Hier matin, j’ai essayé une combinaison hallucinogène
Stéphanie Perron | 14 juin 2018, 10h10
Ford propose aux jeunes de tester les effets de la drogue au volant grâce à une «combinaison hallucinogène» que j’ai pu essayer.
Mercredi matin, je me suis levée en me disant que j’allais vivre une expérience hallucinogène au beau milieu de l’avant-midi. Éliminons d'emblée tout quiproquo: on ne m’a offert aucune substance illicite et je ne me suis pas intoxiquée en respirant de la colle industrielle pour planchers.
En fait, il s'agissait plutôt d'essayer une combinaison de style inusité. Conçue il y a deux ans par Ford et l’institut Meyer-Hentschel en Allemagne, ladite combinaison simule les effets des drogues pour sensibiliser les conducteurs aux dangers de la conduite sous les effets de substances comme le cannabis, la cocaïne, l’ecstasy, le LSD et l’héroïne.
Aussitôt l’ensemble enfilé, j’avais l’impression d’avoir ingéré des champignons magiques. J’avais sur mon corps des écouteurs pour me désorienter, un gant vibrant pour faire trembler ma main, un collier cervical qui restreint les mouvements ainsi que des bandages aux coudes et aux genoux qui ralentissent les mouvements. Pour couronner le tout, on m’avait installé des lunettes affectant la vision ainsi que des poids stratégiquement positionnés afin d’affecter mon équilibre.
Vision floue, déséquilibre, mauvaise perception des distances... Le simple fait d’entrer dans la voiture a été une aventure! Étant donné que la démonstration avait lieu sur une terrasse à Montréal, j’ai essayé la combinaison dans une voiture qui n’était pas en mouvement. J’ose à peine imaginer ce que ressentent les jeunes qui, lors des campagnes de sensibilisation, font l’expérience totale en conduisant une voiture dans un circuit fermé (accompagnés bien sûr par un professionnel).
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La grande question: alors, le simulateur est-il réaliste ou pas? À la lumière de mes connaissances et de mes expériences, je dirais oui. Certes, les effets de la musique et des lunettes sont un peu démesurés, mais les conséquences sur l’équilibre, la vision, la coordination et la concentration sont plutôt réalistes.
Cela dit, les effets de cette combinaison hallucinogène ne sont évidemment pas ceux ressentis par les gens qui fument un joint de marijuana ou qui prennent une autre substance en faible quantité.
Ainsi, je me suis demandé si les jeunes qui essayaient le simulateur avaient tendance à se distancier des résultats, prétextant que les effets ne sont pas aussi intenses lorsqu’on fume seulement «un p’tit joint».
Outil de sensibilisation
Le simulateur, ce sont les effets ultimes, répond Christine Hollander, directrice des communications chez Ford Canada. «L’outil sert d’abord à leur ouvrir les yeux, dit-elle. C’est un choc, ça les réveille et ça les fait réfléchir. Le fait d’être à jeun quand ils essaient le simulateur, ça fait en sorte qu’ils sont davantage conscients des effets de la drogue sur leur conduite, mais surtout, ils gardent en mémoire leur expérience de conduite, ce qui n’est pas nécessairement le cas [lorsqu’ils sont réellement intoxiqués].»
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Directrice générale des programmes de prévention à La Maison Jean Lapointe, Anne Elizabeth Lapointe croit que la combinaison hallucinogène est un bon outil pédagogique: «Le simulateur permet de faire passer un message sans utiliser un ton moralisateur. La combinaison permet aux jeunes de faire leurs propres constats, et par ricochet, de prendre eux-mêmes leurs décisions».
Certes, j’ai revêtu la combinaison seulement pendant un court moment. N’empêche, même plusieurs minutes après avoir enlevé mon attirail, mon cœur battait encore très rapidement. Il n’y a pas à dire, l’expérience est probablement plus efficace que certaines campagnes de prévention.