à tous les paiements que vous avez retardés. Par conséquent, faites bien vos calculs, car ce bref répit pourrait vous donner bien du fil à retordre plus tard.