Plaques masquées : plus de 37 000 conducteurs évitent des contraventions
Stéphanie Perron | 19 août 2025, 14h51
Des milliers de Québécois évitent des contraventions, car leur plaque d’immatriculation est illisible par les radars photo.
Sur TikTok et Instagram circulent des vidéos de gens qui vantent les mérites des dispositifs permettant de cacher complètement la plaque d’immatriculation de leur véhicule. Le but ? Éviter que le numéro ne soit capté par les radars photo qui surveillent la vitesse. Car, sans identification du véhicule, impossible d’envoyer un avis d’infraction.
Évidemment, de tels dispositifs sont illégaux. Mais qu’en est-il lorsque la plaque est non visible pour une raison qui semble involontaire ? Ces conducteurs passent-ils entre les mailles du filet quand ils croisent un radar photo ? Et lorsqu’ils roulent sur le pont payant de l’A25 à Montréal ? Curieuse, je me suis penchée sur la question.
Plaques d’immatriculation invisibles pour les radars photo
L’an dernier, pas moins de 37 758 dossiers ont été rejetés en raison de plaques d’immatriculation illisibles, selon les statistiques fournies à Protégez-Vous par la Sûreté du Québec (SQ). Ces chiffres englobent toutes les causes d’illisibilité, qu’elles soient intentionnelles ou non.
Or, la loi exige que la plaque soit lisible en tout temps, y compris si elle est cachée de manière temporaire ou involontaire. L’interdiction s’applique à « tout objet ou toute matière » susceptible de nuire au fonctionnement des radars photo ou à la lecture de la plaque par un système de détection, m’a indiqué la sergente Camille Savoie, de la SQ.
Cela inclut la boue, la neige, une bâche qui dépasse du coffre, un porte-vélo, etc. « La loi ne fait pas de distinction entre les terrains publics ou privés, et le simple fait qu’un véhicule puisse circuler est suffisant pour qu’une plaque non visible constitue une infraction », précise la sergente.
- La loi ne permet pas d’installer sur le porte-vélo une copie de la plaque. Photo: Anton Vakhrushev/Shutterstock.com
Photoradar : plaque d’immatriculation dissimulée par un porte-vélo
Pourtant, il est impossible de rouler sur les routes du Québec sans croiser des véhicules sur lesquels un porte-vélo obstrue totalement la plaque. Les radars photo sont-ils meilleurs que moi pour apercevoir le numéro ? Non, m’a confirmé la sergente Savoie. « Les supports et les vélos empêchent parfois la lecture de la plaque, dit-elle, et cela constitue une infraction. »
On ne se fera pas de cachettes : puisqu’une contravention pour excès de vitesse peut facilement coûter plus de 100 $, il peut être tentant de repousser à plus tard le retrait d’un porte-vélo lorsqu’on n’a plus besoin de l’utiliser. Et vu le nombre ahurissant de plaques non identifiées par les radars photo, j’ai bien l’impression que certains fins finauds exploitent cette faille.
En ce qui concerne le pont payant de l’A25, 80 % des gens qui y circulent sont dotés d’un transpondeur qui identifie automatiquement le véhicule, m’a indiqué Sylvie Godin, la porte-parole de Transurban, l’entreprise qui gère le pont. « Quant aux véhicules qui n’en ont pas, le nombre de plaques qui ne sont pas détectées par les caméras demeure minime », affirme-t-elle.
Et que pense la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) des supports à vélo qui obstruent les plaques ? Son porte-parole, Simon-Pierre Poulin, m’a expliqué qu’il incombe au conducteur d’en choisir un qui permet à la plaque d’être visible. Assurément, de nombreux conducteurs n’ont pas eu le mémo !
Pour couronner le tout, la plupart des commerçants ne permettent pas l’installation du porte-vélo avant qu’on les achète, comme nous le précisons dans notre guide d’achat sur les porte-vélos. Vous pouvez toutefois solliciter l’aide d’un vendeur pour vérifier que le modèle choisi vous garantit de rouler sans être hors-la-loi.
- La plaque provisoire est difficilement lisible à travers une vitre teintée. Photo : SAAQ
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Plaques temporaires non visibles par les radars photo
Maintenant, parlons des véhicules qui affichent dans la fenêtre arrière un certificat d’immatriculation temporaire en papier jaune ou « transit » remis par un commerçant après l’achat, ou encore une plaque provisoire en papier blanc qu’on peut imprimer soi-même. Les deux sont conçus pour être utilisés en attendant de recevoir la plaque métallique.
La Sûreté du Québec a confirmé à Protégez-Vous que ces plaques peuvent s’avérer illisibles par les radars photo. Et pour cause ! Avez-vous déjà essayé de lire le numéro inscrit dessus ? De nombreux véhicules sont équipés de vitres teintées, ce qui rend tout déchiffrage très difficile, surtout pour le « transit » en papier jaune.
« Une plaque temporaire installée sur une vitre teintée qui en compromet la lisibilité contrevient à la loi. Il revient au conducteur de s’assurer que son installation est conforme », affirme Simon-Pierre Poulin.
Or, une vitre teintée reste une vitre teintée, et le propriétaire du véhicule ne peut pas en modifier la transparence en attendant de recevoir sa plaque en métal ! Certains malins gardent-ils leur plaque en papier plus longtemps afin de rouler incognito ? La SAAQ n’a pas de statistiques à cet égard.
- Il est interdit d’utiliser le certificat temporaire (« transit ») au-delà de sa période de validité de 10 jours. Selon la SAAQ, la plaque métallique est généralement reçue avant ce délai.
Des millions en contraventions échappent à l’État
Deux articles du Code de la sécurité routière concernent les plaques non visibles. L’article 32 indique qu’une plaque doit être libre de tout objet pouvant en empêcher la lecture (amende de 30 $ à 60 $) alors que l’article 333 stipule qu’il est interdit de conduire un véhicule sur lequel est placé tout objet « pouvant nuire de quelque façon » à l’enregistrement des informations sur la plaque (amende de 500 $ à 1 000 $).
Si vous vous faites intercepter, c’est le policier qui décidera quel article s’applique à votre situation (la plaque est-elle cachée par de la boue ou par un dispositif illégal?). Et c’est aussi lui qui déterminera si vous devez dégager la plaque immédiatement… ou s’il vous laisse partir.
Chaque fois qu’une contravention est non remise en raison d’une plaque illisible — que ce soit intentionnel ou non —, cela prive le Québec d'une importante source de revenus !
Les radars photo sur les routes du Québec
• En 2024, les radars photo ont permis de récolter 100 millions de dollars.
• 21 % des dossiers rejetés le sont parce que la plaque est illisible, selon la SQ.
• Les radars photo engendrent des amendes, mais pas de point d’inaptitude, car la photo n’identifie pas le conducteur.
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