Que laisserez-vous à vos héritiers après votre mort?
Emmanuelle Gril | 18 mai 2022, 15h43
Selon le vieil adage, il y a deux choses auxquelles on ne peut pas échapper dans la vie: la mort et l’impôt…
Cet adage prend tout son sens lorsqu’il est question d’héritage, car, même dans la mort, nous ne pouvons échapper aux autorités fiscales. C’est ce que j’ai réalisé lorsque j’ai tenté d’évaluer ce que je laisserais à mes deux filles advenant le cas où je décéderais subitement.
Bien sûr, elles ne rouleraient pas sur l’or; elles hériteraient de mes REER et d’un condo dont il reste encore un solde hypothécaire à payer. Je pensais qu’elles toucheraient au moins une somme qui leur permettrait de retomber sur leurs pieds, ce qui m’assurait une tranquillité d’esprit relative. J’ai compris que je me trompais après avoir discuté avec France Leclerc, fiscaliste et planificatrice financière chez Desjardins Gestion de patrimoine.
Prévoir la facture fiscale
En effet, elle m’a expliqué qu’aux yeux de l’impôt, tous les biens du défunt sont considérés comme vendus à leur juste valeur marchande immédiatement avant le décès. Cela concerne notamment les biens immobiliers (résidence principale, chalet, immeubles à revenus, etc.), les investissements (incluant les actions de société privée), les effets personnels, etc.
Ils ont pris de la valeur depuis leur acquisition? Il faudra alors payer de l’impôt sur le gain en capital l’année du décès. Admettons que vous avez payé votre condo 230 000 $ et qu’au jour de votre mort, il est évalué à 300 000 $, il se pourrait alors qu’il y ait des impôts à payer sur une partie du gain de 70 000 $. À noter que certaines dépenses s’ajoutent, comme les droits de mutation et les frais d’évaluation, ce qui réduira le gain en capital.
Voici un exemple chiffré:
Prix de vente: 300 000 $
Coût fiscal: prix de base rajusté : 230 000 $ + 2 036 $ (droits de mutation) + 1 200 $ (frais d’évaluation) = 233 236 $
Gain en capital: 300 000 $ - 233 236 $ = 66 764 $
Impôt potentiel: (66 764 $ x 50 % x 53,305 % taux d’imposition marginal maximum) = 17 794 $
Heureusement, il existe une exemption s’il s’agit d’une résidence principale et, dans ce cas, il n’y aura pas d’impôt à payer sur le gain en capital. Sachez également qu’il est possible de désigner comme résidence principale une autre propriété, un chalet par exemple, si le gain sur celui-ci est plus élevé. Enfin, on peut aussi répartir l’exemption sur plusieurs résidences, du moment qu’il s’agit d’années différentes.
Quant aux actifs enregistrés (REER, FERR), ils seront vus comme s’ils avaient été décaissés d’un seul coup immédiatement avant la mort, et ces montants devront être inclus dans la déclaration de revenus de la personne disparue. Résultat: la facture fiscale peut grimper jusqu’à 53 %!
Précision importante: ces règles ne s’appliquent pas si les biens, qu’ils soient enregistrés ou pas, sont légués à l’époux ou au conjoint de fait. L’impôt pourrait alors être reporté jusqu’au moment où celui-ci décédera à son tour. Il existe aussi quelques exceptions concernant les REER et FERR.
Bonne nouvelle, les REEE auxquels j’ai cotisé pour mes filles sont libres d’impôt, et mon CELI également. En revanche, les revenus de placements réalisés par le CELI après mon décès seront imposables, à moins que mes filles n’aient suffisamment de droits de cotisation inutilisés pour maximiser leur propre CELI. Sinon, il serait préférable de le léguer à l’époux ou au conjoint survivant. Et puisque les revenus après le décès sont imposables pour la succession, il vaut mieux transférer le CELI le plus rapidement possible.
Évitez les surprises
Alors que faire pour réduire la facture fiscale? Il existe certaines stratégies que l’on peut mettre en place dans le cadre d’une planification successorale avant le décès. Par ailleurs, c’est une bonne chose d’avoir une assurance vie lorsqu’on sait qu’on laissera à sa succession davantage de biens immeubles que de liquidités, selon France Leclerc. Le produit d’assurance permettra en effet de payer leur dû aux autorités fiscales, ce qui évitera de vendre une propriété au rabais et en urgence.
Rappelez-vous: c’est la succession qui paye l’impôt, et non les héritiers. Le représentant légal, habituellement le liquidateur, devra s’acquitter de ces formalités. Les sommes qui reviendraient le cas échéant à mes filles auront donc déjà été imposées.
Quoi qu’il en soit, le liquidateur a tout intérêt à se faire accompagner dans ses démarches par un professionnel afin de poser les bons gestes et d’éviter ainsi des erreurs qui pourraient s’avérer coûteuses sur le plan fiscal.
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