Comment j’ai perdu 112 $ en achetant sur un faux site Costco

Laurent Fontaine | 30 juillet 2025, 12h23

Si j’avais pris deux minutes pour vérifier l’authenticité du site, cela m’aurait épargné des heures de taponnage avec ma banque.

Une feuille de plastique s’était prise dans les lames de mon tracteur à gazon et j’avais besoin de trouver comment soulever l’engin sans me rompre le dos.

Assis sur le tracteur en panne, cellulaire à la main, je fais donc une recherche sur le web afin de trouver une solution. Dans le bandeau des liens commandités, Google me montre des élévateurs permettant de surélever mon tracteur.

Je clique sur le modèle hydraulique d’Aeora Rocks Exports à 124 $. Et surprise ! J’atterris sur le site canadien de Costco. Même logo, mêmes couleurs… la page n’est pas parfaitement présentée, mais les descriptions et les images montrent un produit qui semble correct.

Vite ! La promo finit bientôt

Je suis sur mon tracteur à gazon, je veux régler le problème et surtout, il y a ce petit compteur en haut de la page qui m’indique que la promo (20 $ de rabais) se termine dans 10 minutes…

Costco, c’est fiable, non ? Pour 112 $, livraison incluse, ça semble une bonne affaire… à peine le prix d’une séance chez le physio ! J’inscris donc les informations de ma carte bancaire, et go ! L’écran me signale qu’un courriel de confirmation a été envoyé.

Sauf que… je ne reçois rien du tout. Et le doute me saisit : ai-je vraiment fait la transaction avec Costco ? Je regarde l’URL du site (à peine lisible sur le petit écran de mon téléphone) et — malheur ! — je constate que j’ai fait affaire avec le site vssxrmls.shop. En d’autres termes, je viens de me faire avoir !

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Plus de deux heures au téléphone avec la banque

Il m’a fallu moins d’une minute pour bloquer ma carte de crédit sur l’application de mon institution financière afin d’empêcher les fraudeurs de l’utiliser. Mais j’ai eu besoin de près de deux heures au téléphone pour vérifier comment (peut-être) récupérer mon argent.

J’ai bien composé le numéro de téléphone d’urgence figurant au dos de la carte de crédit. Après m’avoir fait passer par d’innombrables messages enregistrés avec menus à choix multiples, la banque m’a dirigé dans un dédale virtuel pour, au bout du compte, m’inciter à ouvrir une contestation d’opération en ligne à l’intérieur de mon portail sécurisé.

Le hic ? La contestation ne peut pas se faire tant que l’opération douteuse n’a pas été comptabilisée. Impossible, donc, dans mon cas, d’arrêter le train en marche, puisque c’est moi qui l’ai lancé…

Enfin, un employé !

Après avoir réussi à déjouer « l’assistante virtuelle », j’ai fini par joindre un employé du service de la fraude (un être humain !) qui peut me confirmer la procédure à suivre pour tenter de récupérer mes fonds.

Par chance, il s’agit d’une transaction par carte de crédit en ligne : elle est donc protégée par le processus de rétrofacturation prévu par la Loi sur la protection du consommateur (LPC), c’est-à-dire un remboursement du montant lorsque la transaction n’aboutit pas.

Quoi faire si ça vous arrive

Si vous vous retrouvez dans une situation similaire à la mienne, voici ce que vous devez faire sans tarder :

• Bloquez votre carte, avisez votre banque pour connaître les procédures et gelez l’accès à votre dossier de crédit auprès d’Équifax et TransUnion.

• Si vous trouvez les coordonnées de l’entreprise qui a usurpé l’identité de celle avec qui vous croyiez faire affaire (dans mon cas, selon ma banque, la société hongkongaise Rinjoix qui se fait passer pour Costco.ca), envoyez-lui un courriel pour annuler la transaction et réclamer le remboursement. Vous ne recevrez sans doute aucune réponse, mais ce courriel est important pour le processus de rétrofacturation afin de prouver à l’émetteur de votre carte que vous avez essayé de vous entendre avec le commerçant.

• Si vous recevez tout de même un colis, vous êtes en droit de le refuser puisqu’il ne provient pas de l’entreprise avec laquelle vous pensiez faire affaire.

• 15 jours après la transaction, contactez votre banque pour entamer une demande de rétrofacturation (vous avez un maximum de 60 jours pour le faire).

Cordonnier mal chaussé…

Depuis trois ans, j’édite presque chaque semaine chez Protégez-Vous des textes sur les fraudes de toutes sortes. Et pourtant, il n’a fallu que quelques minutes d’inattention pour me faire avoir comme un débutant. Ne baissez jamais la garde !

Voici quelques-uns des indices qui auraient dû éveiller mes soupçons :

• Je ne connaissais pas la marque du produit, Aeora Rocks Exports. L’entreprise existe, oui, en Inde, mais elle propose plutôt « des minéraux, des cristaux et d’autres produits métaphysiques »…

• Sous l’image du produit, Google n’affichait pas Costco, mais plutôt le nom de l’entreprise indienne. Pourquoi une vedette de la vente au détail bien établie chez nous n’indiquerait-elle pas sa raison sociale ?

• La fausse page de Costco était mal présentée, il n’y avait pas de version française, et après coup, j’ai constaté que le courriel de contact est une adresse gmail.com.

• Un compteur mettait de la pression pour m’inciter à payer rapidement.

On ne m’y reprendra plus ! La prochaine fois, je procéderai à la transaction sur un ordinateur plutôt que sur un cellulaire afin de pouvoir mieux vérifier l’authenticité du site. Et surtout, j’écouterai ma petite voix intérieure qui me dit : es-tu vraiment sûr ?

En attendant, si vous avez un truc pour surélever un tracteur à gazon sans se casser le dos, je suis preneur…

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