Devriez-vous rembourser vos dettes ou épargner?

Emmanuelle Gril | 18 février 2025, 13h53

Vous avez réussi à dégager une marge de manœuvre dans votre budget pour épargner? Bravo! Maintenant, que faire de votre pécule?

J’ai beau essayer de retourner mon budget dans tous les sens, je n’ai que peu de latitude pour réaliser des économies supplémentaires. Bien sûr, comme beaucoup de Québécois, je contribue à mes REER tous les mois afin de bâtir mon épargne-retraite, mais j’aimerais bien réussir à épargner davantage pour mener à bien quelques projets. Or, il y a de l’espoir, car j’ai enfin fini de rembourser mon téléphone à mon fournisseur de télécommunications ainsi que mon lave-vaisselle, tous les deux payables en 24 versements. Cette poignée de dollars est la bienvenue et me permettra de constituer une petite cagnotte d’ici quelques mois. Mais je m’interroge : en fin de compte, devrais-je l’utiliser pour épargner davantage en CELI ou en REER ou, au contraire, l’utiliser pour rembourser plus rapidement ma marge de crédit ?

Évaluer les avantages comparés

Je suis loin d’être la seule à me poser cette question. Rien d’étonnant, car il n’est pas facile de peser les avantages que nous procurerait de l’épargne supplémentaire, comparés à ceux générés par le remboursement de nos dettes.

On le sait, le crédit est bien présent dans nos vies, puisque l’endettement des ménages canadiens atteignait 177 %, selon les dernières données de Statistique Canada (décembre 2024). Cela signifie que, pour chaque dollar gagné après impôt, les ménages doivent 1,77 $. Or, le crédit coûte cher, en particulier les cartes de crédit avec des taux d’intérêt d’en moyenne 20 % qui s’ajoutent à la facture si l’on ne rembourse pas le solde complet tous les mois. Les taux des marges de crédit personnelles, quant à eux, s’établissent entre 11 % et 12 % et les marges de crédit hypothécaires, approximativement entre 5 et 6 %.

De l’avis de Marie-Pier Drolet, planificatrice financière et conseillère en gestion de patrimoine à la Financière des Professionnels (FDP), pour répondre à cette interrogation, il faut établir de quelle façon notre argent travaillerait le mieux. « On doit déterminer quel est le taux d’emprunt et le mettre dans la balance par comparaison à ce que rapporterait un investissement, et ce sans oublier ses retombées fiscales potentielles », précise la spécialiste.

Ainsi, les régimes enregistrés d’épargne, comme le REER, le CELI, le CELIAPP mais également le REEE, génèrent des avantages fiscaux très intéressants. Non seulement l’argent fructifie à l’abri du fisc, mais dans le cas du REER et du CELIAPP, ils procurent aussi une déduction d’impôt. « En tenant compte de l’impact fiscal d’une contribution à l’un ou l’autre de ces régimes, on saura donc quelle est la meilleure façon d’utiliser son épargne », mentionne Marie-Pier Drolet.

Un outil pour faire ses calculs

Pour nous aider dans notre réflexion, elle propose d’utiliser la calculatrice de l’Institut de planification financière (IPF). Cet outil permet de savoir s’il est préférable de cotiser à un REER, à un CELI, à un REEE, ou de rembourser son hypothèque. Au lieu d’une hypothèque, il est possible de modifier l’équation et d’effectuer les calculs en fonction d’une dette de marge de crédit ou de carte de crédit par exemple. Pour cela, il suffit d’indiquer le taux d’intérêt applicable dans la case intitulée Taux d’emprunt, comme 5,45 % pour une marge de crédit hypothécaire ou 20 % pour une carte de crédit.

Ainsi, en supposant un taux marginal d’imposition actuel de 36 % et de 26 % au décaissement, une somme de 1 000 $ cotisée en REER auxquels s’ajoutent 562 $ de remboursement d’impôt produirait un solde accumulé net à l’échéance (1 an dans notre exemple), de 1 214 $ avec un taux de rendement de 5 %. De son côté, une cotisation au CELI rapporterait 1 050 $ au bout d’un an.

La même somme (1 000 $) utilisée pour rembourser une marge de crédit au taux de 5,45 % représenterait au bout d’un an un solde net de 1 054 $. Ici, la balance penche en faveur de la cotisation REER, mais on pourrait aussi envisager une stratégie mixte, c’est-à-dire verser 500 $ en REER et rembourser 500 $ sur la marge. Personnellement, c’est l’approche que je vais adopter.

Autre option : utiliser le remboursement d’impôt de 562 $ pour payer une portion de sa marge. Qu’en est-il pour une dette de carte de crédit à un taux d’intérêt de 20 % ? Dans ce cas, le solde net à l’échéance passerait à 1 200 $ du côté de la carte, ce qui devrait nous inciter à la rembourser en premier lieu.

Peser le pour et le contre

Quoi qu’il en soit, Marie-Pier Drolet souligne que certaines dettes devraient être placées en tête de nos priorités, notamment celles des cartes de crédit qui génèrent de hauts taux d’intérêt faisant rapidement grimper le solde dû.

Il faut aussi tenir compte du revenu imposable. Ainsi, une personne dont le taux d’imposition est faible n’aura pas beaucoup d’avantages fiscaux à cotiser à ses REER, puisque la déduction ne sera pas très élevée, voire inexistante. « Dans ce cas, on priorisera le remboursement des dettes », insiste l’experte.

Pour s’y retrouver et s’assurer de prendre une décision éclairée, elle recommande de commencer par faire un bilan de sa situation financière, incluant une liste des dettes et de leur taux d’intérêt. « Payer ses dettes à haut taux d’intérêt est plus urgent qu’effectuer un remboursement accéléré sur son hypothèque par exemple. Concernant les prêts étudiants, puisque les intérêts versés sur ceux-ci sont déductibles, il vaut mieux rembourser d’abord les dettes plus coûteuses », illustre Marie-Pier Drolet. Autrement dit, il faut pondérer le strict critère du retour sur investissement avec ces éléments.

La conseillère en gestion de patrimoine souligne également qu’on ne saurait passer sous silence l’aspect émotionnel. « Si vos dettes vous empêchent de dormir, alors il sera préférable de vous y attaquer en priorité, explique-t-elle, même si techniquement, cotiser à vos REER serait financièrement plus avantageux. »

Elle précise aussi que, si vous avez des enfants, investir votre épargne dans un REEE pour leurs études postsecondaires constituera, à long terme, un excellent placement en raison des généreuses subventions gouvernementales. Jugez plutôt : 1 000 $ en REEE rapporteront au bout d’un an 1 365 $, selon le calculateur de l’IPF.

Un dernier conseil : ne négligez pas le fonds d’urgence. Celui-ci devrait contenir l’équivalent de trois à six mois de dépenses, un montant qui vous évitera d’avoir recours au crédit en cas d’imprévu. Donc, une fois vos dettes coûteuses remboursées, veillez à constituer votre bouée de secours financière.

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Version modifiée le 19 février 2025 pour rectifier une erreur dans le titre professionnel de Mme Drolet.