La famille, nouvelle lubie de Québec

Rémi Leroux-désactivé | 24 octobre 2017, 13h26

Le ministre de la Famille a annoncé des mesures pour soutenir les parents.Objectif à peine masqué: préparer les élections de 2018.

Au Fédéral, Justin Trudeau n’y était pas allé par quatre chemins : la création de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), annoncée pendant la campagne électorale, avait pour objectif de soutenir la croissance en stimulant la consommation. En revivifiant le pouvoir d’achat de la classe moyenne, principal bénéficiaire de l’ACE, le gouvernement s’assurait que sa stratégie fonctionne (lire encadré ci-dessous).

Au Québec, le gouvernement libéral n’a jamais eu de vision pour les familles. Depuis 2014, l’obsession budgétaire et les politiques d’austérité les ont même grandement fragilisées. En éducation, en santé et dans les services sociaux, les compressions budgétaires ont clairement eu des impacts sur la qualité de vie des familles, en particulier les plus fragiles.

Ce n’est pas moi qui le dis, mais la nouvelle Protectrice du citoyen, Marie Rinfret. Dans son Rapport annuel d’activités 2016-2017, elle constate que, cette année encore, «des personnes, souvent parmi les plus démunies, ont fait les frais de réformes administratives qui ont manqué de préparation et ont affecté leur sécurité personnelle et financière ainsi que le respect de leurs droits.» Mais madame Rinfret n’est pas seule à établir un tel constat.

Que le gouvernement Couillard se découvre une passion pour les parents et leur progéniture à un an des élections a donc de quoi faire sourire.

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Travail, famille… études

En entrevue avec La Presse cette semaine, le tout nouveau ministre de la Famille, Luc Fortin, a présenté sa feuille de route jusqu’aux élections de 2018. La «conciliation famille-travail-études» est sa priorité. Il a ainsi laissé entrevoir une série de mesures pour atteindre ce nirvana familial : une révision de Loi sur les normes du travail (pour augmenter le nombre de jours de congés?), l’adoption du projet de loi 143 sur la qualité des services de garde (déposé par son prédécesseur) et «un allègement fiscal» dont on ne connaît pas encore la teneur.

L’exemple des services de garde est très éclairant. Luc Fortin souhaite soutenir la création de garderies en milieu de travail. Il ne le précise pas mais on imagine que ces garderies auront un statut privé et seront « non-subventionnées ». Un modèle que le gouvernement libéral soutient très clairement et, ce, au détriment des Centres de la petite enfance (CPE) subventionnés. Ces derniers ont subis des compressions budgétaires majeures ces dernières années (en moyenne 200 millions de dollars en moins par année entre 2014 et 2016). Même si certains rattrapages ont été réalisés depuis, ce n'est pas la panacée.

Sans compter que les garderies privées non-subventionnées reçoivent également des fonds publics. «Ces fonds sont mobilisés pour financer le développement d’une offre de service privée concurrençant des services publics confrontés aux répercussions de l’austérité», rappelle Philippe Hurteau, politologue et chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), dans une note de blogue publiée en mars 2017. Or, privatiser les services – hôpitaux, services de garde, services sociaux – «aura comme résultat d’en réduire l’accès», précise le politologue.

Pas des «vœux pieux»?

Luc Fortin l’affirme : le gouvernement ne se contentera pas de «vœux pieux».

Mais en politique, prendre d’une main pour ensuite redonner de l’autre passe rarement inaperçu. «Selon le discours officiel, l’austérité aurait maintenant cédé sa place à la prospérité, analyse encore Philippe Hurteau. Comme l’horizon électoral de 2018 arrive à grands pas, le premier ministre veut pouvoir se présenter devant l’électorat avec des cadeaux. Il pourra jouer le bon père de famille qui, après avoir demandé des sacrifices à ses petits, se montre généreux en distribuant de menus cadeaux fiscaux avant les élections.»

Alors, Luc Fortin, Bon Samaritain du gouvernement Couillard?

L’allocation canadienne pour enfants bonifiée

En 2016,  l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) a remplacé l’ancienne prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE), le supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE) et la prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE). Dans son Rapport sur la politique monétaire de juillet 2017, la Banque du Canada affirme que l’ACE a jusqu’à présent «stimulé temporairement la croissance de la consommation» mais pourrait «continuer de soutenir le niveau des dépenses des ménages.»

Pour y parvenir, le ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé mardi 24 octobre une bonification de l’ACE. Les prestations vont être augmentées chaque année à compter de juillet 2018 pour suivre le rythme du coût de la vie. Un engagement qui intervient deux ans plus tôt que prévu et qui devrait davantage bénéficier aux familles à faibles revenus. Le gouvernement versera 5,6 milliards de dollars au cours de la période de 2018-2019 à 2022-2023.