Inutiles Gargouilles de lavage
Marie-Ève Bergeron | 26 juillet 2022, 14h27
Nos tests le montrent: les Gargouilles et noix de lavage sont inefficaces. Les bandes de lavage font à peine mieux.
Nous avons reçu au cours des derniers mois des dizaines de courriels nous demandant ce qu’on pensait des fameuses boules de lavage Les Gargouilles. Même ma sœur (ne sachant pas que je travaillais sur ce projet) m’a envoyé un message me disant «Les Gargouilles, est-ce que ça marche? Le concept a l’air pas pire.» C’était donc évident que nous allions les inclure dans notre test de détergents à lessive. En fouillant un peu, j’ai trouvé d’autres produits qui promettaient un lavage efficace et écologique. Par exemple, les noix de lavage, un produit qu’on avait déjà testé avec des résultats très peu probants il y a une dizaine d’années, et le détergent en feuilles TruEarth, qui fait énormément de publicité sur les réseaux sociaux.
Très franchement, je comprends l’intérêt pour ce genre de produits. Moi-même, je suis toujours à la recherche de solutions plus écologiques pour réduire mon impact environnemental et celui de ma famille. Mais, dans ce cas-ci, j’avais un gros doute au départ, et ce doute s’est confirmé lorsque j’ai reçu les résultats du laboratoire: les Gargouilles et les noix de lavage ne sont pas plus efficaces qu’un simple lavage à l’eau. Avec les bandes TruEarth, on voit un certain effet nettoyant, mais elles sont loin de performer aussi bien que les meilleurs détergents à lessive de notre test.
Près de 300 lavages
Pour en arriver à ces constats, pour chacun des produits, nous avons lavé 14 taches normalisées, regroupées en trois catégories: taches de gras (huile minérale, fond de teint et gras de bœuf), taches d’origine enzymatique (chocolat, boue, sang et purée de carottes) et taches oxydables (herbe, café, thé, bleuet, sauce tomate, vin rouge et moutarde). Après le lavage, l’intensité de chacune des taches restantes a été évaluée à l’aide d’un spectrophotomètre.
Mentionnons d’abord que même un lavage à l’eau claire réussit à faire pâlir les taches… jusqu’à un certain point. Les laveuses modernes, par leur action mécanique, réussissent à déloger en partie les saletés. C’est probablement pour cette raison que tant de gens semblent convaincus de l’efficacité de produits comme les Gargouilles ou noix de lavage, même si, objectivement, ils ne fonctionnent pas du tout. L’eau, comme les trois produits écolos, n’a cependant que peu d’effet sur certains types de taches, celles de gras et de moutarde notamment, alors que plusieurs détergents ont obtenu de bien meilleurs résultats.
Notre test de détergents se fait en partenariat avec des magazines de consommation de plusieurs pays: République tchèque, Danemark, Finlande, Suède, Autriche et Slovénie. Chaque pays choisit ses produits à tester et les conditions du test (température et dureté de l’eau), mais nous partageons le même protocole et le même laboratoire.
Je dois avouer que, lorsque mes collègues m’ont vu arriver avec mes Gargouilles, ils se sont gentiment moqués de moi. C’est que plusieurs d’entre eux étaient déjà passés par là. En 2012, les magazines slovène (Zveza Potrosnikov Sloveije) et tchèque (D Test) avaient testé des boules de lavage du même genre et avaient obtenu exactement les mêmes résultats que nous. Les magazines italien Altro Consumo et français Que Choisir étaient arrivés à la même conclusion dès 2009 et le magazine australien Choice, dès 1998. Comme quoi ce genre de produit miracle ne date pas d’hier et ne séduit pas seulement les Québécois!
Les trois produits en question
Les Gargouilles
- 50 $ pour une boule (75 $ pour trois, 100 $ pour cinq ou 150 $ pour dix)
Il s’agit d’une boule en thermoplastique qui contient différents types de billes de céramique. Selon le fabricant, elle est réutilisable au moins 1500 fois, réduit l’utilisation du plastique, permet de dire adieu aux composés chimiques dangereux et préserve les tissus et les couleurs des vêtements tout en faisant économiser 1540 $ sur quatre ans. Dans les faits, le produit n’est pas plus efficace que de l’eau sur les taches. Cependant, tout comme l’eau, il préserve bien les couleurs. Il est cependant douteux de qualifier d’écologique un produit fait de plastique et importé directement de Chine. Surtout quand ce produit n’apporte aucun pouvoir nettoyant. Bien que l’emballage indique que le produit est recyclable à la fin des 1500 cycles de lavage, aucun symbole officiel de recyclage n’y figure. Du plus, comme il ne s’agit ni d’un contenant ni d’un emballage et que la présence des billes en céramique, si elles restent à l’intérieur, vient contaminer le recyclage, la recyclabilité reste à démontrer.
Les noix de lavage
- 14 $ pour 256 g (36 brassées)
Les noix de lavage sont présentes sur le marché québécois depuis longtemps. Souvent vendues dans des magasins de produits naturels, elles se trouvent aussi en ligne. Concrètement, ce sont de petites coques rondes provenant du Sapindus mukorossi, un arbre de la même famille que l’érable, le marron d’Inde et le litchi, qui pousse principalement en Inde et au Népal. Selon le fabricant, le produit contient de la saponine, un agent nettoyant naturel. Il suffit de placer quelques noix dans un sachet en tissu. Les mêmes noix peuvent servir pour trois ou quatre brassées, puis on les met au compost. À mon avis, importer un produit inefficace d’aussi loin que l’Inde ou le Népal a une empreinte écologique évitable. De plus, on possède bien peu d’information sur l’impact environnemental de leur culture.
Les bandes de lessive TruEarth
- 40 $ pour 64 bandes
Les publicités des bandes TruEarth sont fréquentes sur Facebook et autres réseaux sociaux. Elles proposent ni plus ni moins que du détergent en feuilles, un peu comme une feuille d’assouplisseur, ce qui permettrait de réduire les emballages de plastique, les dépenses énergétiques liées au transport et l’espace de rangement. Dans les faits, même si le produit a montré une certaine efficacité, il est loin d’égaler les meilleurs détergents de notre test. De plus, des études de cycle de vie ont montré que, dans le cas des détergents à lessive, le transport et la fin de vie des emballages ont un impact moins important que les ingrédients et l’utilisation qu’on fait du produit. Finalement, nous avons eu bien de la difficulté à recevoir nos commandes. En fait, on ne les a jamais reçues. Nous en avons finalement trouvé en magasin et nous les avons envoyées en catastrophe au laboratoire. Pour réduire les emballages de plastique, je préfère me tourner vers le vrac ou vers des contenants qu’on peut remplir.
Pour faire un lavage écolo, on fait comment?
- Regardez les résultats de notre test de détergents. On y trouve des produits performants qui ont une certification écologique crédible. Pensez aussi aux produits vendus en vrac ou qui peuvent être remplis à partir de gros contenant.
- Modifiez vos habitudes de lavage
- Portez vos vêtements un peu plus longtemps avant de les laver s’ils ne sont pas sales. On ne devrait pas avoir à nettoyer des jeans ou un coton ouaté tous les jours (sauf si on a renversé notre bol de spagat au souper).
- Utilisez moins de détergent. Les fabricants sont souvent très généreux dans leurs recommandations. Vous pouvez expérimenter avec une plus petite quantité et vérifier si vos vêtements ressortent propres.
- Lavez vos vêtements à l’eau froide et laissez-les sécher à l’air libre. Vous réduirez votre facture d’électricité et vous allongerez la durée de vie de vos vêtements puisque les fibres vont s’user moins rapidement.
- Choisissez des vêtements de qualité. Évitez le «pré»-usé, troué et délavé puisque les fibres sont déjà abîmées et que le vêtement risque du durer moins longtemps.
- Quand viendra le temps de changer votre laveuse, optez pour un appareil performant, écoénergétique, fabriqué par une marque fiable et qui se répare en cas de pépin.
- Considérez installer un filtre qui récupère les microplastiques à même votre laveuse.